Eloge de la folie (Erasme)

 



L’époque de la Renaissance avec le philosophe hollandais Erasme et son célèbre « Éloge de la folie » .

Écrit sous la forme d’une satire ou l’auteur s’exprime en lieu et place de la Folie, « Éloge de la folie » est un traité surprenant prenant à contre pied les philosophies antiques et les théologies de son époque.

Erasme critique surtout la prétendue sagesse des Stoïciens qui n’est pour lui qu’apparence tant l’insensibilité dont ils se réclament relève pour lui de l’inhumanité.

Son éloge a trait aux passions humaines libérées de leur carcan philosophique ou religieux qui pour lui mènent plus sûrement les hommes que la froide raison.

Ainsi des « bons vivants » amoureux des plaisirs et de la chair mènent ils pour lui une vie plus heureuse que ceux gouvernés par la morne sagesse emplie de privations.

Libérés des convenances, les enfants et les vieillards se rejoignent dans la folie, les amants eux même aveuglés par leurs désirs oublient leur raison.

En politique, Erasme ne voit pas de rois sages mais des hommes passionnés, volontaires, prêt  à prendre des risques pour assouvir leurs ambitions et convaincre les foules par des discours enflammés de les suivre alors que le philosophe menant une vie austère et intérieure à l’écart du monde est finalement déphasé par rapport aux réalités du peuple.

La folie est également utile à la guerre pour exalter le courage alors que le sage trop timoré et réfléchi se montrera inefficace.

Erasme critique donc l’apparition des Sciences et les gens se consacrant à des études trop théoriques qui leur font perdre pour lui le véritable sens de la vie qui est donné par les lois de la Nature, par essence parfaites.

Les chasseurs, joueurs, écrivains, poètes, bouffons, rêveurs, artistes, les amoureux du plaisir sont ainsi plus heureux que ceux qui consacrent leur existence à l’étude pénible de la grammaire, des mathématiques, de la médecine, du grec, du latin et de la philosophie.

Erasme range aussi les chrétiens parmi les fous.

C’est la pour moi le point essentiel de l’œuvre car outre les philosophes, la cible principale d’Erasme est les théologiens.

Pinaillant sans cesse sur des points de détails liés à des interprétations hasardeuses des textes sacrés, les théologiens ont pour lui perdu le véritable sens de la parole chrétienne.

Ayant introduit une approche trop théorique de la religion en raison de l’influence d’Aristote par le biais de la scolastique, les théologiens se perdent en sectes éparses s’affrontant stérilement entre réalistes, nominalistes, thomistes, albertistes, occamistes ou scotistes.

Erasme prône donc un retour aux Évangiles et à la parole plus simple et accessible des Apôtres.

Le philosophe est encore plus sévère avec les moines qu’il compare à des ignorants, sales et égocentriques.

De la même manière il se moque de l’absurde multiplicité de leurs courants entre Cordeliers, Bénédictins, Jacobins, Bernardins, Brigittins et Augustins.

Mais les Princes, les gens de la cour et les Papes n’échappent pas non plus à la critique, ces derniers amoureux du luxe et du pouvoir, étant responsables de bien des guerres.

Erasme termine son traité en faisant référence aux écrivains (Horace, Homère, Cicéron) et aux apôtres (Saint Paul)  ayant eux aussi mis la folie en exergue.

L’épilogue consiste en une lettre envoyée à son ami Dorpius pour tenter de se justifier par rapport au tollé qu’a provoqué la publication de l’ « Eloge de la folie » auprès des autorités religieuses.

En conclusion, il faut bien évidemment prendre l’ « Eloge de la folie » comme une satire volontairement outrancière et provocatrice destinée à provoquer un électrochoc dans les mœurs de son époque.

Qualifié de philosophe humaniste, Erasme était en réalité lui même un prêtre théologien et un fin connaisseur des philosophes antiques qu’il avait beaucoup étudiés.

Rejetant en apparence toute sophistication théorique, tout artifice philosophique ou théologique, Erasme prône donc un retour à une vie plus simple fondée sur les plaisirs de la nature (avec leurs excès) tout en se référant aux textes des Evangiles, qu’il juge plus en accord avec la nature humaine.

Même si j’ai beaucoup apprécié le style brillant, agréable, fluide et souvent très drôle d’Erasme, il m’a été difficile de voir tournés en ridicule Platon, Aristote et Sénèque, philosophes que j’admire beaucoup.

Le livre d’Erasme repose donc la question fondamentale de savoir si l’homme doit se laisser gouverner par la folie de ses passions ou par ses capacités intellectuelles qui le poussent à la réflexion et à la sagesse.

Être corporel mais néanmoins pensant et capable d’abstraction, l’homme ne peut pour moi se soustraire à aucune de ces deux influences.

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