L'intelligence et la pensée (Averroès)

 



Retour à la pensée profonde avec « L’intelligence et la pensée » du philosophe musulman Averroès.

Surnommé Le Commentateur, Averroès est surtout connu pour cet ouvrage commentant le déjà très renommé « De l’âme » d’Aristote.

Centré sur un seul livre, le numéro III du traité d’Aristote, « L’intelligence et la pensée » est un véritable commentaire critique qui tente de prolonger la pensée du philosophe grec tout en développant de nouvelles idées plus personnelles.

Averroès reprend méticuleusement phrase après phrase le texte d’Aristote pour le décortiquer, traquer le sens de chaque mot et tenter ensuite d’en éclairer les nombreux passages obscurs.

Il faut bien le dire, la lecture de « L’intelligence et la pensée » est terriblement ardue tant les multiples traductions du grec à l’arabe en passant par le latin puis le français ont conduit à produire une prose souvent bien difficile à décrypter pour le profane que je suis.

Pourtant avec un peu de persévérance et en acceptant humblement de ne pas saisir toute la pensée de l’auteur au premier survol, le lecteur motivé parviendra finalement à comprendre les idées avancées par le philosophe.

Averroès accrédite en effet les idées d’Aristote sur l’existence d’un intellect agent, immortel et incorruptible venant provoquer l’acte de penser auprès d’un intellect passif et corruptible car mélangé à la matière et en contact avec les facultés imaginative et sensitive du corps.

Mais il ajoute un troisième intellect appelé lui matériel qui vient à la manière d’un diaphane recevoir la lumière de l’intellect agent pour activer l’intellect passif et produire les intelligibles qu'il compare à des couleurs.

L’intellect agent, universel et extérieur à l’homme, agit de manière divine pour éclairer la conscience de chaque homme.

L’intellect matériel lui aussi immortel et incorruptible, n’existant tout d’abord qu’en puissance joue le rôle de récepteur à la lumière divine et s’unit à l’intellect agent pour atteindre la perfection qui est l’acte de penser.

Au cours de ses réflexions, Averroès prend ses distances avec les théories de ses prédécesseurs notamment celles de Théophraste, d’Avicenne et d’Alexandre d'Aphrodise qui voit l’âme comme essentiellement matérielle donc périssable, .

En conclusion, on ressort passablement éprouvé de cette lecture.

Outre le style plutôt rebutant de l’ouvrage, les idées heurtent notre sensibilité d’occidentaux modernes élevés sur des concepts de liberté de penser et d’individualisme forcené.

En faisant de l’intelligence de l’homme le jouet d’une intelligence divine, supérieure venant collectivement éclairer l’humanité, Averroès choqua par l’audace de ses idées.

Banni du monde musulman et considéré comme hérétique, le mouvement qu’il engendra appelé Averroïsme fut également condamné par l’église catholique en 1277.

Mais malgré les condamnations, la portée de l’œuvre passera les siècles pour venir encore de nos jours irriguer les esprits.


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