Préliminaires (Iggy Pop)
Après un « Skull ring » gavé d’énergie et de duo avec la jeunesse du début des années 2000, Iggy Pop prend à nouveau son public à contre pied en 2009 en sortant « Préliminaires » , cette fois ci majoritairement blues, rock voir par instant jazz.
Autre surprise non négligeable pour un artiste américain, un album avec un titre en français puisque inspiré par le roman de Michel Houellebecq « La possibilité d’une île ».
Si d’un premier abord l’alliance entre l’écrivain introverti au physique d’ingénieur en informatique et l’ex punk exhibitionniste au physique d’œuvre d’art vivante semblait contre nature, la curiosité l’a finalement emporté pour me pousser vers l’écoute de ce disque.
Pratiquement entièrement écrit et joué par Iggy Pop et Hal Cragin, « Préliminaires » a reçu le support du batteur Kevin Hupp puis de plusieurs musiciens additionnels comme un clarinettiste, un pianiste, un trombone et un trompettiste.
Cette folie douce à la belle pochette évoquant une sorte de « déjeuner sur l’herbe » macabre débute par « Les feuilles mortes » reprise de la célébrissime chanson de Jacques Prévert et de Joseph Kosma.
Iggy accomplit ici un authentique exploit en faisant l’effort de reprendre ce classique de la chanson française dans la langue de Molière et son accent américain rocailleux donne pour le coup un charme important à ce titre calme, triste et beau.
De mélancolie il est encore question avec « I want to go to the beach » , ballade minimaliste sublimée par la magnifique voix grave du Seigneur de la Pop.
Passablement ému et ébranlé par tellement d’émotion, on est catapulté dans une ambiance jazzy sur « King of the dogs » , clin d’œil humoristique au passé de l’artiste avec les Stooges.
Le français revient miraculeusement à l’honneur avec « Je sais que tu sais » blues entêtant interprété en duo avec la française Lucie Aimé.
Les superbes effets mélodiques aériens de « Spanish coast » viennent atténuer la profondeur d’un texte si lourd qu’il vous en arracherait des larmes.
La guitare rock et quelques poussées d’adrénaline bien senties reviennent hanter « Nice to be dead » lui aussi incroyablement sombre.
Le trop froid et atmosphérique « How insensitive » lance « Party time » cynique à souhait avec ses faux airs de « Nightclubbing » revisité pour les années 2000.
Le blues le plus prononcé revient à l’honneur sur « He’s dead/she’s alive » puis sur le très folk « A machine for loving » tout en phrasé parlé.
On reste dans le rock teinté de blues avec « She’s a business » obsédant à souhait, avant de finir sur une version remaniée des « Feuilles mortes » qui n’apporte pas grand chose par rapport à la première si ce n’est une connotation plus jazz.
En conclusion, « Préliminaires » est assurément un album qui rend bien hommage à l’univers sombre et dépressif de Houellebecq et traite majoritairement du thème de la mort.
Musicalement il évoque le plus calme, introspectif « Avenue B » très belle parenthèse acoustique dont nous avait déjà gratifiée l’Iguane en 1999.
En réalité tout le disque repose sur la beauté et l’émotion pure véhiculées par la voix d’un Iggy Pop délaissant pour une fois son pesant personnage de chien fou à tendance exhibitionniste pour celui d’un artiste plus complet capable d’explorer des univers plus lointains du punk rock de ses origines.
Pour ma part j’ai été complètement séduit et bouleversé par la profondeur et la tristesse de ce disque, son coté dépouillé, sincère et absolument anti commercial jusqu’à par instant avoir envie de pleurer sur « Spanish coast » et « I want to go the beach ».
Vous l’aurez compris « Préliminaires » n’est pas un album de rock énervé, mais le genre d’œuvre qui vous font grandir, mûrir et surtout admirer encore plus un artiste en décelant en lui ses failles, ses questionnements et ses sentiments les plus profonds.
Pour tout cela bravo donc Monsieur Iggy !
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