Une matinée d'amour pur (Yukio Mishima)

 



« Une matinée d’amour pur » regroupe sept nouvelles sur le thème de l’amour écrites par Yukio Mishima entre 1946 et 1965.

Quand il écrit « Une histoire sur un promontoire » Mishima a à peine plus de vingt ans.

Il narre une curieuse expérience de son enfance, une révélation passant par une communion extrêmement forte avec la nature s’exprimant par sa fascination pour la contemplation de la mer depuis un promontoire surplombant une falaise sur la presqu’île de Boso située prêt de Tokyo.

On apprécie déjà le caractère rêveur du jeune Mishima, perdu dans la lecture de contes ou de romans d’aventures et ayant tendance à explorer la vie par ses propres moyens en s’affranchissant des contraintes des adultes.

« Haruko » est une nouvelle encore plus troublante autour d’une passion jeunesse pour sa jeune tante Haruko Sasaki, fille d’un comte qui avait commis l’erreur de fuguer avec son chauffeur.

Après la mort du chauffeur à la guerre, Haruko était revenue vivre chez son père avec sa belle sœur Michiko.

Sans doute attiré par ce parfum de scandale, le jeune Mishima va développer une troublante attirance pour les deux femmes Haruko et Michiko.

Le jeune homme s’immisce dans la relation entre les deux femmes, couche avec Haruko tout en désirant Michiko et son imagination se met à le travailler, brouillant toutes les cartes.

Dans ce triangle amoureux atypique délicieusement pervers, le lecteur ne sait plus très bien ou commence la réalité,  ou s’arrête le fantasme et se laisse emporter dans les méandre des pensées d’un jeune homme troublé par deux belles jeunes femmes adultes …

Plus brève mais toujours intense émotionnellement, « Le cirque » raconte une histoire d’amour tragique entre une trapéziste et un cavalier exploités par un patron de cirque peu scrupuleux.

Mishima touche ici encore fois juste.

Avec « Papillon », l’écrivain renoue avec les amours romantiques contrariés voir impossibles autour de la passion de jeunesse de Kiyohara ancien officier vieillissant pour Hanako Kawaramachi une femme mariée connue lors d’un voyage en Italie effectué vingt ans plus tot.

La passion de Kiyohara se cristallise autour de Madame Butterfly, l’opéra de Puccini que le jeune homme était allé voir avec elle à la Scala de Milan.

Très marqué par cette expérience, Kiyohara écrit ensuite une lettre à Hanako qui n’aura jamais de réponse.

La vie suit son cours, vingt années passent, Kiyohara fait la guerre, se marie puis perd sa femme.

Une fois l’age de la retraite arrivé, il revit ses émotions de jeunesse à Nagasaki, à l’occasion d’une interprétation de Madame Butterfly par la même cantatrice qu’a Milan mais cette fois quasiment mourante.

Mais par une ultime pirouette, Kiyohara et Hanako se reverront une ultime fois avant que leur curieux destin ne se dénoue d’une manière déchirante et glacée.

« La lionne » est une œuvre géniale typiquement « Mishimienne » , avec la lente et cruelle mise en place d’une implacable vengeance d’une femme trompée et humiliée par son mari volage.

« Un voyage ennuyeux » confirme le goût de l’écrivain pour les relations hors normes, cette fois entre Tsutomo un jeune gigolo désargenté et Madame Kurumazaki une riche femme d’age mur qui lui fait connaître l’élite intellectuelle de Tokyo en échange de sa soumission.

Mishima dépasse ici l’aspect superficiel ou moral des chose pour s’attacher à décrire les subtilités de ce type de relations.

Dernière nouvelle du roman, « Une matinée d’amour pur », comblera d’aise les lecteurs avides de romantisme par son histoire d’un couple d’age mur désirant revivre éternellement l’émoi de ses premiers élans amoureux.

Mais comme avec Mishima la pureté des sentiments n’exclut pas non plus une certaine perversité, le couple utilisera deux jeunes étudiants pour alimenter leur fantasme d’amour éternel ce qui aboutira à un dénouement tragique.

En conclusion on peut considérer toute les nouvelles présentes dans  « Une matinée d’amour pur » comme de véritables petites merveilles individuelles.

L’amour est ici le thème principal mais sous une forme souvent biaisée, bien loin des sempiternels clichés sur de jeunes couples menant des vies harmonieuses, lisses et bien rangées.

Par ces situations hors normes, Mishima découpe au scalpel l’âme humaine, en révélant de sa main experte tout les sinueux contours.

Désirs contrariés, fantasmes irréels, nostalgie d’ amour perdus, éteints ou impossibles se mélangent pour former un grand tout essentiel recelant toutes les facettes du seul véritable amour, l’amour passionné et romantique amenant à toute les folies.

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