Argentine (Joël Houssin)

Dans les années 2000 j’ai découvert Joël Houssin et lu beaucoup de ses livres avec délectation.
Je trouvais intéressant prêt de dix ans après de me replonger dans ses lectures d’étudiant.
Paru en 1989, « Argentine » est un pur roman d’anticipation, genre dans lequel l’écrivain français fit ses premières armes avant de basculer dans le style policier tout d’abord avec la foisonnante série du Doberman puis l’écriture de scénario pour la télévision.
Dés les premières pages avant même d’avoir compris le contexte complexe de l’histoire on est pris à la gorge par le style très rugueux et abrasif de Houssin.
Son écriture est d’une violence inouïe, charriant un flot de colère et de révolte exprimé dans un vocabulaire de petit zonard des années 80.
Si on passe cet écueil stylistique rebutant, on peut ensuite entrer dans l’histoire et découvrir une ville d’Amérique du Sud dans laquelle les habitants sont confinés par des milices très violentes commandées par un Contrôleur suprême, qui s’assure du juste ravitaillement des populations en organisant des distributions d'insipides produits lyophilisés dans d’immenses hypermarchés.
On dit la ville perdue au milieu d’un désert surveillé par des zeppelins mais les rares rebelles à avoir tenté une sortie se sont tous égarés et sont morts.
La vie est dure dans cette ville, car si la milice contrôle les principaux axes, des bandes armées tiennent certains quartiers semant la terreur par le crime et le trafic de drogue ou d’êtres humains.
Sans espoir, la plupart des habitants se débrouillent, certains rejoignent des bandes, finissent toxicomanes ou prostitués.
Dans ce contexte effrayant, Diego dit « Golden Boy » ancien héros de la bande des Communards, dépérit à petit feu en constatant son impuissance à aider son père dit le Singe, paranoïaque à demi fou retranché chez lui et son jeune frère Jorge, qui ne pense qu’à lui même faire ses preuves dans la bande des Enragés au mépris de toute lucidité.
Diego  a tout de même deux amies, Diana la muette et la Mouche, jeune homme à l’agilité surprenante ne se déplaçant que sur les toits de la ville.
L’histoire tourne autour de la disparition de Gabriella, la sœur de Diego, qui est partie se prostituer dans un bordel du quartier brésilien de la ville.
Le bordel est tenu par Tio Pepe, un caïd redoutable qui prostitue hommes, femmes ou travestis et surtout s’est lancé dans le trafic d’êtres humains servant de cobayes pour d’horribles expériences.
Ayant besoin de médicaments, Diego accepte une livraison dans le quartier de la Squadra Azzura pour Tokyo, le plus puissant caïd de la ville qui à des yeux et de oreilles partout.
Il déjoue les piéges de la milice, notamment une redoutable brigade de Devineurs, robots capables de percer le pensées des humains en saturant leur structure mentale fondée sur la logique.
Après avoir livré des composants électroniques à un mystérieux vieillard aveugle du nom d’Eduardo qui s’affaire autour d’étranges machines, Diego se rend voir Pepe pour libérer sa sœur.
Le Brésilien le drogue jusqu’à l’overdose, lui montre sa sœur devenue prostituée et le laisse pour mort.
Diego ne doit son salut qu’à la Mouche qui le suit pareil à un ange gardien.
Alors qu’il se remet péniblement, Tokyo lui fait part de ses inquiétudes car le ravitaillement de la ville a cessé, provoquant des émeutes et des incendies.
Tokyo lui fait alors rencontrer Aurora une femme mystérieuse, dont une moitié est une superbe trentenaire et l’autre une vieillarde desséchée.
Diego est fasciné et attiré par cette femme.
Guidés par un singe pilote, Tokyo et Aurora emmènent Diego dan le désert et lui livrent le secret de la ville, destinée à l’origine à isoler le surplus des prisons et protégée par un système appelé Matrix, infranchissable piége temporel formant des cercles concentriques autour de la ville.
Pénétrer dans Matrix, s’est s’exposer à un vieillissement accélérée et à une mort atroce.
Mais Matrix s’est déréglé, est devenu fou et menace à présent de détruire la ville et tous ses habitants.
A son retour Diego apprend que son frère Jorge a été enlevé par Tio Pepe.
Il décide donc de le délivrer en attaquant le chef maffieux et ses gardes du corps cobayes.
Drogué, surarmé, chevauchant une moto de combat blindée, encadré par la bande des Enragés, Diego attaque le quartier des Brésiliens pour s’apercevoir qu’une vague temporelle à tué ou laissé séniles tous ses habitants.
Il découvre un Pepe rongé par le cancer et que son frère et sa sœur ont été réduits à l’état de cobayes humains, enfermés dans des caissons les faisant indéfiniment vieillir et rajeunir durant des cycles de quelques secondes.
Choqué, Diego va chercher Tokyo, Aurora et son frère le savant Eduardo pour tenter d’arrêter leur supplice.
Eduardo parvient à libérer Diego et Gabriella mais ceux ci ont régressé à l’état de fœtus.
Fascinée par la caresse du temps à laquelle elle a volontairement exposée la moitié de son corps dans le désert, Aurora demande à Diego de l’enfermer dans un des caissons.
Malgré son amour naissant pour la femme, celui ci accepte et après avoir ramené son frère et sa sœur en lieu sur découvre que la ville à feu et à sang menace d’être complètement engloutie par Matrix.
Il comprend alors que ce les expériences de Peppe ont crée des paradoxes temporels qui ont déréglé Matrix et que Jorge et Gabriella attirent donc malgré eux la mort sur la ville.
Guidé par les facultés du singe pilote, seule amène de se frayer un passage dans les couloirs du temps, Diego se lance alors dans une course frénétique pour sauver les bébés, trouver un passage hors de la ville et sortir du piège temporel de Matrix.
Il y parvient et retourne se cacher dans la maison d’Aurora ou il peut fonder une nouvelle société.
Après toutes ses années de souffrance et d’angoisse, l’espoir renaît donc finalement.
En conclusion, « Argentine » est un roman âpre, dur, parfois effrayant voir écœurant par son désespoir et sa violence.
Dans un univers à la Mad Max, Houssin décrit une ville en perdition ou l’humanité à régressé à un niveau de pauvreté et de déchéance insoutenable.
Miliciens brutaux, cobayes mutants, toxicos prostitués, zonards têtes brûlés, robots télépathes et prêtres illuminés composent un tableau particulièrement hideux repoussant de cette humanité dégénérescente.
Diego ne survit dans cet enfer que grâce à son intelligence au dessus de la moyenne et quelques facultés supplémentaires comme des facultés de télépathie ou son avant bras à l'os de metal.
La partie Science-Fiction est pour moi la plus intéressante car elle montre toute l’imagination foisonnante et la remarquable créativité de l’auteur, l’idée du piège temporel étant je trouve particulièrement géniale avec au final (enfin !) un peu d’espoir.
Malgré sa noirceur étouffante, « Argentine » demeure pour moi sans nul doute l’un de romans les plus aboutis de Houssin si ce n’est son chef d’œuvre.

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