Delivrance (John Boorman)


 Sorti en 1972, « Délivrance » de John Boorman est un film que j’ai vu pour la première fois à l’âge de 12 ans et qui me traumatisa par la violence de certaines scènes.

Quelques années plus tard, je revis le film et pu évacuer le traumatisme pour le considérer à tête reposée selon sa juste valeur.

Tiré d'un roman de James Dickey, « Délivrance » raconte la ballade écologique d’une bande de quatre amis citadins, désirant descendre en canoë-kayak une rivière sauvage non loin d’Atlanta.

Cette bande se compose de Lewis Medlock (Burt Reynolds) leader et aventurier né, viril et sur de sa connaissance de la nature, Ed Gentry (Jon Voight), plus effacé père de famille mais malgré tout motivé par l’aventure, Bobby Trip (Nead Beatty), agent d’assurance petit, replet et peureux et enfin Drew Ballinger (Ronny Cox) le rêveur et guitariste de l’équipe.

La rivière allant prochainement être asséchée en raison de la construction d’un barrage, le groupe se hâte de trouver auprès des autochtones des conducteurs acceptant de leurs acheminer leurs véhicules à leur point d’arrivée en bas de leur destination.

Mais le contact avec les populations locales est pour le moins délicat, les hommes dépenaillés, sales et sauvages se montrant rétifs voir agressifs.

Pourtant l’autorité naturelle de Lewis parvient à prédominer et il trouve deux frères, les Griner pour faire contre finance la tache de convoyage demandée.

Le groupe se réparti en deux embarcations et la descente commence alors sur une rivière dotée de rapides plutôt dangereux.

A l’exception de Lewis, les hommes se comportent en amateurs, Drew oublie de mettre son gilet de sauvetage, Bobby se montre arrogant et geignard, quand à Ed, malgré sa bonne volonté, il se montre incapable de maitriser ses nerfs au moment de tuer du gibier à l’aide de l’arc de Lewis.

La première journée se déroule bien et les quatre hommes philosophent le soir au coin du feu avec Lewis qui défend l’idée d’un retour prochain aux sources et à une certaine animalité une fois la civilisation effondrée sur elle-même.

Mais le lendemain, un drame survient.

Ed et Bobby rencontrent deux chasseurs autochtones dans les bois.

Edentés, sales et inquiétants, les chasseurs se montrent rapidement agressifs et menacent les deux randonneurs de leurs fusil.

Forcé de se mettre nu et d’imiter le cochon, Bobby est violé dans la foret et Ed ligoté par la gorge à un arbre s’apprête à subir le même sort, lorsque Lewis surgit de la foret et décoche une flèche dans la torse d’un des chasseurs tandis que son compagnon édenté prend la fuite.

L’homme meurt en une lente agonie et un débat passionné prend alors place au sein du groupe : alerter les autorités et faire confiance à la justice comme le veulent Ed et Drew ou bien enterrer le corps pour effacer les traces du meurtre comme le veulent Lewis et Bobby ?

Finalement, Ed se range à l’avis de l’autre camps et il est décidé d’enterrer le chasseur dans la foret avant de poursuivre la descente de la rivière.

Malheureusement, le second chasseur décide de traquer le groupe, tue Drew d’une balle dans le ventre ce qui fait chavirer les deux embarcations prises dans de violents rapides.

Abrités sous des roches, les survivants comprennent que Lewis grièvement blessé à une jambe et en état de choc, n’est également plus opérationnel.

Après un nouveau débat, Ed prend son courage à deux mains et décide de gravir la roche abrupte surplombant leur cachette afin de surprendre le tueur et de le tuer à l’aide de l’arc de Lewis.

L’ascension d’une paroi aussi vertigineuse est une épreuve quasi surhumaine, mais pourtant Ed poussé par l’adrénaline et le souvenir des siens, trouve la force de se dépasser.

Arrivé au sommet, il s’endort épuisé pour trouver quasiment dans sa ligne de mire le second chasseur édenté.

Ed arme son arc mais sa main tremble à nouveau au moment de tirer.

Il décoche sa flèche au moment ou le chasseur lui tire dessus.

En tombant, il s’empale sur une de ses proches flèches qui lui déchire le ventre.

Alors qu’on pense que le chasseur va l’achever, l’homme titube, le corps percé de la flèche décochée par Ed.

Réagissant en tueur parfait, Ed descend le corps du chasseur à l’aide d’une corde avant lui-même de descendre difficilement en rappel.

L’homme est lesté et mis au fond de l’eau tout comme le corps brisé de Drew.

Ed et Bobby mettent dans une canoë, un Lewis blême de fièvre et terminent la descente ensemble tout en se mettant d’accord sur une version commune des faits oubliant les attaques dans la foret pour se concentrer sur la mort accidentelle de Drew.

Mais la police locale se méfie, d’autant plus que l’adjoint du sheriff est un cousin d’un des chasseurs disparus en foret.

Malgré les contradictions entre les deux hommes et les mensonges évidents, le shérif préfère conserver la tranquillité de sa région avant l’arrivée du barrage et ne relâche finalement le trio de survivants non sans leur demander de ne plus jamais revenir dans cette région des Etats Unis.

En conclusion, après toutes ses années, la puissance de « Délivrance » oscarisé en 1973 demeure intacte à mes yeux.

Impressionné voir terrorisé puis fasciné dans ma jeunesse par la violence du film, notamment une scène de viol sur homme, rarissime au cinéma, rappelant l’horreur insoutenable d’un « Irréversible » de Gaspard Noe, j’ai avec le temps changé mon point de vue sur ce film pour en découvrir les multiples niveaux de lecture.

« Délivrance » est pour moi un film anti-écologique, rappelant la dureté et la sauvagerie originelle de la nature.

Cette violence se manifeste par le biais des montagnards, véritables brutes dégénérées assouvissant en toute impunité leur bas instincts sans se soucier des conséquences.

Confrontés à cette réalité brutales, nos citadins voient leurs doux rêves de nature idyllique voler en éclat et réalisent leur état d’extrême vulnérabilité dans cet environnement non protégé.

Mais là ou Boorman se montre génial, c’est que ce n’est pas Lewis, l’homme des bois surentrainé, musclé et viril qui apporte la solution, mais Ed, le gentil citadin qui trouve en lui les ressources intime lui permettant de se révéler physiquement et mentalement à la hauteur de sa survie.

Obéissant à l’implacable loi du Darwinisme, Ed évolue, s’adapte, inhibe ses peurs pour retrouver son animalité enfouie.

On peut également noter outre les deux excellents rôles principaux donnés à Voight et à Reynolds, la qualité globale des rôles secondaires.

Beatty est parfait en citadin arrogant et faible, victime désignée des sévices, quand au plus effacé Cox, son duel de banjo avec un jeune autochtone trisomique virtuose, demeure un des moments forts du film.

Pour couronner le tout, Boorman allie la forme au fond, enveloppant cette sanglante aventure d’un climat mêlant splendeur de la nature américaine et brutalité terrifiante de tueurs aussi stupides que cruels.

« Délivrance » ou sans nul doute l’une des meilleurs films d’aventure/épouvante qui soit mais également une réflexion critiques passionnante sur le mythe aujourd’hui revenu en vogue dans nos sociétés polluées ultra libérales, du retour à l’état naturel, sensé être la perfection immaculée.


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