Les Caractères (Jean de la Bruyère)

 



Voici dans la droite lignée de La Rochefoucauld, « Les Caractères » de Jean de la Bruyère, autre grand penseur moraliste du XVII iéme siècle.

Contrairement aux « Maximes », « Les Caractères » sont une œuvre volumineuse étendue en seize chapitres au style délayé.

La Bruyère y dépeint les mœurs de son temps sous un mode satirique.

Après une réflexion sur les œuvres littéraires et les travaux de ses prédécesseurs notamment les poètes et hommes de théâtre,  La Bruyère s’interroge sur la notion de mérite personnel qui par essence doit être vertueux, simple, modeste et se détacher de la recherche des honneurs.

Pour illustrer ses idées, il utilise divers exemples d’hommes de cours dont il décrit les caractères comme superficiels, mondains et avides de reconnaissance auprès des puissants.

Ce mode illustratif sera le fil conducteur de tout le livre et viendra étayer pratiquement chaque chapitre.

Vient ensuite le tour des femmes dont il fustige la coquetterie et le manque de naturel.

Leur rapport aux hommes est envisagé avec leur attirance pour les hommes puissants auprès desquels elles calquent leur mode de vie.

La Bruyère les considère comme plus gouvernées par leur cœur ce qui explique qu’elles soient souvent moins enclines à cultiver leur esprit.

Dans le chapitre quatre sans nul doute le plus beau car écrit dans un style élégant et concis, on en vient tout naturellement aux rapports amoureux et amicaux.

Puis le philosophe s’intéresse à la vie en société avec de nombreux portraits satiriques des beaux parleurs de cours puis en fixant des règles de simplicité et de politesse à adopter lors d’une conversation.

Vient ensuite le tour des biens qu’on acquiert par la fortune, avec une réflexion particulièrement profonde sur la vanité de la recherche de ceux ci et sur le pouvoir particulièrement corrupteur de l’argent.

S’ensuit des chapitre sur la vie à la ville  et à la cours avec pour thèmes principaux la vanité des gens venant y chercher les honneurs.

Dans ces environnement, l’hommes y goûte à la vie facile, au luxe et aux richesses.

C’est le royaume des ambitieux, des favoris, des courtisans, des flatteurs et autres parasites s’enivrant au contact des grands, en rêvant d’acquérir dans leur sillage toujours plus de pouvoir.

Tout n’est qu’intrigues, mensonges et autres basses manœuvres.

En tombant en disgrâce, le favori se purge de tout ses excès et  retrouve souvent une part de son humanité passée.

La partie la plus politique de l’œuvre est abordée dans le chapitre dix consacré au souverain et à la république.

Dans ce domaine La Bruyère ne se démarque pas des ces prédécesseurs par des idées très tranchées et demeure à mon sens plus intéressant lorsqu’il analyse les caractères humains et leurs jugements  pour y développer une idée de la vertu teintée de stoïcisme.

Pour le moraliste, l’homme a une propension naturelle à s’ennuyer et à être malheureux en raison de l’état permanent de désirs insatisfaits qui l’habite.

Les phases de l’enfance et de la vieillesse sont analysées avec une grande pénétration de l’esprit.

Plus anodins, les chapitres suivants traitent des modes et des usages avant que La Bruyère ne termine son œuvre par un questionnement métaphysique l’amenant à affirmer sa foi en un dieu chrétien responsable suprême de tout l’ordre observé dans le monde.

En conclusion, « Les Caractères » est une œuvre d’une grande densité qu’il est parfois difficile de digérer d’un bloc tant La Bruyère y délaie ses idées dans un style certes particulièrement riche et élégant mais quelques fois difficile à suivre.

On sent l’homme écœuré des mœurs de son époque et vouloir corriger par la satire les déviances de ses contemporains pour provoquer en eux un retour salvateur à plus de vertu.

Dans le domaine de la philosophie, la Bruyère ne développe aucune idée nouvelle et ne surpasse pas ses glorieux prédécesseurs dont il s’inspire par instants.

La force de son œuvre demeure dans ses portraits satiriques très ciselés venant taillader la vanité de ses contemporains principalement les arrivistes de cours et autres riches bourgeois orgueilleux.

J’ai personnellement beaucoup apprécié les chapitres traitant de l’homme et des sentiments humains.

Dans ceux ci, La Bruyère emploie un style plus direct et percutant pour faire passer des idées très profondes.

J’ai également été séduit par la simplicité de l’homme, par son goût pour le peuple et par son anti militarisme très marqué.

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