Les vautours (Joël Houssin)

Joël Houssin toujours avec « Les vautours » qui vit le jour en 1986 et fut réédité en 1999.

C’est le premier livre que je lus de lui et qui me donna par la suite envie de m’intéresser à ses travaux.

« Les vautours » prend place dans un environnement étonnant et foisonnant : dans un futur proche une société appelé le DCC (Département Central des Collecteurs) fait du profit en prélevant les organes des êtres humains fraîchement décédés pour les vendre ensuite aux hôpitaux réalisant des greffes.

Le DCC est une puissante multinationale avide et sans états d’âme dirigée par Steve Odds un répugnant patron prêt à toute les bassesses pour éliminer la concurrence essentiellement composée de collecteurs indépendants dont David Toland est le fer de lance.

Toland est en effet un collecteur avec un sens moral développé et s’oppose idéologiquement à la logique de profit à tout crin du DCC.

Aidé par son adjoint Roussel et le médecin Gaborit expert en chirurgie cardiaque, Toland est considéré comme le meilleur collecteur du marché.

Les deux camps s’affrontent sur les autoroutes et routes de la région parisiennes, traquant à l’aide de scanners les accidents de la route pour intervenir le plus vite possible et prélever sur le terrain les organes des mourants.

Mais cette lutte est comparable à celle de David contre Goliath et Toland tombe dans un guet append organisé par Mirko Milan, l’homme de main de Odds.

Mirko est un personnage assez abject, une force de la nature, ancien gangster reconverti en collecteur et ses accointances avec des bandes armées prêtes à tout pour quelques billets  font de lui l’un des hommes les plus craints du DCC y compris par son propre patron.

Mirko fait appel au gang des Apaches commandé par son ancien rival Bismarck pour détruire le matériel de Toland et le mettre hors course.

Mais le gang dérape, assassinant l’adjoint de Toland et le laissant dans un coma profond.

Toland survit mais n’a pas d’autre choix que de rentrer au DCC ou suprême affront on le nomme simple coéquipier de Milan.

Dans le même temps, un journaliste faisant un reportage sur une manifestation prend des clichés compromettant prouvant que le DCC aidé par quelques policiers corrompus a assassiné des manifestants pour gonfler ses chiffres.

Traqué et exécuté, le journaliste a tout de même le temps de confier ses clichés à une jeune étudiante que son petit ami Mustapha Moussi récupère.

Intelligent et ambitieux, Moussi comprend très vite le potentiel de ses photos et décide de faire chanter Odds.

Commence alors un délicat et haletant jeu du chat et de la souris entre Moussi, les tueurs de la DCC et la police.

La dernière dimension du récit est la maladie de Pamela Sirchos épouse du tout puissant Alexander Sirchos, richissime industriel et patron de la DCC.

Très belle actrice, Pamela est quasiment condamnée à mort par son cœur trop fragile.

Mais Sirchos refuse de plier contre la fatalité et met toute sa puissance en œuvre pour sauver sa femme, la faisant opérer par le meilleur chirurgien du monde Zorski secondé par Russel et Simba.

Russel est chargé de veiller nuit et jour sur sa femme, mais le chirurgien devient vite obsédé par sa patiente et dérape de jour en jour.

Houssin utilise donc trois histoires s’imbriquant progressivement les unes dans les autres pour construire un récit plaisant, haletant et d’une très grande inventivité.

On passe ainsi de la brutalité d’un Milan se heurtant à l’idéalisme de Toland, au monde luxueux et étourdissant de Sirchos en passant par une savoureuse enquête policiére sur fond de scandale journalistique.

Le dénouement succulent fait s’entrechoquer toutes les pièces de ce puzzle.

En conclusion, je considère « Les vautours » comme le meilleur livre de Joël Houssin.

L’auteur se montre très convaincant dans l’univers de la médecine et des multinationales prêtes à tout (y compris au meurtre) pour leurs sacro saintes parts de marché.

Il réutilise certes ses histoires de zonards punks véritables freaks humains comme Stephan le frère de Mirko, brute mongoloïde à la force colossale et aux atroces pulsions sexuelles l’amenant à tuer des jeunes femmes, mais il parvient également à s’en détacher pour produire un récit plus complexe et ambitieux tenant en haleine de la première à la dernière page.

Le style volontairement épuré, rend la lecture beaucoup plus fluide et agréable.

« Les vautours » constitue donc pour moi un roman formidablement abouti, et une œuvre magistrale réalisé par un écrivain alors au sommet de son art.