L’éveil d’un continent, géopolitique de l’Amérique latine et de la Caraïbe (Christophe Ventura)



 Toujours sur la thématique de l’Amérique latine, « L’éveil d’un continent, géopolitique de l’Amérique latine et de la Caraïbe » est un ouvrage de 2014 du chercheur Christophe Ventura.
Découpé en cinq chapitres très condensés, « L’éveil d’un continent, géopolitique de l’Amérique latine et de la Caraïbe » introduit succinctement son sujet avec quelques rappels historiques, notamment l’influence écrasante des États-Unis qui considéraient via la doctrine Monroe ce continent comme leur arrière cour avant une émancipation somme toute récente depuis le début des années 2000.
Cette émancipation a pu exister par la fin de la guerre froide et surtout l’émergence de la Chine, seconde puissance économique mondiale, qui a ouvert une nouvelle voie pour les pays du Sud désireux de chercher d’autres partenaires commerciaux que les pays du Nord principalement États-Unis et Europe.
Dans ce vaste ensemble mondialisé où les flux commerciaux n’ont jamais été aussi intenses, l’Amérique latine a pu ainsi trouver sur le marché chinois des débouchés pour vendre ses exportations en matière premières, véritable atout maitre pour le continent.
Cette stratégie se précise par la multitude de traités de libre échanges signés avec les pays des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine) ou des Civets (Colombie, Afrique du Sud, Indonésie, Viet Nam, Egypte, Turquie).
Ici les pays d’Amérique latine ou de la Caraïbe se positionnent comme des fournisseurs de matières premières ou de biens intermédiaires à faible valeur ajoutée, comme les usines de production américaines délocalisées au Mexique ou l’agro-industrie au Brésil qui en fait la seconde puissance agricole mondiale.
Autre atout pour le développement de la région, l’évolution politique passant de régimes autoritaires à de démocraties progressistes (Lula, Chavez, Correa), mettant en place des politiques sociales propres à réduire les inégalités source de misère et de violence mais surtout œuvrant pour rétablir leur souveraineté face aux puissantes multinationales.
Ainsi, en plus du Mercosur (Marché commun du Sud), les nombreuses instances latino-américaines comme l’IIRSA (Initiative pour l‘intégration de l‘infrastructure régionale sud américaine), la CAN (Communauté Andine des Nations), l’Alba TCP (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, traité de commerce des peuples), l'Unasur (Union des Nations sud américaines) et le Celac (Communauté des Etats d’Amérique latine et de la Caraïbe) permettent à ces pays de se fédérer développer des projets d’envergure dans les domaines des infrastructures, de l’industrie, de l’alimentation, du tourisme, de l’éducation, de la santé des finances mais aussi de la défense.
En plus de consolider les liens entre eux, certains pays latino américains comme le Brésil, l’Argentine et le Mexique développent une politique d’alliance avec l’Afrique ou plus étonnamment le Moyen-Orient (Israël, Egypte, Palestine).
Face à cette volonté d’autonomie affirmée et à l’activisme chinois, qui investit massivement en Amérique du sud dans le but d’y écouler sa production d’objet manufacturés, les États-Unis de Barak Obama ont laissé de coté leur volonté dominatrice et ont proposé via le PTP (Partenariat Transpacifique) des partenariats stratégiques dans le domaine énergétique.
En conclusion, « L’éveil d’un continent, géopolitique de l’Amérique latine et de la Caraïbe » est un ouvrage rigoureux, dense et austère qui regorge d’acronymes et de données lui assurant sa crédibilité.
Le parti pris est volontairement optimiste et semble prédire un avenir plutôt radieux pour les pays latino-américains, ce que l’actualité proche : scandales de corruption chez Petrobas et Odebrecht, arrestation d'hommes d’affaire, de politiciens de premier plan comme des présidents (Dilma Roussev, Lula, Alejandro Toledo) effondrement dramatique du Venezuela et violentes critiques du régime de Chavez/Maduro plus dictatorial que progressiste a finalement battu en brèche.
Même si il est donc intéressant de voir comment le continent manœuvre pour tirer son épingle du jeu sur l’échiquier mondial en s’affranchissant de l’envahissante tutelle USA-Europe, faire l’impasse sur ces difficultés bien handicapantes constitue à mes yeux une critique majeure du travail de M Ventura, par ailleurs assez remarquable…


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