Gagarine ou le rêve russe de l’espace (Yves Gauthier)

 



En cette période d'engouement pour la découverte spatiale, j’ai pensé que lire « Gagarine ou le rêve russe de l’espace » d’Yves Gauthier pouvait être intéressant pour capter l’atmosphère d’une époque de Guerre Froide ou deux super puissances s’affrontaient par le biais de cette course à la conquête spatiale.

En réalité, le livre de Gauthier est une minutieuse biographie de la vie du premier homme dans l’espace en s’appuyant sur un travail d’enquête de fond menée en Russie à partir d’interviews, de biographies, d’archives de l’époque, la Perestroïka des années post Gorbatchev ayant grandement contribuée à leur accessibilité au niveau mondial.

Le lecteur suit donc de manière chronologique la vie de Youri Gagarine, né en 1934 à Klouchino, fils de paysans russes aussi pauvres que travailleurs se tuant à la tache pour cultiver une nature sauvage avec des techniques agricoles non encore mécanisées.

Enfant, Gagarine subit la seconde guerre mondiale, l’occupation allemande, est fasciné par les combats aériens auquel il assiste et les exploits des aviateurs russes magnifiés il est vrai par la puissante propagande Stalinienne.

Après la guerre, afin de fuir la misère des campagnes et de nourrir sa famille, Gagarine se rend à Moscou pour suivre des études de fondeur.

A cette époque dans le pays de la faucille et du marteau, les métiers de l’industrie surtout si ils sont manuels sont très valorisés et considérés comme une ascension sociale.

Pendant ses études, le jeune homme malgré son origine modeste montre tout de même d’étonnantes aptitudes intellectuelles dans les matières scientifique et techniques.

En parallèle de la fin de ses études de fondeur, Gagarine s’inscrit dans un aéroclub à Saratov et découvre les écrits de Tsiolkovski, extravaguant savant, génial bricoleur à l’imagination débridée et père spirituel de toute l’aérospatiale russe.

Cette découverte est un choc pour le jeune homme et il découvre alors sa véritable vocation : devenir pilote de chasse.

Il y parvient et intègre à Tchakalov une école de formation à l’armée de l’air.

Mais Gauthier insistera longuement sur le rôle crucial que jouera un autre homme dans la réussite de l’aérospatiale russe, le brillant ingénieur Sergueï Korolev, lui aussi fils spirituel de Tsiolkovski, qui nouera avec Gagarine une relation quasi filiale.

Pourtant malgré son génie, la vie de Korolev fut atrocement mouvementée : arrêté comme beaucoup d’intellectuels lors des purges Stalinienne, il fut torturé et envoyé au goulag avant d’être extrait par Beria en raison du besoin de cerveaux qu’avait l’URSS pour son programme de conquête spatiale.

Korolev libéré mais étroitement surveillé par la police se voit en raison de ses grandes compétences chargé du programme spatial russe.

Le génial ingénieur fabriqua les premiers engins spatiaux comme les fusées R7 et R2 qui emportera la chienne Laika, le  satellite Spoutnik, et finalement le Vostok dans lequel embarquera Gagarine.

De son coté, Gagarine devenu pilote de chasse et basé au pole nord, est sélectionné avec une vingtaine d’autres excellents pilotes pour participer au programme spatial.

Tous sont volontaires, attirés par une inextinguible soif d’aventure.

Les vingt hommes, vivant en reclus dans la Cité des Etoiles à quarante kilomètres de Moscou, vont passer de longs mois de tests physiques et psychologiques pour déterminer leurs aptitudes à devenir le premier cosmonaute de l’Histoire.

Ce passage m’a le plus intéressé, car il révèle les incroyables qualités physiques mais aussi humaines de Gagarine.

Gagarine n’est le meilleur nulle part mais il est le plus polyvalent avec de grandes capacités d’endurance physique et de résistance au stress.

Sa stabilité nerveuse et mentale est excellente, son intelligence analytique remarquable.

Les rapports montrent un homme travailleur, intelligent, curieux mais également très sociable, doté d’un charisme naturel lui permettant de très bien gérer les relations humaines.

Son sens de l’humour et son éternel sourire dans l’adversité sont également noté comme signe de son esprit combatif et positif.

Gagarine devient le favori de Korolev qui appuie sa candidature mais c’est le Kremlin de Khrouchtchev qui prend la décision finale de la choisir en raison de son origine modeste et rurale, de son parcours modèle sensé représenter parfaitement l’image de l’homme soviétique des années 60.

Le 12 avril 1961, Gagarine devient le premier homme à aller dans l’espace au nez et à la barbe des américains.

Pendant le vol, certains dispositifs et systèmes ne fonctionnent pas mais Gagarine s’en sort sans s’affoler et livre un rapport détaillé de ses impressions.

Des probabilités réalisés après coup montrent qu’il n’avait que 46% d’en revenir vivant.

Alors commence la seconde vie de Gagarine, sans nulle doute plus compliquée.

L’homme simple devient un demi dieu universel et est réclamé dans le monde entier.

Gagarine fait le tour du monde et est utilisé comme un instrument de propagande soviétique.

Gagarine devient un héros dans son propre pays, des foules en liesse se déplacent pour le voir, des statues de lui sont moulées en bronze, sa ville natale est rebaptisée.

Il paraît dans un premier temps bien résister à cette notoriété disproportionnée en essayant d’aider les gens qui le contactent mais il s’aperçoit assez rapidement qu’il n’est qu’une marionnette, que les dirigeants de l’URSS cherche à le placardiser et à l’empêcher de voler de nouveau.

Gagarine, fidèle aux visions de Tsiolkovski, lui ne rêve que de vols sur la Lune, Mars ou Venus.

Bien sur poussé par Korolev, Gagarine va entrer à l’Académie des Science et réussir de brillante études d’ingénieurs.

Il va également participer à terre aux vols de ses successeurs, mais de cette mise à l’écart va sans doute naître un déchirement intérieur et un mal être, mal être aggravé par la mort subite de Korolev qui sera vraisemblablement  pour beaucoup dans l’échec de la conquête de la Lune par l’URSS.

Ayant obtenu de nouveau l’autorisation de voler sur un avion de chasse, Gagarine se tuera avec son instructeur sur un MIG-15 le 27 mars 1968.

Les circonstances de ce drame resteront mystérieuses et feront naître les plus grands fantasmes pendant des années avec des rumeurs de suicide, d’alcoolisme ou d’internement secret en hôpital psychiatrique.

Gauthier parvient pourtant de manière assez analytique et dépassionnée à montrer que la vétusté de l’appareil, ses dysfonctionnements, et la piètre qualité des services météorologique russes de l’époque semblent avoir abouti à une conjonction de facteurs ayant amené à l’accident.

Bien que non passionné de conquête spatiale, « Gagarine ou le rêve russe de l’espace » m’a vivement intéressé.

Le livre insiste derrière la dimension historique et universelle de l’exploit, sur les rouages humains et politiques de l’envers du décor.

J’ai particulièrement apprécié les descriptions de la personnalité de Youri Gagarine qui semblait à vrai dire être un homme formidablement attachant à la fois intelligent, généreux, sympathique, idéaliste ce qui outre la fierté patriotique reste peut être la raison principale de son immense popularité en Russie même encore à notre époque.

Et puis, selon vous ce sourire étincelant sur la photo de la couverture, ce sourire qui nous frappe encore prêt de cinquante ans après, pourrait il nous mentir ?

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