Le Miroir de la mer (Joseph Conrad)

 



Joseph Conrad toujours avec « Le Miroir de la mer ».

Ce livre est un recueil de réflexions et de pensées personnelles de l’auteur autour de ses vingt et quelques années passées en tant que marin de la marine marchande.

Ce qui transparaît dans « Le Miroir de la mer » est l’amour indéfectible de Conrad pour non pas la mer en elle même mais plutôt dans les navires à voile et les hommes qui les conduisaient.

Conrad compare la navigation à un art portée à sa perfection et va même jusqu’à doter les navires à voiles d’une personnalité propre à laquelle doit s’unir les capitaines qui les dirigent.

Les termes maritimes abondent et rendent quelques fois difficile la lecture, mais Conrad se montre très pointilleux sur l’emploi d’expressions impropres passées dans le langage courant comme « jeter l’ancre ».

L’auteur constate avec une certaine amertume l’évolution technique de son art, regrettant la domination des bateaux à vapeur sur les bateaux à voiles, plus élégants, mystérieux et avec qui les hommes avaient un rapport plus intime.

Le comparatif entre les différents navires et leurs systèmes  de propulsion est aussi intéressant que touchant.

Mais « Le Miroir de la mer » parle aussi des hommes, de la fraternité qui unit les équipages évoluant dans cet environnement imprévisible et potentiellement dangereux.

Conrad ajoute une dimension psychologique à l’analyse du métier de marin, parlant des déchirements des départs, de l’installation de la routine apaisante de la traversée, et de la vigilance quasi permanente du bon marin qui dans son intérêt ne doit pas trop se sentir en sûreté vis à vis de l’environnement marin.

Les passages comparant les vents d’Ouest et d’Est à des dieux vikings ou orientaux se partageant le monde liquide sont d’une beauté incroyable.

Après les vents viennent les fleuves, puis les estuaires et les ports, notamment celui de Londres que Conrad connaissait bien.

Le recueil se termine sur des anecdotes précises, la brutale prise de conscience des dangers du métier de marin du jeune Conrad après un sauvetage d’un équipage en grande détresse puis l’aventure rocambolesque d’une navigation prêt des cotes espagnoles lors de la guerre civile entre Don Carlos et Ferdinand VII.

Les dernières pages du livre constituent un vibrant hommage à l’amiral Nelson et par l’extension à toute la marine britannique.

En conclusion, « Le Miroir de la mer » présente un intérêt pour son coté autobiographique qui permet de mieux cerner des pans entiers de la personnalité de Joseph Conrad.

L’auteur porte un regard passionné sur sa vie passée décrivant une forme d’attraction quasi mystique pour la vie en mer tout en conservant un jugement lucide sur les dangers de ce métier bien souvent cruel et ingrat.

Conrad bat donc en brèche certaines illusions de terriens fantasmant sur la dimension exotique et aventureuse de la vie de marin.

Pour le britannique, la mer en éprouvant les hommes, les aide à se révéler à eux mêmes.

Un livre personnel et intéressant donc sur le domaine maritime même si le vocabulaire très spécifique à la navigation à voile peut parfois rebuter et si je préfère assurément quand Conrad opte pour le style romanesque.

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