Au coeur des ténèbres (Joseph Conrad)

 




« Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad est le type même de roman éclipsé par un film, celui de Francis Ford Coppola en l’occurrence, « Apocalypse now ».

Il était évident compte tenu de mon admiration pour ce film que je lise le livre dont il est issu même si l’adaptation de Coppola transpose l’histoire en Asie alors qu’initialement elle a lieu en Afrique.

Dés les premières pages d’« Au cœur des ténèbres » le lecteur est accroché par le ton particulier du roman, mystérieux et onirique.

Le livre raconte l’histoire au XIXiéme siècle, d’un Anglais qui s’engage comme capitaine sur une compagnie de marine marchande française ou belge ( ?) pour récupérer de l’ivoire sur le fleuve Congo.

Le capitaine doit faire la liaison avec les postes avancés de la compagnie dans les terres et notamment avec un certain Kurtz, directeur d’un de ces centres.

Ce voyage va devenir une sorte de parcours initiatique, de cauchemar éveillé, d’enfer vert avec un retour aux premières sensations humaines.

A bord de son navire, un vieux bateau à vapeur brinquebalant, le capitaine va découvrir le continent africain, ses mystères, ses dangers également.

La foret et le fleuve sont systématiquement décrits comme oppressants, générateurs d’un puissant malaise.

Le narrateur-capitaine découvre des Blancs obsédés par le profit et les pillages, bien loin de leurs idéaux progressistes à l’égard des populations noires qui sont le plus souvent exploitées et réquisitionnées comme main d’œuvre.

Rapidement il entend parler de Kurtz, l’homme mystérieux qu’il doit rencontrer.

Les termes sont étranges, il est d’abord loué comme un homme extraordinairement compétent puis les avis divergent, on raconte qu’il a volé la compagnie, que l’ivoire n’arrive plus et que cet homme gravement malade doit être rapatrié.

La deuxième partie du roman est donc la quête de cet homme insaisissable et pratiquement mythique.

Une fois sur place, l’équipage se fait attaquer par des tribus guerrières.

Le narrateur apprend que ses tribus sont commandées par Kurtz qui est devenu une sorte de gourou, de demi-dieu de la foret.

Kurtz a apparemment fasciné aussi bien les noirs que les blancs et tous se revendiquent comme ses disciples.

Le capitaine devient lui même fasciné par ses histoires et  finit par rencontrer Kurtz qui est mourant dans la jungle.

Il récupère une partie de ses écrits, la plupart se trouvant être non liés à son métier mais des manuels pour la manière de traiter les sauvages afin de leur apporter le progrès.

Kurtz meurt dans les bras du capitaine qui demeurera complètement hanté et fasciné par cet homme mystique.

« Au cœur des ténèbres » est plus qu’un extraordinaire roman d’aventure.

Il peut être vu comme un refus du matérialisme, une expérience mystique, nihiliste, quasi philosophique, une réflexion sur la mort, le sens de la vie, un retour aux cotés les plus primitifs et enfouis de l’homme.

La langue est exceptionnelle, les descriptions maritimes ou fluviales écrasantes de beauté.

La nature inquiétante et toute puissante ramène l’homme à sa juste place, celle d’un moucheron.

Le lecteur a lui aussi l’impression d’être happé dans un rêve enfiévré, ballotté par le rythme languissant de cette interminable remontée du fleuve ou les hommes blancs perdent  leur raison, le fragile verni de leur civilisation pour se révéler à eux mêmes.

Un livre culte, hypnotisant, troublant, tout le génie de Conrad.

      Et à peine 115 pages...    

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