Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (Jean-Jacques Rousseau)

 



Présenté cinq ans après à l’Académie de Dijon, le « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » de Jean-Jacques Rousseau peut être considéré comme la suite logique du « Discours sur les sciences et les arts » adressé en 1750 à cette même académie.

Dans cet ouvrage, après un court hommage aux dirigeants du pays ou il réside (la Suisse) , Rousseau s’attaque aux origines des inégalités entre les hommes en choisissant de retracer tout le développement de l’humanité depuis les premiers hommes jusqu’à son époque qu’il juge bien évidemment en état de déliquescence morale.

Se lançant à la recherche de l’homme naturel des origines, Rousseau explique que les premiers hommes n’ayant comme unique but que de trouver leur subsistance et d’échapper aux prédateurs, vivaient en toute liberté en contact étroit avec la nature dans une certaine pureté innocente.

Plus sains et robustes, les premiers hommes suivaient leurs instincts et apprenaient à se contenter de la juste satisfaction de leurs besoins.

Le langage était réduit à sa plus simple expression et la morale ainsi que le sentiment amoureux n’existaient pas.

Pourtant Rousseau déclare comme universels la répugnance d’un homme pour tuer son semblable et sa propension a éprouver de la pitié pour lui.

Dans ce monde forcément idéalisé, les conflits n’existaient pas pour Rousseau, la compétition entre mâles pour les femelles n’avait pas lieu d’être et les hommes plus forts physiquement ne songeaient pas à exploiter leur semblables.

Partant donc du principe que l’inégalité à l’état naturel est minime, Rousseau explique ensuite dans une seconde partie que dans un désir de perfectionnement les hommes apprirent à s’unir pour gagner en efficacité puis à vivre en collectivités dans des abris offrant de meilleures conditions de vie.

Avec l’instauration d’un mode de vie plus sédentaire, les besoins de l’homme changèrent, le travail du fer et le début de l’agriculture amenèrent à la notion de propriété qui fut pour Rousseau le début des premières inégalités institutionnalisées.

Certains propriétaires s’enrichirent et pour préserver leurs richesses eurent l’idée de s’unir pour employer des plus faibles afin de cultiver leur terres ou de les défendre contre leurs ennemis.

Alors apparurent les notion de dépendance et donc de servitude avec le cortège de lois destinées à préserver les acquis des riches.

Pris sous l’autorité des gouvernements édictant les lois, les peuples perdirent donc leur liberté en pensant gagner une relative sécurité.

Mettant de coté le pouvoir irréfutable assuré par le dogme religieux, Rousseau effleure par la même occasion l’idée pour lui de société idéale avec un contrat passé entre le peuple et le gouvernement ce contrat entraînant des droits mais aussi des devoirs pour les deux parties.

Puis il poursuit son raisonnement et aboutit au système le plus inégalitaire qui soit le pouvoir arbitraire avec des tyrans ayant réduit par la seule force leur peuple en esclavage.

Ayant terminé sa démonstration, Rousseau répond ensuite à ses détracteurs dont le plus célèbre est Voltaire qui l’attaque avec talent et férocité en se moquant de sa vision idyllique du bon sauvage ignorant et pacifique, en minimisant le rôle des lettres et des arts dans la chute des empires puis en allant sur le registre plus personnel  lui reprocher de ne pas vivre dans son pays d’origine la France.

La réponse d’un Rousseau par contraste très raide et ferme, consiste à répéter que les lettres et les arts sont utiles aux dirigeants non aux peuples qu’elles entraînent dans la décadence morale.

Il termine enfin par une réponse à un certain Philopolis (en réalité le naturaliste Charles Bonnet) en remettant vivement en question ses positions optimistes inspirées de la philosophie de Leibniz.

En conclusion, si j’avais émis quelques réserves sur le « Discours sur les sciences et les arts », le  « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » m’a impressionné par la profondeur de son raisonnement.

Même si je continue à trouver que Rousseau faisait fausse route en idéalisant  le sauvage, en en faisant un être bon et vertueux naturellement, j’ai trouvé ses analyses sur l’instauration progressive des inégalités particulièrement intéressantes.

Comme dans les théories socialistes, la notion de propriété privée semble ici à l’origine de tous les maux avec tout les vices qu’elle entraîne à sa suite ( humiliation, jalousie, violence, asservissement) , la suite du processus ne consistant qu’à créer un cadre légal au moyen du politique pour préserver les intérêts des riches puis des puissants.

Une fois le modèle inégalitaire crée, on trouvera fatalement des hommes désireux de manœuvrer pour acquérir puissance et honneurs en dominant leur prochain.

Mais passé ce constat, difficile pour Rousseau de proposer un modèle de société idéal sans passer pour un rétrograde désireux de replonger l’homme dans son état de dénuement originel, chose que lui même admet comme impossible.

Commentaires