Néant (Mickaël Parisi)

Coup de projecteur sur un roman issu de l’autoédition sur Kindle avec « Néant » de Mickaël Parisi.
ATTENTION CE QUI SUIT CONSTITUE UN SPOILER
Sorti en 2015, « Néant » raconte la dérive de Marlon un jeune homme d’une grande ville française indéterminée, qui victime d’un immense mal être intérieur, rumine de sombres pensées autour de sentiments d’échec personnel sans toutefois aller jusqu’au suicide, acte dont il s’estime incapable faute de courage.
Malgré une certaine aisance matérielle liée à un job alimentaire dans un journal ou il rédige des avis de décès, Marlon s’enfonce progressivement dans une spirale de l’échec et de rejet du monde qui l’entoure.
Son psychiatre ne peut rien contre cette dérive et Marlon se voit un soir approché dans une boite de nuit appelée le Crystal palace par un de ses rares amis le juif Safed Winnickberg, qui lui propose de simuler sa mort pour entrer au service d’une organisation secrète appelée le Gang des zombies, dont la direction est assurée par un homme appelé Antonio Jephté.
N’ayant rien à perdre et d’importantes sommes d’argent à gagner dans l’accomplissement de mystérieuses missions, Marlon accepte l’offre et se retrouve lié à un musculeux videur noir nommé Nyx et à Angela, une sculpturale stripteaseuse dont il tombe immédiatement amoureux.
Une troisième homme ne tarde cependant pas à tourner autour de lui, un détective privé appelé Thomas Grant, aussi imprévisible et grossier que menaçant.
Ses nouveaux amis se distinguent par un anticonformisme marqué se traduisant par d’interminables débats littéraires entre Safed et Nyx et pour Angela, par une acceptation totale de la puissance conférée par sa position de fantasme sexuel absolu.
Après avoir rencontre Jephté, un excentrique vaguement asiatique, Marlon est chargé de sa première mission : simuler sa propre mort dans l’incendie d’une soirée de la haute bourgeoisie en imitant le style du Pyromane, un tueur en série sévissant actuellement dans la ville.
Se faisant passer pour un dealer, Marlon approche sans difficulté Flavia Goschmann, l’étudiante organisatrice de la soirée et grande consommatrice de drogues.
Attendant les consignes de Cyrille, son agent de liaison transsexuel, Marlon vit péniblement les débauches de la soirée de Flavia, assistant suprême horreur à un rituel satanique de sacrifice d’enfants avant que le signal tant attendu de déclencher un incendie ne viennent le délivrer de ce lourd fardeau.
Après avoir fait flamber la somptueuse villa, ses habitants et le cadavre d’un Roumain de sa corpulence censé jouer le rôle de son propre corps, Marlon retrouve Grant sur sa route qui fanfaronne tout en lui faisant comprendre qu’il n’est pas dupe de sa situation.
L’infernal privé semble le suivre comme son ombre, l’entrainant dans une virée dans un bar à hôtesses ou il dépouille à coups de taser les propriétaires.
Malgré cela, Marlon enchaine avec une mission glauquissime consistant à découper le corps d’un homme à la scie électrique et le transporter dans le métro mais préfère soudoyer un Roumain pour faire la salle besogne et finit incapable de gérer son stress par jeter un contrôleur sous un train.
Grant se fait alors plus pressant, le séquestrant et le menaçant chez lui en le forçant à boire de l’Absinthe, sa boisson de prédilection.
Malgré l’incohérence de ses propos, son cancer et son inquiétante passion pour les armes lourdes à qui il donne des petits noms affectueux, Grant le met en garde contre Jephté et sa bande qui selon lui le manipulent avant de se débarrasser de lui et lui propose de s’associer pour dépouiller son propre employeur.
Après une virée cauchemardesque dans un hangar ou une victime de la téléréalité a été massacrée pour de lucratifs snuff movies mis en scène par Jephté via une société écran appelée Pink mayhem, Marlon, convaincu du caractère criminelle du Gang des zombies, commence à prendre son dangereux ami plus au sérieux, surtout lorsque Safed et Nyx tentent de se débarrasser de lui en le vendant à une autre société de vampires toxicomanes underground appelé Atlantis.
Marlon n’échappe à ce piège mortel que grâce à Rodrigo, un collectionneur de chaussures qui le prévient et Grant dont l’intervention surarmé sème la panique dans les rangs ennemis.
Le traitre Safed perd la vie dans l’aventure ainsi que Christ le gourou des Vampires, tandis que Nyx blessé parvient à s’échapper.
La boucle est bouclée lorsque Marlon comprend qu’Angela, qui est également le Pyromane, l’a manipulé sans n’éprouver pour lui que du mépris.
Le cœur fendu, il rejoint Grant pour participer avec lui à un ultime raid contre Jephté.
Nyx éliminé par Grant, le patron du Gang des zombies résiste, refusant malgré la torture et les menaces de viol de sa fille chérie, de céder les millions d’euros de son compte en banque.
Le duo doit donc ruser, faire exploser le Crystal palace et livrer contre rémunération le criminel à Pierre Goschmann, le magnat du pétrole désireux de venger la mort de sa fille.
En un ultime coup de théâtre, les chemins des deux hommes se séparent, Marlon préférant faire cavalier seul avec Goschmann qui lui assure sa nouvelle vie de luxe et de sexe à Kuala Lumpur, tandis que Grant, malade passe la main…
En conclusion, construit sur les thèmes plutôt classiques de la simulation de sa propre mort et du fonctionnement organisations secrètes aux motifs obscurs mais aux actions d‘une violence radicale, « Néant » se distingue essentiellement de la masse de thrillers par le style particulièrement virulent et caustique de son auteur, qui emporte le lecteur dans un tourbillon énergétique de la première à la dernière page.
Derrière une intrigue surtout marquée par des scènes d’une crudité et d’une violence à la limite de l’insoutenable, Mickaël Parisi dresse également un diagnostic d’une noire lucidité sur l’absence de valeurs (spirituelles, culturelles ou morales) du monde occidental moderne au profit de celles faibles et dévoyées de la société de consommation : argent, sexe et matérialisme technologique.
On sent une fêlure, une fragilité tout particulièrement autour de la question de l’amour, qui se traduit par une réaction de répulsion/fascination vis-à-vis des valeurs de la société moderne, le paradoxe étant que tout en voulant fuir ce monde insupportablement « mainstream » pour lui, le héros recherche et retrouve ses mêmes valeurs dans son monde clandestin.
Son action de rupture n’est donc pas en réalité totale puisqu’il retombe sous la coupe d’un patron et d’une femme le manipulant dans l’espoir d’une vie meilleure dans un « ailleurs » exotique composé de soleil, argent et sexe tarifé à volonté.
Difficile donc de ne pas penser à l’actualité et au fonctionnement machiavélique de l’Etat islamique, parvenu toutefois à un degré de perfection de son art mortifère nettement supérieur à l’organisation présentée dans le roman.
Malgré sa noirceur et son nihilisme étouffant, je ne peux que recommander « Néant » pour son analyse froide des faiblesses de notre modèle sociétal conduisant à engendrer parfois des individus en perte de repère propres à sombrer dans la criminalité pour poursuivre d’invisibles chimères mais également pour son style décapant qui m’a fait rire à de nombreuses reprises.
A réserver néanmoins à un public averti aimant être bousculé et poussé dans ses retranchements, comme doit le faire à mon sens toute (bonne) littérature qui se respecte.

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