Vent de sable (Joseph Kessel)

 



« Vent de sable » de Joseph Kessel est un livre qui change par rapport aux précédents ouvrages que j’ai lu de lui.

Il s’agit ici d’un pur roman d’aventure racontant l’épopée durant l’été 1925 des premiers transports aériens français de courrier entre Toulouse et Dakar.

En réalité la partie la plus développée est celle concernant le tronçon Agadir-Dakar.

Le narrateur, Joseph Kessel lui même, journaliste et grand aventurier devant l’éternel embarque comme passager sur l’un de ces vols et accompagne les pilotes dans leur périlleux voyage.

A cette époque, si les premiers avions de chasse ont vu le jours lors de la guerre de 14-18,  l’aéronautique commerciale en est à ses premiers balbutiements et  le transport aérien sur de longues distances n’est pas fiable, les avions sont fragiles, les ratés mécaniques fréquents, l’électricité et le TSF viennent seulement d’être inventés.

Ainsi les pilotes de ces premiers vols peuvent être considérés comme de vrais pionniers voir d’authentiques trompe la mort.

Le trajet Agadir-Dakar consiste à longer la cote de  l’Océan Atlantique pour ne pas trop se perdre dans l’uniformité du désert survolé.

Les principaux dangers sont les tempêtes de sables, terriblement destructrices et imprévisibles, les tempêtes de l’Océan survolé à trop basse altitude mais également les populations de pirates maures, guettant les appareils se posant sur leur territoire pour au mieux capturer les pilotes pour les vendre contre rançon après une longue captivité, au pire les tuer.

Kessel sait tout cela et se joint à un groupe d’une demi douzaine de pilotes, mécaniciens et interprètes arabes répartis sur deux avions.

Le récit de ce voyage est extraordinaire de dépaysement.

Kessel tient en premier lieu absolument à rendre hommage à ces hommes qu’il admire.

Des hommes simples, généreux, courageux jusqu’à la limite de l’inconscience, unis par une même et mystérieuse passion et habités par une sorte de mission sacrée : acheminer coûte que coûte ce courrier qu’ils ne liront jamais.

L’hommage rendu au pilote Emile Lecrivain, qui mourra lors d’un voyage suivant est très touchant.

Après les hommes, les lieux tiennent une place importante dans le récit.

Kessel est plus intéressé par l’aspect nocturne des villes qu’il traverse comme Casablanca et Agadir, villes arabes ou la présence européenne se fait sentir jusque dans les bars et les bordels,  ou Fort Juby dernier avant poste de la civilisation avant le désert angoissant puis Villa Cisneros et sa garnison espagnole, point de sortie du désert Saharien.

Etrangement les villes traversées avant ou après le désert et notamment la partie sénégalaise du périple sont à peine esquissées.

Ce qui a en effet le plus fasciné Kessel est sans nul doute le désert saharien.

Ainsi le point culminant du roman est la terrible tempête essuyée lors du trajet Fort Juby-Villa Cisneros.

Les quelques pages décrivant la lutte des hommes et de leurs machines contre les éléments déchaînés constituent à elles seules un monument de la littérature du roman d’aventure.

J’ai également beaucoup apprécié les descriptions de la vie des hommes dans les forts ou les garnisons situés en bordure du Sahara, et notamment le terrible effet magnétique que peut avoir le désert sur les hommes échoués dans ces zones ou l’homme tout du moins occidental n’a pas vraiment sa place.

« Vent de sable » est donc un formidable roman, magnifiant aussi bien la beauté de la Nature que le courage des hommes éperdus de conquêtes.

Il plane sur ce livre l’ombre des Mermoz et Saint Exupery mais également un parfum de nostalgie pour des temps ou monter dans un avion constituait un acte de courage confinant à la folie douce.

Joseph Kessel, offrant ici une immortalité dorée à une époque donnée et aux différents acteurs la composant, atteint pour moi le niveau le plus noble que l’on peut rêver d’atteindre un jour en littérature.


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