Ilium (Dans Simmons)

Question qui peut tarauder un moment le lecteur  : « Ilium » de Dan Simmons est il un chef d’œuvre, un space opéra magistral de la trempe d’ « Hyperion » ou bien une grosse bouse intergalactique ?
Difficile en effet de trancher immédiatement en effet quand on achève ce monumental pavé de 600 pages en version 20 x 15 centimètres.
Alors on cogite quelques temps, on relit des passages pour digérer et analyser le tout.
Dans cette saga de Science Fiction, Dan Simmons décrit un monde futuriste alambiqué et complexe avec une histoire découpée en trois groupes de personnages chacun dessinant peu à peu une parcelle de ce monde pour au final être sensée former un grand tout compréhensible.
Le premier groupe qu’on pourra qualifier de principal constitue  la partie « historique » du roman, c’est à dire la description d’un scholiaste du futur chargé d’assister des ses yeux au conflit de la guerre de Troie pour en vérifier sa conformité avec le récit d’Homère.
Hockenberry, scholiaste extrait du XX iéme siècle est le narrateur principal de ce conflit épique mettant aux prises Argiens et Troyens.
Hockenberry s’avère rapidement balourd, plutôt vulgaire (américain ?) mais surtout dépassé par les évènements et manipulé par les Dieux de l’Olympe.
Ceux ci semblent dotés de pouvoirs mêlant technologie et magie.
Hockenberry manipulé par sa « Muse » se voit doté de gadgets électroniques pour se télé porter ou se défendre et du fameux casque d’Hadès pour observer en étant invisible même des Dieux.
Par ce personnage, analogue au poète d’Hyperion, Dan Simmons met  à mon sens beaucoup de sa vision personnelle des évènements et réalise sans doute un fantasme caché : marcher sur les traces d’Homère.
Le deuxième groupe est constitué d’un groupe d’humains errants.
Leur aventures sont mystérieuses et difficile à suivre.
On comprend par leur intermédiaire que la race humaine est en voie d’extinction et que des post humains ont pris le pouvoir, créant des esclaves robotisés pour les assister (les voynex ) ainsi qu’une gigantesque  entité biosphère produit de la fusion d’internet, du monde vivant et de programmes d’intelligence artificielle.
Cette entité baptisé Prospero  devenue autonome s’est apparemment rebellé et a créé des monstres mutants (les calibani ) pour lutter contre ses anciens maîtres les post humains.
Le point commun avec le premier groupe reste Odysseus, nom grec d’Ulysse qui égaré dans le temps par Circé participe se joint en cour de route à leurs aventures.
Le troisième groupe est constitué de deux robots (Ophu d’IO  et Mahmut ) envoyés en mission sur Mars pour analyser une mystérieuse activité d’hommes verts manipulant des sources d’énergie quantique et terra-formant la planète.
Ces deux robots appartiennent aux Moravecs des Intelligences Artificielles semées par les humains autour des planètes extérieures pour une raison inconnue.
Leur particularité est d’être des fanas de littérature, l’un citant Proust, l’autre Shakespeare.
Ces deux robots sont également plutôt sympathiques car comme Hockenberry souvent victimes des évènements.
Le roman plutôt dense et difficile à suivre laisse une quantité importante de questions laissées sans réponse (le rôle de Caliban, le personnage de Sétébos ? ) et se conclut par un fort « teasing » avec un prélude à une gigantesque bataille mettant aux prises troupes Moravecs et héros Argiens aux Troyens appuyés par les Dieux de l’Olympe courroucés de cette rébellion contre leur omnipotence.
A l’arrivée cette mixture historico-quantique demeure particulièrement lourde à digérer comme si Dan Simmons avait mis cette fois trop d’ingrédients dans la composition de sa recette.
Les batailles antiques sont il est vrai formidablement bien décrites mais le mélange avec les explications scientifiques et les technologies utilisées par les Dieux pour favoriser tel ou tel camps me paraît complètement tuer le charme de ce type de récit.
En effet, d’une part Dan Simmons malgré tout son talent n’égalera jamais Homère et d’autre part le charme de la mythologie est justement de ne pas faire appel au rationnel, à la science ou au compréhensible.
Donc pour connaître la guerre de Troie je préfère lire Homère et sa magie plutôt que Simmons et sa technologie qui m’explique que des Immortels ont besoin de séjourner dans des cuves énergétiques pour se réparer en cas de blessure.
Pour  l’aspect plus Science Fiction du livre, on ne remettra pas en cause l’imagination fertile et le sens de la narration de l’auteur, cependant j’ai eu du mal à accrocher à cette approche filandreuse d’internet ayant mal tourné.
Quand aux  petits hommes verts télépathes de Mars, j’ai cru d’abord à un gag mais au final ce n’en est pas un ..
L’idée des robots citant Proust ou Shakespeare me semble complètement superflue mis à part pour rendre un hommage artificiel à deux auteurs que Simmons admire sûrement.
On retrouve le même procédé dans Hyperion ou les poètes Byron et Keats sont abondamment cités.
En résumé je crois ne pas aimer quand les auteurs de Science Fiction s’inspirent du passé, comme si en manque d’inspiration ils cherchaient à puiser un regain d’inventivité (ou de respectabilité ? ) dans des sources quasi inépuisables comme l’Iliade.
Peut être en se confrontant trop directement à Homère, Dan Simmons a t il simplement visé trop haut.
Malgré son ambition « Ilium» demeure donc inférieur à « Hyperion» et ce de très loin.

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