Auguste (Pierre Cosme)
L’Histoire Gréco-romaine me passionnant toujours, j’ai lu « Auguste » de Pierre Cosme.
Pierre Cosme est un professeur à la Sorbonne spécialisé dans l’histoire romaine.
Son livre dresse un portrait minutieux de l’empereur Auguste, qui étrangement malgré son fort impact sur la civilisation romaine m’est apparu toujours un peu en retrait par rapport à des personnages comme César, Néron, Caligula ou même Marc Aurèle qui ont inspirés beaucoup plus d’artistes que lui.
« Auguste » adopte un schéma classique en relatant chronologiquement les différentes étapes de la vie de l’empereur depuis sa naissance à sa mort.
Les sources principales de Cosme sont Suétone, Tacite et Dion Crassus.
La première partie du livre relate sans doute l’aspect le plus sombre et le plus dur de la personnalité d’Auguste.
Fils adoptif de Jules César, le jeune Octavien va déployer des trésors de stratégie politique pour assouvir ses ambitions naissantes.
Cosme relate les terribles luttes de pouvoir ayant suivi l’assassinat de César en –44 av JC.
Dans ce chaos règnent en effet luttes d’influence, manœuvres politiques, alliance opportunistes, trahisons, feintes et coups de force.
Difficile de ne pas avoir la nausée …
Octavien a pour lui l’énorme avantage d’avoir été désigné par César comme son héritier mais il doit cependant manœuvrer habilement entre les sénateurs républicains, les factions Césaricides commandées par Brutus et Cassius, mais également contre son plus sérieux rival Marc Antoine , le consul et brillant chef militaire de la Guerre des Gaules qui se verrait bien émerger de ces luttes pour le pouvoir suprême.
Dans ce nid de vipères, il apparaît que Cicéron a joué un rôle prépondérant dans l’ascension d’Octavien en pensant manipuler facilement un jeune homme contre un adversaire redoutable comme Marc Antoine.
Pourtant, Marc Antoine et Octavien oublieront pour quelques temps leurs rivalités pour aller défaire les armées de Brutus et Cassius à Modène en –43 av JC.
Une fois les Césaricides puis le dangereux Cicéron éliminés, un triumvirat s’établit, aboutissant au partage de l’Empire Romain entre Octavien, Marc Antoine et Lépide gouverneur de la région Narbonnaise.
Marc Antoine récupère l’Orient, Octavien l’Occident et Lépide l’Afrique.
Après la neutralisation de Sextus Pompée qui par son contrôle de la Sicile, de la Sardaigne et de la Corse et imposait un blocus maritime à Rome avec ses navires, Lépide est rapidement écarté de la sphère du pouvoir.
Commence alors la lutte à distance entre Marc Antoine et Octavien.
Ce dernier ayant très vite compris qu’il n’avait pas le prestige militaire de son rival et va donc s’employer à manœuvrer pour le pousser à la faute.
Pour contre balancer le succès militaire de l’expédition de Marc Antoine contre les Parthes en –35, Octavien va utilise la liaison entre Marc Antoine et Cléopâtre pour le décrédibiliser, en faire un souverain d’Orient, un traître potentiel, partisan de la royauté et un ennemi des institutions romaines.
Octavien va aussi montrer que sa force principale était de savoir s’entourer notamment du général (et ami d’enfance) Agrippa véritable génie militaire mais aussi de Mécène, richissime conseiller.
Il utilisera également à merveille les mariages pour tisser des liens avec les plus puissantes familles romaines notamment en épousant Livie appartenant à la plus haute aristocratie romaine et en mariant sa sœur Octavie à Marc Antoine.
Mais cette énorme tension entre les deux hommes aboutit en –31 à la bataille d’Actium ou Agrippa et ses navires triomphent de Marc Antoine et de Cléopâtre.
Les deux époux se suicident donnant naissance à l’une des plus belles légende romantique de tous les temps.
Commence alors le règne d’Auguste nommé proconsul pendant dix ans et la partie la plus « pacifique » de son histoire.
Sous Auguste en effet, Rome va connaître un age d’or, avec la stabilité politique, de nombreuses réformes administratives et financières.
Auguste va réformer l’armée en créant une armée de métier, une garde personnelle (les fameux Prétoriens), réduire le nombre de sénateurs pour mieux les contrôler et affaiblir leur pouvoir, et renouveler la classe des chevaliers.
Auguste va prendre des mesures contre la corruption, notamment celles des gouverneurs des provinces romaines, instaurer des lois visant à mieux répartir les terres, et à mieux répartir les impôts.
Le siècle d’Auguste va également voir l’essor de nombreuses constructions à Rome, la créations de bains publics, (les thermes d’Agrippa), de forums et de temples.
Sous l’impulsion de Mécène, certains des plus brillants poètes et écrivains prendront leur envol comme Virgile, Horace ou le plus controversé Ovide.
Paix, stabilité, prospérité, essor architectural et intellectuel semblent donc avoir marqué cet age d’or.
Mais la mort d’Agrippa, homme brillant et fidèle à Auguste fut un premier affaiblissement à son règne.
Puis l’éternelle question de la pacification de l’empire romain obligea Auguste à s’appuyer sur des hommes forts et ambitieux comme Tibère et Germanicus pour mener campagne en Gaule et en Germanie.
Le livre montre rapidement que Tibère était lui aussi nourri d’une ambition dévorante et que les relations avec Auguste furent rapidement tendues.
Tibère joua un jeu risqué mais qui fut payant puisqu’il contraignit Auguste à l’adopter à contre cœur.
Vieilli, fatigué, Auguste tomba malade et mourut après un voyage laissant la place libre à ses successeurs.
« Auguste » est un livre très dense, plutôt difficile d’accès pour le non initié qui aura beaucoup de mal à se repérer entre les nombreux personnages de l’Histoire, les alliances entre familles et devant la complexité du fonctionnement des règles de la politique et de l’administration romaine
Pour autant Pierre Cosme a fourni un travail minutieux, riche et très exhaustif aidant à se faire une assez bonne opinion de la personnalité de l’empereur.
Auguste apparaîtra donc comme un homme doté d’une exceptionnelle intelligence politique à défaut d’être un brillant chef militaire.
A ce titre la manière dont il évita de commettre la même erreur que César avec les Sénateurs en dit long sur son grand sens politique.
La lâcheté d’Auguste sur un champs de bataille semble peut être avoir été exagérée par ses ennemis en revanche sa dureté et son caractère impitoyable avec ses adversaires m’ont semblé bien réels.
Derrière l’ombre de l’empereur divinisé, Cosme brosse le portrait d’un homme de petite taille d’une santé fragile, affublé d’un léger handicap, insomniaque, supportant mal les voyages mais doté d’un grand charisme, vivant de manière simple, presque frugale pour un empereur romain.
J’ai été touché par les relations très forte entre Auguste et Agrippa qui ne l’a jamais trahi, mais aussi de la fidélité d’Auguste envers sa femme Livie qui pourtant eut l’énorme inconvénient de ne jamais ne lui donner de descendants.
De mon point de vue le dernier chapitre du livre est le plus intéressant, car il montre l’importance du règne d’Auguste dans l’Histoire de Rome et le fait qu’il servit de modèle non seulement aux autres empereurs romains mais également à des personnages comme Charlemagne, Louis XIV, Napoléon ou… Mussolini.
Finalement les deux empereurs romains les plus importants de l’histoire resteront Jules César puis Auguste mais ce dernier en raison d’un caractère mesuré, calculateur marquera sans doute moins les esprits qu’un Néron ou qu’un Caligula plus flamboyants et excentriques.
Sur le livre lui même, je dirai qu’il est beaucoup moins littéraire et vulgarisateur que les ouvrages de Max Gallo, mais qu’il présente un travail de fond d’une très grande rigueur et d’une très grande richesse.
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