Les proies (Don Siegel)

 



Alors que son dernier film « Cry Macho » vient de sortir sur les écrans français, voici le moment opportun pour rendre un hommage à Clint Eastwood (acteur) avec « Les proies » de Don Siegel.

Sorti en 1971 alors que Eastwood vient de devenir une star grâce aux westerns de Sergio Léone, « Les proies » est en réalité assez trompeur puisqu’il s’agit d’un terrible huis clos psychologique se déroulant dans le cadre d’un film de type western.

L’histoire se déroule en effet dans une guerre de Sécession finissante alors que les troupes Nordistes sont en train de submerger les Sudistes en de féroces combats.

En plein territoire sudiste, Amy (Pamelyn Ferdyn) une jeune enfant de dix ans se promenant dans la foret trouve un soldat nordiste mourant et décide de le ramener au pensionnat de jeunes filles ou elle réside.

Le soldat en question est le caporal John Mc Burney (Clint Eastwood) et la gravité de ses blessures (mains brûlées, plombs dans la jambe) lui vaut d’être secouru par la directrice Matha Farnsworth (Geraldine Page) malgré un fort désir d’une partie des élèves de le livrer aux patrouilles sudistes.

Protégé et soigné par les femmes notamment la très dévouée esclave noire Hallie (Mae Mercer) , Mc Burney se remet peu à peu de ses blessures et reprend assez de force pour lier connaissance.

Mais le beau caporal ne laisse pas ces jeunes femmes isolées par la guerre longtemps indifférentes et il devient l’objet de bien des désirs trop longtemps refoulés.

Intelligent, il comprend tout de suite son intérêt et décide de séduire chacune d’entre elle afin de rester en sécurité puis de s’évader le moment opportun.

Mc Burney va donc jouer un jeu dangereux, mentant éhontément et jouant de son charme viril pour arriver à ses fins.

Sa première cible est la douce et sage Edwina Dabney (Elisabeth Hartman) dont le cœur de trentenaire célibataire fond comme du beurre sous les promesses de vie à deux du caporal.

Puis vient la sulfureuse teen ager Carol (Jo Ann Harris) qui se montre plus qu’entreprenante dans le registre sexuel et enfin même la très rigide Martha finit par succomber aux promesses de Mc Burney qui joue sur le manque de la relation incestueuse qu’elle entretenait avec son frère disparu.

Même la fière Hallie n’est pas insensible aux avances de l’insatiable caporal.

Pourtant Mc Burney finit par se perdre à son propre jeu et surpris au lit avec Carol déchaîne la colère d’Edwina qui le pousse violemment dans les escaliers.

Sonné, Mc Burney est ensuite drogué et amputé par Martha qui se venge cruellement de son infidélité.

Quand il se réveille, la douleur de l’amputation le rend fou et il décide de menacer les femmes avec une arme à feu.

Alors que leurs relations semblent finalement s’apaiser, les femmes décident de l’intoxiquer à l’aide de champignons ramassés par la jeune Amy elle aussi blessée dans son orgueil d’enfant.

Ironie du sort, au moment ou Mc Burney annonce qu’il quitte la maison pour épouser Edwina il succombe sous les yeux impassibles de ses protectrices devenues bourreaux.

En conclusion, « Les proies » est un film culte pour moi tant son approche psychologique est subtile.

Déshabillant l’âme humaine dans tout ce qu’elle a de plus retors et de plus finalement commun (mensonge, séduction, perversions, intérêt), Don Siegel met en scène un Eastwood amoindri physiquement croyant par son charme contrôler de faibles femmes sans défense.

Finalement les femmes trompées se révèlent incroyablement perverses et dangereuses, éliminant brutalement l’intrus parmi elles.

« Les proies » est également incroyablement audacieux voir scandaleux en montrant le désir sexuel chez des adolescentes, l’inceste entre frère et sœur et la cruauté chez certains enfants.

Outre ce magnifique travail psychologique sur les personnages, le film brille par son climat de huis clos étouffant dans la moiteur d’un sud agricole ravagé par la guerre.

En raison de sa terrible noirceur et de son style atypique « Les proies » fut un véritable échec commercial et fut complètement effacé par le succès de « L’inspecteur Harry » de la même paire Siegel-Eastwood sorti la même année.

Pourtant ce film méconnu demeure un véritable petit chef d’œuvre injustement oublié dans la prolifique carrière du grand Clint et sans nul doute un de mes films préférés tous genres confondus.

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