Le guerrier silencieux (Nicolas Winding Refn)

Vous l’aurez compris depuis que j’ai visionné la trilogie du « Pusher » je suis un fan irréductible de Nicolas Winding Refn.
Je suis donc allé voir avec un grand enthousiasme « Le guerrier silencieux » sa dernière production sortie en 2010.
Loin de l’ambiance des mauvais garçons de Copenhague ou d'Angleterre, le spectateur est ici tout de suite happé dans une ambiance moyenâgeuse de l’époque des Vikings alors en pleine phase de christianisation forcée.
Dans le monde montagneux, froid et hostile de la Scandinavie, One-Eye (Mads Mikkelsen) est un guerrier muet et borgne qui vit enchaîné par son maître Barde (Alexander Morton) pour lutter dans de sanglants duels allant jusqu’à la mort.
Réduit à la condition d’animal, One-Eye reçoit l’aide d’un enfant Are (Maarten Stevenson) qui l’aide à briser sa servitude.
Il se venge alors cruellement en tuant ses anciens maîtres et rencontre ensuite des Vikings christianisés luttant pour répandre leur nouvelle foi dans toutes les contrées ou ils séjournent.
Bien qu’encore polythéistes, Are et One-Eye acceptent de se joindre à eux pour partir en croisade jusqu’à Jérusalem.
Une étrange relation s’installe entre l’enfant et le guerrier, le premier le comprenant par télépathie et parlant à sa place, le second le protégeant contre la rudesse des hommes du Nord.
La petite équipe embarque sur un étroit navire et commence alors l’autre partie du film qu’on pourrait qualifier d’interminable épopée mystique.
Privé de vent et noyé dans la brume, le navire dérive emmenant les hommes très loin de leur destination initiale.
Epuisés, affamés et quasi mourant, ils arrivent alors par miracle dans un pays inconnu qui s’avèrera être l’Amérique du Nord.
Le chef de l’expédition, un chrétien fanatique désire évangéliser cette nouvelle terre pour étendre le pouvoir du Christ mais la dure réalité le rattrape vite puisque ses hommes sont soit éliminés par les indiens, soit assassinés par One-Eye qui ne partage pas cette vision exaltée de la religion.
Décimés, déboussolés, les rares survivants abandonnent leur folle mission et entreprennent de suivre One-Eye et Are qui s’enfoncent dans les terres pour découvrir ce nouveau continent.
En conclusion, « Le guerrier solitaire » est un film complètement atypique qu’on pourrait qualifier d’anti commercial.
Sa force principale demeure dans l’incroyable beauté de ses images, ses montagnes majestueuses, ses mer brumeuses, ses fleuves sombres, ses forets denses ou chaque parcelle vibre d’une nature omniprésente, écrasante, rappelant à l’homme sa petitesse et la vanité de ses projets.
La musique, toujours exceptionnelle chez Refn atteint ici des sommets d’intensité, magnifiant des paysages ou des situations pourtant déjà à la base captivantes.
A travers l’épopée insensée de ces croisés Vikings remontant un fleuve en territoire hostile on pense à « Au cœur des ténèbres » de Conrad, à la version de Coppola dans « Apocalypse Now », on pense également à « Aguirre la Colère de Dieu » de Werner Herzog.
Le rythme du film est lent, les dialogues quasi absents, la violence parcimonieuse.
Refn laisse parler la beauté des images et le magnétisme de son acteur fétiche, l’incroyable Mads Mikkelsen plus charismatique que ne le sera jamais n’importe quelle star hollywoodienne.
One-Eye joue le rôle du mystérieux passeur ramenant les chrétiens en quête de pouvoir vers un enfer sans retour.
J’ai vu dans « Le guerrier silencieux » une formidable ode à la puissance de la nature, aux mythes Vikings et une critique de la religion monothéiste par nature vouée à véhiculer l’exclusion et la domination.
Refn s’est ici pour moi surpassé, atteignant un niveau égal à celui des plus grands cinéastes et produisant sans nul doute un film culte à la beauté étrange et déroutante.
Les fans de films d’actions basiques ou de comédies faciles pourront passer leur chemin.

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