La République (Platon)

 



Énorme pavé de la philosophie avec « La République » de Platon.

Encore une fois je précise que je n’ai pas la prétention d’avoir une vision absolue et parfaite d’un tel monument de la pensée.

« La République » est sans doute l’ouvrage le plus célèbre de Platon et cette réputation est à mon sens pleinement justifiée tant ce livre est ambitieux.

A partir d’une discussion initiale au sujet de la justice, Platon va par l’intermédiaire de Socrate, au cours de dix livres composant l’ensemble, s’interroger plus en profondeur sur la cité idéale selon lui.

L’ouvrage commence par un accrochage avec Thrasymaque, qui soutient que le rôle de la justice dans la cité est de servir l’intérêt du plus fort c’est à dire du gouvernement dominant.

Il ajoute que nécessairement l’homme injuste sera plus heureux que l’homme juste car il tirera toujours mieux parti des avantages de la vie comme les richesses ou le pouvoir.

Socrate soutient une discussion houleuse et démontre que le juste correspond au bien et au sage, donc que l’homme juste est heureux tandis que l’homme injuste est ignorant, méchant et malheureux.

Pour enfoncer le clou, Socrate montre que les dieux étant par natures bons et sages, apprécient par conséquent les hommes justes.

Après avoir mis Thrasymaque en déroute, Socrate s’attaque à partir du second livre au gros du travail : la construction de la cité idéale.

L’idée est de faire un parallèle entre la cité idéale et l’ame idéale d’un homme.

Pour cela avec ces deux faire valoir Adimante et Glaucon, Platon va imaginer la création d’une élite appelée les gardiens, dont la tache premiére sera de protéger la cité militairement.

Cette élite sera composée des meilleurs hommes mais aussi des meilleurs femmes sélectionnés tout d’abord pour leurs excellence dans divers domaines comme la gymnastique, la musique, le calcul, la géométrie, et en dernier lieu la pratique de la philosophie par la dialectique.

Les gardiens seront mis à l’épreuve durant leur éducation, ils devront participer à des campagnes militaires, faire étalage de leur curiosité, de leurs capacités d’apprentissage mais surtout de leur vertus morales comme le courage, la tempérance et la sagesse.

Ils seront doux avec les citoyens, durs avec les ennemis, tout en traitant avec plus d’humanité et de clémence les ennemis issus des races grecques que ceux des peuples barbares.

Les meilleurs d’entre eux seront admis alors vers 50 ans à avoir des fonctions politiques dans la cité, à la commander, à l’administrer.

Ceux qui ne seront pas dignes de ces charges seront exclus et « rétrogradés » comme citoyens lambda.

L’originalité de cette élite est qu’elle vivra hors de la cité, qu’elle ne possédera pas de biens propres, et que les enfants et les femmes seront communs à tous.

Ainsi ces gardiens (qui recevront tout de même un salaire !) ne seront pas tentés par la possession et les rivalités en découlant.

Cette vision audacieuse de la société a amené Platon a être considéré comme le précurseur du communisme.

Mais il faudra aussi noter que Platon prône la reproduction entre hommes et femmes de l’élite pour avoir plus de chance que leur descendance soit de qualité.

Une autre idée importante est l’usage du mensonge utile, c’est à dire d’une forme de censure concernant les œuvres poétiques ou mythiques populaires dans la cité.

De manière générale, Platon s’attaque vivement aux artistes comme les poètes (livres II, III, IV) , les tragédiens, acteurs, peintres ou sculpteurs, qu’il qualifie d’imitateurs de la vérité.

Même si on sent du respect pour Homère ou Hésiode, il n’hésite pas à vouloir amputer leurs œuvres de passages qu’il juge contraire à sa conception de la vérité.

On pourra donc être surpris de cette intransigeance.

Le livre VII est sans doute le plus célèbre avec la fameuse allégorie de la caverne.

Cette partie s’écarte quelque peu de la réflexion politique pour se pencher vers le but ultime de la philosophie.

Par la métaphore sublime de prisonniers enfermés toute leur vie dans une caverne ne voyant que les ombres des objets éclairés par le soleil sur les murs et les prenant pour la réalité, Platon montre l’aveuglement de la majorité des gens.

La sortie de la caverne, la contemplation des choses dans la lumière vraie et crue du Soleil, est l’accession au Bien et au Divin par la philosophie.

Cette sortie, peu d’hommes en sont capables et c’est pourquoi les philosophes sont souvent critiqués par les gens du peuples qui préfèrent rester vivre dans la caverne.

Mais celui qui sera sorti une fois et revenu par la suite sera la vérité sur les choses du monde sensible.

Pour Platon, les gardiens devront sortir de la caverne.

Le livre VIII est le passage en revue des diverses constitutions et la mise en parallèle avec les qualité de l’âme humaine.

Ce livre est d’une finesse hors norme.

Pour Platon le régime idéal est donc une aristocratie fondée sur des aptitudes guerrières, philosophiques et cette aristocratie est assimilée à une royauté.

Platon étudie les passages entre timocratie (régime fondé sur la recherche des honneurs ) , oligarchie (fondée sur les richesses d’un petit nombre) et démocratie (fondée sur la liberté du plus grand nombre).

J’ai adoré ces analyses subtiles et fines confinant à la psychologie.

La démocratie régime libertaire et égalitaire est considérée malgré sa beauté apparente comme de piètre valeur car  trop permissive elle incite les hommes à ne suivre que leurs désirs ce qui peut aboutir dans certains cas à la tyrannie considéré comme le pire des régimes.

Le dernier livre débouche sur l’affirmation de l’immortalité de l’âme et de la nécessité d’être juste pour bénéficier d’un jugement clément par les dieux dans l’au delà.

Il s’agit de la partie la plus mythique de la « République » avec le récit de Er, héros mort au combat revenu d’entre les morts pour apporter aux hommes la description de l’au delà.

Aux justes la vie dans le ciel , aux injustes échoit une vie sous terre et un passage dans le Tartare.

Une partie passionnante du mythe est le choix des modèles de vie par les âmes parmi un choix que leur soumettent les déesses filles de Nécessité, les Moires, Lachésis, Clotho, Atropos.

Les âmes humaines ont donc comme choix une vie juste orientée vers la vertu ou une vie injuste orientée vers la tyrannie.

En conclusion, « La République » est bien évidemment un livre d’une puissance inouïe, sans doute l’un des piliers de la philosophie et de la culture occidentale.

L’idée principale, celle de la gouvernance par une aristocratie de philosophes rois pourra sembler une complète utopie, mais Platon désamorce cet argument en soulignant que le coté difficilement réalisable de son entreprise ne doit pas l’empêcher de bâtir un modèle idéal.

Le régime décrit par Platon a quelques fois été taxé de Totalitarisme, je trouve cette critique exagérée, cependant on peut comprendre les positions musclées du philosophe si on considère qu’il avait assisté à la terrible guerre fratricide du Péloponnèse, et à la chute d’Athènes et par la suite à l’éclosion d’un régime tyrannique particulièrement sanglant.

Dans ces conditions, Platon propose sans doute un remède fort qu’il jugeait approprié à une situation choquante.

Rien n’a vieilli dans « la République », son audace (partage des biens, des femmes, des enfants) , la finesse de son analyse, la beauté des mythes sont éternelles, et toujours d’actualité surtout en période de crise et de remise en question des valeurs modernes actuelles.

Un véritable chef d’œuvre donc, auquel fera par la suite écho le « Politique » d’Aristote.

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