Armaggedon rag (George R.R. Martin)
En fouillant dans mes archives j’ai découvert que je possédais un vieux roman de George R.R. Martin l’écrivain star du «Trône de fer » dans un registre moins connu, celui du fantastique avec « Armageddon rag ».
Sorti en 1983, « Armageddon rag » raconte l’histoire de Sandy Blair, écrivain soixante huitard américain, plongeant pour les besoins d’une enquête sur l’assassinat de Jamy Lynch ancien producteur de musique, dans l’univers musical de sa jeunesse, le hard rock des années 70.
Rapidement Blair pourtant arrivé à un certain statut social en tant qu’écrivain, plaque sa vie confortable et bourgeoise pour couvrir cette disparition pour le compte de Hedgehog, ancien magazine de musique contestataire, rangé lui aussi des voitures dans les années 80.
Le meurtre atroce et rituel de Lynch pousse Blair à chercher du coté du Nazgul, groupe légendaire des années 70 que produisait la victime, avant que l’assassinat de son chanteur Patrick Hobbins en plein concert en 1971, ne mette un terme à sa carrière.
A bord de sa fidèle Mazda, Blair se met à la recherche des anciens membres du Nazgul et commence par Gopher John, le brutal et surdoué batteur du groupe, devenu propriétaire d’une salle de concerts underground après l’échec de sa carrière solo.
Il trouve un homme en quête de respectabilité et peu enclin à évoquer son passé mais que la destruction par incendie criminel de son club, ébranle.
Blair rencontre ensuite le guitariste Rick Maggio devenu obèse et se produisant dans des clubs minables avec des formations de jeunes musiciens de quatrième zone.
Accro à la drogue et aux jeunes femmes, Maggio reste un instable et un écorché vif.
Reste ensuite le bassiste Peter Faxon, âme créatrice du Nazgul, qui semble le plus posé et épanoui des trois survivants avec une vie de famille stable.
Les témoignages des trois musiciens mettent Blair sur la piste d’Edan Morse, un producteur ayant cherché à reformer le Nazgul et pour qui Lynch, propriétaire exclusif des droits sur le groupe, représentait un obstacle gênant.
Morse semble nimbé d’une réputation assez inquiétante en raison de son appartenance à des milices paramilitaires anti système dans les années 60 avant d’être viré du mouvement en raison de ses visions et ses délires autour de rites de sorcellerie.
En enquêtant, Blair cherche à revivre le frisson de son passé et ses rêves de changer le monde dans un univers de rassemblements collectifs, de drogues et de musique rock.
Au moment ou il s’y attend le moins, Morse le convoque en envoyant à lui deux de ses employés, Ananda une magnifique Noire et Gort, un colosse de prêt de deux mètres vingt.
Peu à l’aise, Blair découvre un homme mystérieux, ambitieux gourou poursuivant l’idée qu’une reformation du Nazgul pourra changer le monde pourri dans lequel chacun évolue aujourd’hui.
Il devient néanmoins l’amant d’Ananda et entretient une étrange relation avec la jeune femme, aux idées elles-aussi révolutionnaires.
Morse a semble-t-il tout prévu et embauché Larry Richmond, un sosie de Hobbins, qui singe même sa façon de chanter, sans posséder toutefois la même puissance émotionnelle que le chanteur original.
Mu par la puissance de l’argent et un pouvoir de persuasion incroyable, Morse parvient à convaincre les musiciens de reformer le Nazgul, de répéter ensemble et d’enregistrer un nouvel album pour remettre sur les rails l’un des groupes de rock les plus mythiques qui ait vu le jour.
Blair est enrôlé dans l’aventure comme journaliste, chargé de créer le buzz avec ses contacts auprès des grands magazines musicaux.
L’écrivain accepte de suivre le groupe en tournée tout en restant intimement convaincu que Morse a fait tuer Lynch par l’effrayant Gort.
La tournée américaine débute dans une ambiance de revival 70 assez excitante, la Nazgul attirant sur son nom une foule toujours croissante.
Sur scène c’est une autre histoire et le groupe, vieilli et rouillé, peine parfois à convaincre, échouant même sur les nouveaux morceaux, que le public rejette massivement, préférant la musique des premiers albums, devenus cultes.
Richmond subit le plus la pression, en raison de son chant clairement inférieur à celui d'Hobbins, mais parvient étonnamment à se transcender sur les anciens morceaux, qui produisent toujours un impact fantastiques sur les foules.
Obsédé par son rêve, Morse pousse le Nazgul a refaire la tournée de 1971, passant dans chaque ville dans des salles toujours plus grandes.
Blair suit le mouvement, passionné et effrayé, voyant Maggio replonger dans la came, couchant avec Ananda tandis que Morse s’inflige à chaque performance du groupe de curieuses blessures au couteau qui mutilent sa chair.
Après un show hors du commun en plein air à Denver sous un orage monstrueux et des émeutes faisant plusieurs morts, vient l’ultime show de West Mesa, ou Hobbins trouva tragiquement la mort.
Mais Morse curieusement vidé de son sang, est retrouvé agonisant et craignant pour sa vie, cherche à présent à tout arrêter, ce qui déplait fortement à Ananda qui souhaite avec ferveur aller au bout du processus.
La jeune femme révèle sa vraie nature de leader fanatique, assassinant Morse, éliminant avec une relative facilité l’immense Gort et contraignant Blair à assassiner lui-même Richmond en plein concert afin de provoquer la fin du monde.
Perturbé par cette découverte, Blair fait mine d’accepter cette mission sacrée mais refuse in extremis, mettant ainsi en échec les rêves déments d'Ananda.
Rien ne se passe et le Nazgul peut donc continuer tranquillement une honnête carrière dans les années 80.
Blair fait fortune en écrivant un roman sur cette aventure, qui lui permet de tirer du pétrin un de ses amis de jeunesse, sous la coupe d'un père autoritaire, lui-même richissme écrivain de romans stupides et violents.
En conclusion, « Armageddon rag » est un roman original qui ne pourra que séduire les amateurs comme moi de hard rock ténébreux des années 70.
On pense bien sur très fort à Black sabbath pour le nihilisme, la contestation et l’appel au surnaturel, même si les références affichées lorgnent plus vers les Doors, Janis Joplin ou Jimy Hendrix, légendes maudites de leur époque.
L’autre facette très présente du roman est la nostalgie d’un homme pour cette époque ou les jeunes occidentaux voulaient réellement changer le monde et se battaient pour la liberté, la paix contre des valeurs comme l’argent, le matérialisme, la religion et l’armée.
Même si utopique, ce combat prend une résonance tout particulière aujourd’hui dans notre époque ou un Occident cynique, dévoué à l’argent, décadent spirituellement se heurte à un Orient plus ancré dans de rigides traditions.
Très développés au cours du roman, ces états d’âme ou cette quête un peu vaine d’un passé à jamais révolu et certainement enjolivé, peuvent parfois lasser ou irriter le lecteur lorsqu’une certaine répétitivité s’installe.
Impossible en revanche de ne pas partager l’amour de la musique mystérieuse sombre et violente, emplie de références à l’héroic fantasy que véhicule « Armageddon rag ».
Les scènes de concerts gigantesques avec une ambiance de communion quasi mystique que seule peut créer la musique, demeurent assurément la face la plus excitante d’un roman que je ne peux que recommander à tous les amateurs de rock et les fans de Georges R.R. Martin désireux de découvrir un autre aspect de son vaste talent.
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