Les Marquises (Robert Louis Stevenson)

Paru juste après sa mort en 1896, « Les Marquises » regroupe un ensemble de textes de Robert Louis Stevenson sur les iles de cet archipel polynésien au nord de Tahiti, appartenant à la France, près de l'endroit  ou l’écrivain, malade vécut les dernières années de sa vie.
Vivant parmi les populations locales, certes marquées du sceau de la colonisation mais encore emplies des vestiges des coutumes ancestrales, Stevenson décrit minutieusement les paysages des iles qu’il parcourt à bord de sa goélette appelée le Casco mais également via de multiples anecdotes la vie sur les Marquises à la fin du XIXieme siècle.
Stevenson surmonte le choc initial de la première rencontre : de la barrière de la langue et de l’aspect sauvage des premiers habitants qu’ils rencontre pour pénétrer un peu plus le monde polynésien et en découvrir certaines finesses : la générosité qu’elle soit réelle ou feinte et surtout la très grande part de la superstition dans la vie courante avec l’édification de lieux et de rites dits tabous (tapus) et  la peur des esprits des morts, venant hanter les vivants.
L’arrivée de l’homme blanc sur ces terres y a il est vrai complètement bouleversé les coutumes et rites ancestraux, abolissant notamment les tatouages, la danse et l’anthropophagie, expliquée avec une certaine distance par Stevenson par la nécessité de lutter contre les famines engendrées parfois par la surpopulation de la vie insulaire.
Stevenson dépeint donc une galerie de fonctionnaires ou religieux (frère Michel, évêque Dordillon) dont il loue les capacités d’adaptation au contact des indigènes dont les chefs de tribu ont été souvent reconvertis pour servir d’intermédiaires avec l’administration.
Plus rares, certains marins jetés sur les iles par choix ou coup du sort, choisissent de rester et s’y établissent comme planteurs ou commerçants, et finissent par adopter le mode de vie des autochtones.
Tout comme la superstition, la violence fait partie de la vie aux Marquises : elle s’exerce souvent vis-à-vis d’autres tribus insulaires contre lesquelles de courtes mais parfois sanglantes guerres explosent, mais également à l'intérieur du propre clan.
La seconde partie du livre est consacrée à la découvertes des Tuamatus, vaste archipel de 76 iles situé à l’est de Tahiti, pour la plupart inhabitées car trop sauvages.
L’auteur donne donc libre court à de belles descriptions de la faune et la flore de ces atolls perdus tels Fakarava aux allures de cartes postales.
Charmé, Stevenson y louera une maison avec sa femme sur l’ile de Rotoava.
Comme pour les Marquisans, il décrira ensuite les us et coutumes de Paumotus, déchirés entre religion catholique, mormone et puissante influence du spiritisme avec l’apparition remarquée des fameux « esprits siffleurs ».
En conclusion, dernier texte de Stevenson, « Les Marquises » est un récit de voyage quelque peu à part du grand écrivain écossais.
Plus que l’exotisme nécessairement enivrant à l’évocation des iles polynésiennes, « Les Marquises » propose une description de la vie en société des tribus polynésiennes à la fin du XIXime siècle avec un écartèlement bien compréhensible entre le « modernisme » apporté par l’homme blanc, souvent administrateur, religieux militaire ou entrepreneur, et la puissance des anciens rites tribaux qualifiés de sauvages.
Tout en prenant parti et en donnant son opinion sur certaines pratiques qu‘il trouve par trop barbares, Stevenson réussit malgré tout à conserver une certaine distance pour pénétrer le fonctionnement des sociétés polynésiennes, ce qui rend le témoignage de « Les Marquises » d’autant plus précieux.
Même si ce dernier recueil ne figure donc pas parmi les chefs d’œuvres du maitre, il se lit donc avec intérêt.


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