Les écoles présocratiques (Jean Paul Dumont)



 

 

Très gros morceau auquel je me suis attaqué avec « Les écoles présocratiques » de Jean Paul Dumont mais aussi Daniel Delattre et Jean Louis Poirier.

Ce livre ambitieux de plus de 800 pages très denses, propose une exposition des principaux courants philosophiques présocratiques.

Le découpage est effectué non par époque forcément incertaines mais par zones géographiques.

Les philosophes présocratiques étant peu connus du fait de la rareté de leurs écrits parvenus jusqu’à nous, le livre propose une compilation des différentes sources avec pour chaque philosophe une partie biographique, une partie expliquant sa philosophie, des fragments d’écrits authentifiés, puis d’autres d’origines plus douteuses, imitations ou écrits non confirmés.

De l’école Ionienne sont étudiés Thalès, Anaximandre et Héraclite.

Thalès de Milet fut il le premier philosophe de l’Histoire ? Difficile à dire en tout cas peut être fut il le premier philosophe grec.

Thalès aurait apparemment hérité de son savoir mathématique en étudiant avec les Égyptiens et les Chaldéens.

Il excella en géométrie, astronomie et découvrir une méthode pour mesure les pyramides à l’aide d’un bâton et de la mesure de leur ombre.

Thalès croyait à l’immortalité de l’âme et que Dieu façonnait à l’aide de l’intellect toutes les choses à partir de l’eau, principe premier du monde.

Son disciple Anaximandre s’intéressa bien sur à l’astronomie en déclarant que la terre était une sphère occupant une place située au milieu de l’univers.

Il affirma que l’Illimité était le principe de toute chose, et que par cet Illimité le mouvement éternel du monde produit les phénomènes sans fin de génération et de corruption à l’intérieur de celui ci.

Donc le fonctionnement du monde n’est qu’une succession de cycles illimités de naissances et de destructions.

J’ai trouvé plus originale et intéressante la philosophie d’Héraclite.

Pour lui, le monde est une double route à la fois montante et descendante, et à l’instar d’un fleuve s’écoulant tout est mouvement permanent mais aussi immobilité apparente.

De cette contradiction et à cause de son style énigmatique, naîtra son surnom d’ « Obscur » .

Pour Héraclite, cette double route est bouclée autour d’un élément unique : le feu divin, point de départ de toute chose à leur naissance et point d’arrivée à leur mort.

L’homme ne peut se fier à ses sens par nature traîtres, aussi doit il se fier à la raison et au Logos, principe premier et divin ordonnateur de toute chose.

De l’école Italique ou Pythagoricienne sont étudiés Pythagore, Empédocle, Philolaos et Archytas.

Peu de choses sont connues sur Pythagore et ses disciples qui furent surtout d’excellents mathématiciens versés en arithmétique, géométrie et astronomie.

Il est à noter que comme Thalès, Pythagore partit en Egypte et en Perse pour apprendre les mathématiques.

Pour les Pythagoriciens, le nombre est le principe premier du monde car il permet de le rendre intelligible par la pensée mathématique.

La décade est synonyme de perfection, de divinité.

Les nombres sont à l’origine de l’harmonie du sens des proportions du monde.

Même les astres et les dieux sont affiliés à des nombres.

Inventeur de la rhétorique, Empédocle pensait que le monde était composé de quatre éléments, feu, terre, eau et air qui s’assemblait par intervention de la Haine et de l’Amour.

L’école Eléate composée de Parménide et de Zénon D’Elée m’a moins intéressée.

Parménide prône l’existence d’un monde unique, sphérique, éternel, immobile composé à base de feu et de terre .

Pour lui le non être n’existe pas, l’ame et l’intellect sont identiques, la sensation comme pour Héraclite est fausse.

Quand à Zénon d’Elée, il est connu pour être l’inventeur de la dialectique et l’auteur de célèbres apories qui mirent en difficultés beaucoup de philosophes de renom.

Les Abdéritains Leucippe et surtout Démocrite m’ont beaucoup plus intéressés.

Ces philosophes dit « atomistes » proposent une vision du monde matérialiste extrêmement intéressante.

Le monde est composé de vide et de particules élémentaires dit atomes, incorruptibles, , indissociables et illimitées en taille/nombre, s’assemblant au gré du Hasard ou de la Nécessité.

La grande audace de cette théorie est que les Dieux ne sont plus à l’origine du monde et que l’homme n’a plus à les redouter.

Anaxagore fait l’objet d’un chapitre à part baptisé « l’infini à Athènes ».

Ce philosophe proclamait que tout se transformait sous l’action de l’Intellect divin autour des homéoméries, particules élémentaires illimités formant le monde.

Anaxagore forma Périclès, le brillant homme d’état Athénien.

L’ouvrage se termine sur les Sophistes, personnages très puissants en Grèce, qui furent souvent concurrents des philosophes et tournés en ridicule par Platon.

Pourtant le livre montre que les écrits de Protagoras et de Gorgias présentaient un fort contenu philosophique avec l’affirmation du pouvoir du langage car pour l’un tout était vrai et pour le second rien en l’était, et que leurs fins tragiques pour leur propos les rapprochent plutôt d’un Socrate libre penseur contre les classes politiques dominantes de l’époque.

En conclusion « Les écoles présocratiques » est un livre instructif,  qui réussit à rester lisible et clair malgré la grande quantité d’informations qu’il recèle.

Même si les sources citées proviennent souvent des mêmes auteurs comme Diogène Laerce, Plutarque, Sextus Empiricus ou même d’autres philosophes post socratiques comme Aristote ou Platon, l’exhaustivité de cet ouvrage reste sans pareil.

Comme le dit l’auteur en préface il aura fallu 18 ans de travail pour rechercher, classer et compiler toutes ces sources ce qui en dit long sur le travail colossal fourni.

Pour ma part même si ce genre d’ouvrage demeure toujours difficile à ingurgiter, j’ai éprouvé une nette préférence pour le style original, énigmatique, poétique voir mélancolique d’Héraclite ainsi que pour la formidablement audacieuse approche matérialiste de Démocrite.

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