La traite des êtres humains (Georgina Vaz Cabral)

 



 

Sorti en 2006, «  La traite des êtres humains, réalités sur l'esclavage contemporain » de la juriste et consultante Georgina Vaz Cabral est un ouvrage proposant d'actualiser ce phénomène malheureusement vieux comme l'Histoire des sociétés humaines et touchant à l'époque 12,3 millions de personnes dans le Monde, chiffre réévalué à 45 millions aujourd'hui

L'ouvrage commence par rappeler les définitions de la « traite » activité criminelle intrinsèquement liée à celle de l'esclavage, même si dans les années 2000, ces formes sont différentes de celles des empires coloniaux.

Premier axe largement majoritaire pour Cabral : la traite à des fins d'exploitation sexuelle. En quête d'activités lucratives, le crime organisé s'est toujours intéressé à la prostitution qui présente des risques moindres que le trafic de drogues et d'armes.

L'effondrement du bloc communiste dans les années 90 a favorisé cette filière en laissant des ex pays satellites fraichement indépendants ruinés et désorganisés. Attirés par la promesse d'une vie meilleure en Occident, beaucoup de femmes ont alors fui leurs pays d'origine pour tenter leur chance à l'Est, quitte à passer par des filières de « passeurs » servant de rabatteurs pour les réseaux de proxénètes.

Abusées puis vendues, les femmes sont ensuite contraintes par diverses méthodes allant du viol à la torture à se prostituer à l'Ouest, rapportant ainsi des profits importants aux criminels pour rembourser une dette toujours croissante.

En tête de cette liste noire, l'Albanie le pays le plus pauvre d'Europe, avec sa maffia connue pour son extrême violence.

Isolées, mal-nourries et souvent droguées, les filles de l'Est cassent les prix et consentent à des rapports sexuels sans protection ce qui les exposent de surcroit aux maladies.

Cabral pointe également la prostitution de mineurs et celle moins connue de l'utilisation de filles vendues à l'industrie pornographique qui prolifère notamment à Bucarest, nouvelle capitale du X européen.

Une autre procédé utilisé est celui du « faux mariage » permettant de faire entrer des femmes venues de l'Est par voie légale en Europe, pour terminer de la même manière dans les griffes des réseaux.

Ici, les « agences » matrimoniales, touristiques ou de « mannequinat » slaves servent de vitrine légales à peine dissimulés à ces activités criminelles.

Bien entendu, ce phénomène n'est pas l'apanage des pays de l'Est et les filières africaines, nigériennes notamment se positionnent sur le marché de la traite à des fins d'exploitation sexuelle en usant en plus de rituels « vaudou » pour faire pression sur les victimes.

Derrière le fléau de l'exploitation sexuelle, se situe la traite pour le travail forcé.

Sur cet aspect, l'analyse est plus complexe encore, car y participent également de simples particuliers utilisant des femmes comme esclaves domestiques.

Travail harassant, absence de salaire, de couchage, malnutrition et mauvais traitements allant jusqu'au viol réunissent toutes les conditions de cet esclavage moderne qui se déroule parfois dans des beaux appartements parisiens.

Les hommes peuvent aussi être vendus aux entreprises de BTP, du textile ou de la restauration pour etre parqués dans des conditions abominables et accomplir un travail exténuant sous la menace de surveillants liés au crime organisé.

On a tous en mémoire ces mineurs roumains errant dans les grandes villes, passant de mendiants à voleurs ou prostitués, ou ces ouvrières chinoises travaillant dans des ateliers clandestins. Les handicapés font malheureusement partis également de ces filières, l’extrême précarité des conditions de vie des « roms » en faisant des victimes désignées pour tous les trafics.

Dans la dernière partie de cet ouvrage, Cabral revient sur les progrès en matière de législation pour combattre ces fléaux en citant les exemples vertueux de l'Italie et de la Suède, ce dernier pays étant allé jusqu'à prohiber la prostitution sur son sol.

Mais la route est longue en terme de législation internationale, tant les disparités juridiques et culturelles existent d'un pays à l'autre, ces dernières renvoyant au statut d’êtres inférieurs des femmes dans certains pays.

Et tant qu'il y aura des guerres, les mouvement migratoires constitueront de formidables plateformes pour les groupes mafieux...

En conclusion, malgré sa date de parution datant d'une quinzaine d'années à présent «  La traite des êtres humains, réalités sur l'esclavage contemporain » propose une intéressante analyse du phénomène de la traite des êtres humains, forme moderne de l'esclavage qu'on réduit bien souvent exclusivement (et à tort) à la traite négrière des empires coloniaux.

La partie juridique du livre, longuement développée en raison de la formation initiale de l’auteur, m'a moins intéressé car il me paraît probable que l'empilement de textes suffisent à éradiquer un phénomène malheureusement faisant partie depuis l'Antiquité de la nature profonde du fonctionnement des sociétés humaines.

Les guerres, la misère et les criantes inégalités entre un Occident riche et industrialisé avide de main d’œuvre bon marché, et des pays du Sud-Est rongés par une criminalité organisée surpuissante, paraissent comme des causes premières inépuisables pour alimenter encore pour longtemps le trafic des êtres humains.

Prostitué(e)s, ouvrier(es), esclaves domestiques et mendiants font malheureusement partie du flot continu de personnes invisibles gravitant dans les bas-fonds de nos sociétés occidentales éprises de démocratie mais détournant souvent le regard sur cette main d’œuvre bon marché propre à nous soulager des travaux les plus pénibles.

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