Lolita (Vladimir Nabokov)
L’année dernière quasiment à la même époque j’avais dégusté le « Narcisa » de Sebastian Shaw je me devais logiquement de m’atteler à l’œuvre l’ayant inspiré le fameux « Lolita » de Vladimir Nabokov.
Sorti en 1955 et victime de à juste titre selon moi d’une forte censure, « Lolita » raconte sous la forme d’un récit d’un français nommé Humbert Humbert, la confession d’une folle passion amoureuse d’un écrivain français d’une quarantaine d’années pour une enfant de douze ans, Dolores Haze, surnommé Lolita.
Issu d’un milieu aisé possédant un hôtel de luxe sur la Cote d’Azur, Humbert commence par une pénible justification de ce qui pour lui l’incline à aimer les très jeunes filles, en évoquant une amourette ratée avec une fillette nommée Annabel.
Traumatisé par le souvenir de ce premier amour contrarié, Humbert la suite de sa vie amoureuse comme un pénible cheminement avec des femmes adultes et fait preuve très tôt de son attirance coupable qu’il ne peut étancher qu’avec des jeunes prostituées.
Quitté par sa première femme, Valeria, Humbert saisit l’occasion d’un héritage aux Etats-Unis pour quitter sa vieille Europe natale.
Après quelques aventures ratées, Humbert décide de s’établir en Nouvelle-Angleterre, dans la petite ville de Ramsdale.
Il prend une chambre louée par une certaine Charlotte Haze, divorcée elle aussi qui a une fille nommée Dolores qui le séduit instantanément.
Fasciné par le corps de « nymphette » de la petite, Humbert ne tarde pas à l’épier et entame dans un torride été américain un trouble jeu de séduction qu’il se doit de cacher à sa mère.
Selon ses écrits, la petite répond favorablement à ses taquineries, ses œillades et ses attouchements légers.
L’écrivain prend l’habitude risquée de coucher par écrit ses émois quotidiens, tout en prenant soin d’enfermer le résultat de sa production dans un meuble fermé.
Gamine impertinente et capricieuse, Lolita est souvent en conflit avec sa mère qui finit par la place dans un camp de vacances, au grand désespoir d’Humbert qui perd ce qui est devenu son unique source de plaisir.
Après le départ de Lolita, Charlotte déclare son amour à Humbert qui accepte uniquement par désir de s’attacher davantage à Lolita.
En réalité, cette femme mure et grasse le dégoute car ne correspond pas du tout à ses critères déviants.
Mais quand elle lui apprend qu’à son retour, Lolita va être placée à l’Université de Beardsley ce beau stratagème s’effondre totalement. Près d’un lac, Humbert se sent alors de pulsions de meurtre qu’il ne peut assouvir par lâcheté.
La destin va prendre pourtant un autre tournant puisque Charlotte découvre le journal malsain de son mari et surtout toute la répugnance qu’elle lui inspire.
Prise d’un accès de folie, elle est renversée par une voiture en allant poster ce qu’on devine être des lettres de divorce et d’accusation de pédophilie.
L’occasion est trop belle pour Humbert, qui récupère Lolita à la sortie du camp, lui fait croire que sa mère est simplement malade et part dans une folle équipée à travers les Etats-Unis.
Le statut de beau père offre une frêle apparence de respectabilité à ce couple hors normes vis-à-vis de quelques questions embarrassantes et Humbert profite de ces longs tête à tête avec l’enfant pour la droguer, la manipuler et asseoir davantage son emprise sur elle.
Ils vivent dans des motels minables comme il en existe des milliers dans les petites villes des Etats-Unis et vont souvent au cinéma pour répondre aux exigences de Lolita, fasciné par le grand écran.
Jaloux et possessif, Humbert exige de tout savoir des expériences sexuelles avec une jeune fille et un jeune garçon au camp de vacances puis finit par lui révéler la vérité sur la mort de sa mère afin d’éradiquer pour de bon toute velléité de rébellion.
Cette cavale dure un an à travers la Nouvelle Angleterre, descend au Sud puis bifurque à l’Ouest jusqu’à atteindre les Rocheuses puis le Pacifique, remonte ensuite vers le Nord avant de revenir au point de départ pour se rendre à l’université de Beardsley dirigée par la rigide Mrs Pratt.
De cet long périple américain, Humbert ne retient que les grands espaces d’une beauté à couper le souffle, sans commune mesure avec la vieille Europe et les scènes de ménage avec sa chère protégée sur laquelle il veille jalousement en établissant des règles strictes visant à la tenir à l’écart des autres tentations éventuelles.
Mais le comportement étrange de ce père rigide va alerter Pratt qui va finir par le convoquer pour le pousser à quelques assouplissements nécessaires selon elle à l’épanouissement de Lolita comme aller à des boums ou participer au club de théâtre.
Puis sur un coup de tête, Lolita fait part à son désir d’arrêter l’université et ce couple atypique se retrouve à nouveau à écumer les routes des Etats-Unis.
La paranoïa de Humbert se traduit par la peur d’être suivi par un détective privé qu’il affuble du nom d’un de ses cousins européen corpulent, Gustav Trapp et dont la traque après la disparition de Lolita, internée à l’hôpital, deviendra obsessionnelle.
Sans Lolita, Humbert tente de trouver des substituts comme Rita, une adulte au physique gracile avec qui il vit quelques temps en couple à New-York puis reçoit finalement en 1952 une lettre de sa chère aimée, lui annonçant s’être mariée et avoir besoin d’argent.
Persévérant et armé d‘un colt, Humbert retrouve la trace de la jeune mariée enceinte comble du comble d’un rustre mécanicien manchot nommé Filler mais ne peut se résoudre à les tuer.
Il remporte sa haine contre Clare Quilty, un producteur de films avec qui il s'est enfuie et le tue dans son ranch après un dialogue houleux et une agonie aussi lente que douloureuse.
Finalement, Humbert se laisse prendre par la police mais meurt peu avant son jugement d’une crise cardiaque…
En conclusion, « Lolita » reste plus de soixante ans après sa sortie une œuvre sulfureuse dont les justifications permanentes de l’auteur en puisant des références dans l’Histoire ou même la Géographie sont absolument abjectes.
Difficile de ne pas voir au premier abord une éloge de la pédophilie puisque bien que se reconnaissant malade, Humbert tend à décrire une forme de consentement de sa proie, du reste soigneusement maintenue sous un conditionnement sévère.
Mais en creusant davantage on pénètre l’esprit d’un homme torturé, vivant en esclave de sa dépendance à cet amour obsessionnel.
Délire de pureté ? De fraicheur ? D’innocence ? Impossible à savoir précisément mais en tout cas très certainement déviance coupable à mon sens compte tenu des effets destructeurs même à retard, non évoqués sur le psychisme de la jeune femme.
Au-delà de son thème scandaleux, « Lolita » est aussi un road movie américain à travers l’Amérique profonde et un roman au style corrosif, unique souvent drôle et cruel.
Une œuvre donc assez inclassable que je ne saurais pour toutes les réticences évoquées plus haut qualifier de chef d’œuvre.
Commentaires
Enregistrer un commentaire