Substance mort (Philipp K Dick)

Voici de nouveau le plus atypique des maitres de la Science fiction en la personne de Philip K Dick qui livre en 1977 « Substance mort » l’un de ses livres les plus barrés.
« Substance mort » raconte l’histoire de Fred, un policier de la brigade des stupéfiants d'Orange County (Californie) dont la mission est de s’infiltrer dans le monde du trafic de drogue des années 90 pour faire tomber un réseau.
Fred est aidé dans sa difficile mission par un complet brouillé, merveille de technologie qui lui permet de modifier son apparence à volonté.
Dans l’univers des camés, il est donc Bob Arctor, gros consommateur qui fréquente un petit groupe de collègues junky se shootant à une drogue appelé la substance mort, diffusée à grande échelle aux Etats-Unis.
Certains comme Jerry Fabin ont le cerveau complètement ravagé par les effets secondaires de la drogue et finissent par perdre toute vie sociale, restant chez eu à voir sous l’effet de terribles hallucinations des nuées de pucerons les assaillir continuellement.
Toujours lucide, Arctor a des vues sur Donna Hawthorne, une toxicomane qui préférant la drogue au sexe, se refuse à ses avances et le fait cruellement souffrir.
D’autres personnes comme Charles Freck l’ami de Jerry, Luckman, Jim Barris le plus intelligent de l’équipe gravitent autour de son entourage proche.
Malgré les crises de paranoïa aigus de Barris, Arctor parvient à truffer sa maison de caméra vidéo afin que ses collègues puissent accumuler les preuves permettant d’accomplir leur mission.
Ils ignorent cependant en raison des facultés de transformation du complet brouillé que Fred et Arctor sont la même personne, et que Fred devient extrêmement mal à l’aise à l’idée d’enquêter pour se piéger lui-même.
Le livre surfe donc habilement sur cette ambigüité de la double personnalité, accentué par le fait que Arctor devient également accro à la Substance mort, ce qui finit par inquiéter les médecins de la police charger de le contrôler périodiquement.
En parallèle des tourments intérieurs de son personnage principal rongé une situation inextricable et un amour frustré, Dick tisse des dialogues surréalistes entre défoncés avec en toile de fond la méfiance croissante de Barris envers Arctor.
Ce délire paranoïaque se traduit par plusieurs situations cocasses comme le sabotage supposé de la voiture d’Arctor pour que le groupe se tue sur l’autoroute ou les investigations forcenés de Barris pour trouver les preuves que leur maison a été visitée par la police en leur absence.
Après un étonnant revirement ou Barris qui a bien failli tuer Luckman, vient lui-même dénoncer Arctor aux policiers, par vengeance personnelle autant que pour se disculper lui-même, Fred est finalement diagnostiqué par les médecins trop atteint par la drogue pour continuer sa mission et mis sur la touche.
Choqué, délirant et parlant à son insu en allemand, Fred a pour suprême douleur de voir Donna en réalité elle aussi une agent infiltrée, le conduire à New Path dans un centre de repos ou il devra se soigner en compagnie d’autres toxicomanes eux aussi gravement atteints.
Devenu Bruce, il entreprend son sevrage, passant des taches de balayeur à celles de planteur, comble du cynisme dans un champ servant à cultiver la fameuse Substance mort, dont les bénéfices de la vente servent secrètement au financement du centre.
La boucle est donc bouclée pour le malheureux Fred/Bob/Bruce …
En conclusion, « Substance mort » est dans le genre si particulier de Dick, une vraie réussite, portée cette fois assez peu sur l’aspect Science fiction, pour se concentrer sur les thèmes si cher à l’auteur : schizophrénie, frustration et paranoïa dans une société américaine uniformisée ou Mc Donald et Coca-Cola sont les valeurs dominantes.
Pour fuir, la seule issue semble les plaisirs artificiels des drogues, qui permettent de planer et d’élever son champs de conscience.
Pourtant, Dick ne tombe dans l’apologie et dresse un constat lucide de ses années de défonce, en soulignant les ravages mortels des drogues sur ses amis disparus ou devenus fous, auxquels se livre est finalement dédié.
Une œuvre douloureuse et cruelle donc, mais emplie de maturité et du talent de Dick.

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