Le syndrome d'Ulysse (Santiago Gamboa)

 



Détour vers une littérature plus exotique avec « Le syndrome d’Ulysse » de Santiago Gamboa.

Quand je parle d’exotisme tout est très relatif, puisque le roman se passe à Paris.

Santiago Gamboa y raconte pourtant les pérégrinations d’Esteban, un jeune Colombien venu tenter sa chance dans la ville Lumière au début des années 90 à la veille de la première guerre du Golfe.

On appelle syndrome d’Ulysse le sentiment de stress et de malaise que peut ressentir un homme ou une femme hors de son pays d’origine.

Ce syndrome n’est pas anodin et peu amener jusqu’à la dépression ou à des crises de tachycardies.

Officiellement Esteban est venu à Paris pour suivre une thèse de littérature  mais la raison profonde et non avouée de sa venue est d’écrire un roman dans la ville qui a inspirée Hemingway, Miller et tant d’autres artistes de renom.

Mais à Paris, Esteban découvre la dureté de la vie dans une grande ville comme Paris lorsqu’on est étranger, sans argent, et maîtrisant mal la langue.

Pour survivre, il va cumuler les petits boulot mal payés, en faisant la plonge dans un restaurant coréen, en donnant des cours d’espagnol dans un institut formant des cadres supérieurs mutés en Amérique latine tout en suivant ses cours à la faculté.

Esteban fréquente la communauté colombienne implantée à Gentilly mais pas seulement.

A travers le portraits de ses fréquentations, Gamboa va livrer une description saisissante de la population immigrée vivant à Paris dans les années 90 que ce soit Paula, la belle colombienne nymphomane au grand cœur, Salim étudiant marocain jouant le rôle de confident et de passeur vers les cercles littéraire arabes, Jung nord coréen en fuite suite à l’enlèvement de sa femme, Susi la Sénégalaise et Saskia la Polonaise toutes deux prostituées.

Les deux fils directeurs du roman sont l’obsession d’Esteban pour retrouver Nestor, un Colombien discret ayant  mystérieusement disparu après un tournoi d’échec remporté à la Cité Universitaire et ses relations amoureuses autour de trois femmes insaisissables, Victoria sa première amie colombienne l’ayant quitté pour vivre à Strasbourg avec un français qu’elle n’aime pas, Sabrina, française compliquée qui se refuse à lui et Paula, la maîtresse poétesse de la sexualité.

Dans « Le syndrome d’Ulysse » il est donc beaucoup question de sexualité assez débridée autour de partouzes multi ethniques dont on se demande si l’auteur ne les a pas plus fantasmées que vécues.

Mais le roman porte aussi un beau contenu philosophique en la personne de Gaston, ami homosexuel de Nestor, qui enseigne la philosophie au Blanc Mesnil.

J’ai beaucoup apprécié l’intelligence de l’auteur, sa faculté à analyser le regard de la société française par rapport à l’Amérique latine souvent enfermée dans des clichés d’exotisme, d’évasion et de conscience politique révolutionnaire dont certains sud américains profitent du reste sans vergogne.

Si les déboires sentimentaux d’Esteban ne m’ont pas passionnés outre mesure, j’ai en revanche été touché par les destins d’êtres fragiles en situation précaire, sans papiers prêt à tout, prostituées cocaïnomanes ou exilés politiques révolutionnaires, écrivains dissidents, poètes maudits ayant laissé toute leur famille au pays.

Sa vision de la capitale parisienne est je le trouve extrêmement intéressante, comme si les émigrés sans argent compensaient leur misère par une vie sexuelle intense tandis que les parisiens inaccessibles, blasés, froids et aisés se plaçaient dans un autre monde avec finalement aucun point commun.

Très bien écrit, construit, plaisant et intelligent « Le syndrome d’Ulysse » est un formidable roman dont le grand succès est  à mes yeux tout à fait mérité.

Citation pour finir , conseils d’un oriental pour plaire à une femme lors d’un premier rendez vous « je devais être poli et sensible, l’écouter avec attention, ne pas la contredire, et surtout m’étonner de tout ce qu’elle disait, les femmes adorent, comme les hommes d’ailleurs, être écoutés et mises en valeur, tu verra à la sortie du cinéma vous irez discuter quelque part, c’est ce qui se fait, toi tu l’écoutes sans essayer d’imposer une opinion et encore moins de la tourner en ridicule devant ses amis, surtout pas, elle est gentille, elle appréciera ton bon sens ».

Tellement bien vu...

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