« Les sociétés militaires privées : nouveaux acteurs des relations internationales » (Emile Marie)
Sorti en 2013, « Les sociétés militaires privées : nouveaux acteurs des relations internationales » est un ouvrage d'Emile Marie, lieutenant-colonel de son état.
Le grand public l'ignore souvent mais la guerre est aujourd'hui une activité largement sous-traitée à des SMP (sociétés militaires privées), à 80% anglo-saxonnes.
Ainsi, en Afghanistan, 60% des troupes déployées par les États-Unis étaient des « contractuels » et non des soldats des armées régulières.
Si cette situation peut surprendre voir choquer en France, ou l'on assimile ces activités à du mercenariat, aux États-Unis et au Royaume-Uni, la position est toute autre.
Avec la réduction des budgets accordées aux armées, les militaires de ses pays ont en effet décidé de sous-traiter une partie toujours croissantes d'activités : en premier lieu la logistique, puis l'escorte de convois, la protection d'enceintes et de personnels à l'étranger, taches à la limite des compétences des forces de sécurité intérieure, puis des activités de plus en plus « pointues » au sens militaire du terme : conseil, formation, renseignement, déminage et opérations armées allant jusqu'à des assauts pour libérer des otages.
Ainsi, le toute puissant DOD, le Ministère de la Défense américain mais aussi de manière plus surprenante la CIA et la NSA ont recours depuis une quinzaine d'années à ces entreprises composées majoritairement d'anciens militaires, d'anciens hauts fonctionnaires ou même politiciens spécialisés dans les questions de sécurité, capable par leur expérience et leurs réseaux de répondre aux juteux appels d'offres.
Il est en résulté, une croissance exponentielle de sociétés comme Blackwater renommé Academi, Dyncorp, MPRI, CACI, Titan, Armor group, GEOS, G4S, Gallice, Risk & Co pour ce partager un marché estimé entre 200 et 400 milliards de dollars.
Étant donné leurs effectifs, leurs matériels et leur domaine de compétences souvent supérieurs aux armées nationales de petits pays, les SMP ne peuvent plus aujourd'hui être ignorée sur le plan des relations internationales.
Leur poids économique et politique leur permet de décrocher des contrats avec des institutions aussi prestigieuses que l'OTAN, l'ONU, l'UE, mais aussi avec des grandes firmes internationales implantées dans des zones à risques.
Le secteur maritime, touché de plein fouet par la piraterie dans le Golf d'Aden, a également été contraint de faire appel à leurs services en embarquant des hommes armés sur les navires afin de compléter les opérations de sécurisation opérées par les marines nationales.
Même les ONG ont recours à elle, avec cependant beaucoup plus de discrétion et de réticences.
Devenus incontournables pour soutenir des troupes déployées officiellement à l'extérieur, les SMP ont également leur utilité pour assurer une présence non officielle plus discrète, sous couvert de formation et d'assistance technique aux belligérants.
Irak, Afghanistan, Somalie, Libye, Azerbaïdjan, Afrique ou Amérique du sud, les terrains de jeu sont innombrables et le marché semble sans réelle limite.
Pour encadrer ce phénomène, plusieurs textes font référence, le document de Montreux, une charte juridique et de bonnes pratiques établie par le CICR et l'ICoC, un code de conduite international pour les entreprise de sécurité privées surveillée par un comité directeur appelé le TSC (Transnational Steering Comittee).
Paul Marie insiste longuement sur la différence marquée entre pays anglo-saxons et européens notamment français, ou les réticences ce type de sous-traitance sont plus importantes.
Mais face à la liste des avantages financiers et opérationnels que représentent leur usage, il estime que ces réticences ne tiendront pas longtemps.
En conclusion, « Les sociétés militaires privées : nouveaux acteurs des relations internationales » brosse un panorama structuré et édifiant de la situation...en 2013, tout en présentant un bilan trop peu nuancé à mon goût.
Si les SMP ont été déployées massivement sur des théâtres d'opérations « durs » comme l'Irak, l'Afghanistan ou la Libye : les résultats obtenus ont été un fiasco militaire avec l'émergence de l'Etat islamique, la résurgence des Talibans ou le chaos complet dans lequel s'entre déchirent des mafias claniques surarmées.
De manière assez paradoxale, l'ouvrage pointe la mortalité 4 à 5 fois supérieures des contractuels face à celle des armées régulières, mais n'en tire aucune conclusion sur un manque de préparation ou de connaissance de ses soldats.
La volonté d'intégration des troupes de SMP dans les schémas tactiques des armées laisse également rêveur, car comment ces soldats privés répondraient-ils efficacement à une hiérarchie autre que celle de leur employeur ?
Enfin, la nature d'une société privée étant le profit, comment considérer comme pérenne la position actuelle d'un inféodement à l'Etat d'origine ? Que se passerait-il si leur carnet de commandes venait à chuter ? Si une crise économique se profilait ? Les SMP ne seraient-elles pas tentées de trouver d'autres clients extérieurs pour conserver leur croissance ?
Toutes ces questions ne sont pas soulevées par le livre de Paul Marie qui doit pourtant savoir que par le passé des personnages aussi illustre que Machiavel ou Platon ont réprouvé l'emploi de mercenaires pour défendre les intérêts nationaux, car jugés peu fiables par rapport à des locaux défendant leur terre et leur famille.
Alors si l'usage de SMP a sans doute un intérêt dans la protection de biens et de personnes et les conflits de basse intensité, leur emploi pour des actions militaires de plus grande envergure est à considérer pour moi avec beaucoup plus de réserves, quand on voit les résultats mitigés obtenus malgré les millions de dollars dépensés.
J'en déduis également que les SMP sont un moyen commode pour masquer une situation et faire le « sale boulot » afin de sauver la face devant les institutions et les opinions publiques nationales friandes de « guerres propres ».
A elles donc les juteux contrats mais également les risques les plus élevés, dans une indifférence quasi
totale puisque leurs pertes ne sont pas comptabilisées dans les bilans officiels.
Être (très bien) payé pour mourir à la place des soldats réguliers en quelque sorte...
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