Les temps sauvages (Joseph Kessel)

 



« Les temps sauvages » de Joseph Kessel œuvre dans un registre quasi similaire à « Wagon-lit » du même auteur.

On retrouve des thèmes chers à l’auteur, notamment sa fascination pour le voyage, l’aventure, la recherche de ses origines russes, ses obsessions pour la vie nocturne et les femmes fragiles.

« Les temps sauvages » raconte en 1918, l’histoire d’un jeune officier aviateur français qui malgré l’armistice se porte volontaire pour une absurde mission en Sibérie.

Le but de cette mission est de couper une éventuelle retraite des forces allemandes dont les élites se sont en réalité réfugiées aux Pays Bas.

Mais peu importe Kessel toujours mu par un irrésistible besoin d’aventure et fasciné par la Sibérie fonce tête en avant avec toute la fougue qu’on lui connaît.

La première partie du livre constitue un long voyage maritime partant de Brest jusqu’aux Etats- Unis dans un premier temps puis des Etats-Unis jusqu’à Vladivostok dans un seconde temps.

Le périple américain est je l’avoue fantastique, l’arrivée à New York dans la baie de Hudson, l’accueil extraordinaire des populations américaines aux soldats français, les fêtes permanentes en l’honneur de la fin de la guerre …

L’attente du départ à San Francisco constitue  le point culminant de cette exceptionnelle situation d’euphorie que connaissaient les vainqueurs de la première guerre mondiale, situation qu’il nous est impossible de percevoir fidèlement prêt de 100 ans après.

Puis le voyage dans le Pacifique avec les Marines que Kessel a en sympathie en raison de leur tempérament de bons vivants forts en gueule, joueurs et buveurs.

Ensuite une fois à Vladivostok le roman perd de son formidable élan de liesse.

Kessel découvre la complexité de la situation en Russie, entre la prise de pouvoir par les Communistes et les factions de Russes blancs poussés vers l’Est et contrôlant encore la lointaine Sibérie.

Outre cette guerre civile dans un pays immense et complexe, Kessel doit faire avec la présence maritime des navires japonais et celle des Tchèques qui contrôlent le chemin de fer.

Les avions français n’étant pas encore arrivés, Kessel est chargé d’une mission délicate, reprendre le contrôle des marchandises française régulièrement détournées par les milices russes tsaristes commandées par Semenov un chef de guerre local terriblement puissant et redouté.

Pour cela Kessel va jouer la carte de la corruption en distribuant des liasses de billets pour acheter les intermédiaires.

Kessel en s’enfonçant dans la Sibérie, découvre l’horreur de la guerre, des populations de mourants entassés dans des gares ou des wagons, spectacles insoutenables décrits avec une force terrassante digne des descriptions des camps de la mort nazi.

Il découvre aussi les conditions inhumaines des « coolies » travailleurs chinois traités comme des animaux par des mafia asiatiques qui servent de main d’œuvre pour charger et décharger les trains.

Et puis il y a les chefs de guerre russes blancs, sanguinaires et brutaux qui inviteront Kessel à une mémorable soirée de beuverie et de chant.

Pour oublier tout cette horreur et cette désolation humaine, Kessel s’enfonce dans les plaisirs nocturnes de Vladivostok.

Il fréquente tous les soirs la boite de nuit « l’Aquarium » qui devient son seul havre de d’oubli dans ce monde insupportable.

Au cours d’une de ces innombrables nuits d’ivresses, il rencontre Léna, jeune femme russe au physique menu et maladif dont la dont la belle voix grave le transperce.

Fasciné par cette femme il vivra avec elle une relation indescriptible.

La fin du livre arrive comme un couperet, on en est presque choqué, triste et mélancolique.

« Les temps sauvages » est une épopée magique, à la fois rude, prenante et vivante ou le lecteur passe par à peu prêt tous les états de l’ame humaine : joie, dégoût, colère, peur ,espoir, pitié ,tristesse.

Encore une fois le personnage nocturne féminin est bouleversant de fragilité.

Les amours impossibles, les rencontres nocturnes entre gens à la dérive semblent fasciner l’auteur.

Un livre d’une richesse exceptionnelle, un chef d’œuvre complet à mes yeux.

Rédigé quatre ans avant la mort de l’auteur, un formidable hommage  à une période complètement folle de sa vie et sans doute à cette mystérieuse Léna, immortalisée pou l’éternité dans ces pages.

Et si finalement tout Kessel était condensé dans ce livre ?

Commentaires