Au sud de nulle part (Charles Bukowski)

 



Changement radical de style et d’ambiance avec « Au sud de nulle part » de Charles Bukoswki.

Si « Vent de Sable » de Kessel peut être considéré comme un roman positif magnifiant l’homme et la nature, « Au sud de nulle part » est tout l’inverse un roman négatif, axé sur la déchéance des hommes se débattant dans un environnement urbain sale et agressif.

« Au sud de nulle part » est en effet un recueil de nouvelles assez hétéroclites et pour la plupart largement auto-biographiques.

Certaines se terminent en queue de poisson et l’ensemble donne une grande impression de décousu.

Pourtant le talent de Bukowski est bien réel.

Il s’exprime par un humour cynique, un sens aigu de l’absurde, du contre pied, un goût prononcé pour la provocation et un refus massif des normes imposées par la société.

L’univers de Bukowski est celui des pauvres types, des ratés, des ivrognes, des estropiés, des paumés, des ouvriers humiliés et des filles faciles.

Dans le registre provocation, il y a la fondation d’un parti nazi américain en plein milieu de la seconde guerre mondiale, des histoires de hippies pacifistes violés, de meurtriers, le tout enrobé de doses massives de sexe et picole.

Derrière ces artifices surnagent des thèmes forts comme le rejet de la patrie, de la religion, du matérialisme bourgeois et bien pensant bref des fondements de l’Amérique WASP.

Les histoires de type amoureux d’un mannequin en celluloïd, ou du sauvage d’Amazonie sur membré marié à une californienne nymphomane  qui le ramène à Los Angeles sont aussi absurdes qu’hilarantes.

J’ai aussi été très amusé quand Bukowski décrit la raclée qu’il colle à Ernest Hemingway au cours d’un mémorable match de boxe imaginaire.

Par contre dans la dernière partie quand Bukoswki parle de son éreintant boulot aux abattoirs ou de ses problèmes médicaux notamment intestinaux on ne rit plus du tout et on est pris aux tripes par ce douloureux aperçu de la maladie, de la déchéance ou de la mort approchant inexorablement.

Bukowski se définit sans doute lui même comme un raté, un inadapté social ayant pris sa revanche sur la société comme écrivain.

Finalement ce personnage me paraît trop intelligent, sensible et lucide pour être heureux dans un monde aseptisé aux normes sociales nivelant les personnalités pour les faire rentrer dans le moule social.

A la différence d’un Hubert Selby JR dont les romans nous entraînent dans un abyme sans fond de désespoir et de mort, Bukoswki parvient à insuffler à ses nouvelles ce petit supplément de vie qui  les rend attachantes, mordantes et drôles, les préservant ainsi d’un voyage vers la défonce et la déchéance aussi stérile que complaisant.

Comme quoi le talent peut quelques fois (presque ) tout excuser.

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