Le Maitre et Marguerite (Mikhaïl Boulgakov)


 « Le Maitre et Marguerite » est l’œuvre la plus connue de l’écrivain russe tourmenté Mikhaïl Boulgakov.

Œuvre douloureuse, réécrite à de nombreuses reprises sous l’emprise de la maladie entre 1928 et 1940, et censurée par le pouvoir soviétique, « Le Maitre et Marguerite » ne verra le jour qu’après la mort de son auteur et jouira a posteriori d’un statut culte.

L’histoire est à vrai dire complètement loufoque et emplie de surnaturel puisque un jour, deux hommes du milieu de l’édition le rédacteur en chef Berlioz et son ami poète Biezdommy, rencontrent un homme mystérieux dans l’été caniculaire Moscovite.

Cet homme, un magicien étranger du nom de Woland, est en réalité Satan en personne.

Rapidement, il sème la confusion par ses propos extravagants et prédit la mort de Berlioz qui périt effectivement décapité par un tramway.

Le rescapé Biezdommy tente de prévenir le club littéraire gouvernemental que présidait Berlioz (le Massolit) mais ses propos incohérents aboutissent à son internement en hôpital psychiatrique.

Une autre facette du récit se situe à Jérusalem dans le passé avec l’arrestation de Jésus Christ, son jugement et son exécution par le procurateur romain Ponce Pilate.

Boulgakov décrit avec une grande passion le monde antique en insistant sur le rôle de Matthieu Levi, l’ami juif de Jésus qui l’accompagna jusqu’au bout de son supplice sur la croix et détacha son corps pour l’enterrer dignement.

Mais l’intérêt principal de ce récit antique est de comprendre les hésitations et remords de Pilate, partagé entre son devoir d’éliminer un agitateur illuminé religieux bien trop populaire et la réelle attraction pour le pouvoir du Christ qu’il ressent dans les tréfonds de son âme.

Dans le Moscou des années 30, l’arrivée de Satan sous les traits d’un magicien provoque une agitation considérable.

Se faisant passer pour un artiste en quête de contrat, Woland manipule les humains pour s’installer dans un appartement maudit qu’il va coloniser avec ses auxiliaires démoniaques que sont le géant filiforme intarissable baratineur Fagot , le gros chat noir Béhémot aussi menteur que méchant, Azazello le maitre de la destruction et la sorcière Hella belle rousse aux ruses perverses.

Woland élimine les humains trop curieux ou simplement en travers de sa route comme les occupants de la maison ou les producteurs artistiques et s’arrange pour donner une représentation.

La représentation tourne au cauchemar puisqu’après avoir ôté puis remis la tête du présentateur, Woland et sa troupe font tomber des billets étrangers du plafond et offre des vêtements de luxe pour rendre hystérique l’audience moscovite incapable de résister à pareille tentation.

Tout bien entendu se termine fort mal avec l’intervention de la milice.

Le dernier axe du récit est la rencontre entre un écrivain maudit appelé le Maitre et une belle jeune femme mariée appelée Marguerite.

Leur liaison clandestine offre tous les attraits de la passion amoureuse même si le Maitre incapable de vendre à une maison d’édition son manuscrit sur Ponce Pilate en raison de la censure soviétique, bascule dans le désespoir et l’auto destruction.

Les amants se séparent, le Maitre souffre et se retrouve dans le même hôpital psychiatrique que Biezdommy mais Marguerite, incapable de l’oublier accepte un pacte avec Satan pour le retrouver.

Investie par des pouvoirs surnaturels, Marguerite devient une sorcière capable d’indivisible et de lévitation à des hauteurs défiant l’entendement.

Elle accepte de servir de maitresse de bal à Satan, au cours d’une cérémonie surréaliste ou le maitre du mal accueille toutes les âmes des plus grands et grandes criminelles de l’Histoire avec une prédilection pour les infanticides, empoisonneuses et voleurs.

En échange de sa remarquable prestation, Satan l’autorise à retrouver le Maitre et à l’emmener dans sa vie de disciple.

Malgré ses peurs, le Maitre saisit l’occasion et s’établit avec sa belle pour une vie pas tout à fait comme les autres.

La fin du récit montre l’inefficacité des méthodes policières pour arrêter Woland et ses sbires immortels mais permet surtout de faire le lien entre le présent et le passé en permettant, le pardon et la réparation du crime de Ponce Pilate, grâce à Satan sous l’impulsion du travail du Maitre échappant avec sa femme Marguerite à la destruction du monde.

En conclusion, « Le Maitre et Marguerite » est un roman réellement unique et difficilement classable.

Sa puissante dimension surnaturelle, sa bizarrerie imaginative et sa folie galopante, en sont pour moi les principaux attraits.

Jouant avec le lecteur en toute maestria, Boulgakov déroute, bouscule et charme par son talent de conteur.


Ainsi, les passages « sataniques » sont formidables, les auxiliaires du Diable, notamment l’impayable chat Béhémot capable de toutes les sournoiseries possibles en sont le principaux ressorts.

Mais le roman contient d’autres aspects plus profonds, notamment une description de la censure soviétique, avec de mauvais artistes qu’on encadre étroitement, le climat de suspicion et de paranoïa permanent par rapport aux contrôles de la milice, avec la crainte d’intrusion d’agents occidentaux venant corrompre par l’attrait du capitalisme la pureté des esprits russes.

Allant à contre courant de son époque, Boulgakov affirme une foi chrétienne personnelle marquée par la réhabilitation du bourreau de Jésus, le procurateur Ponce Pilate qui fait même assassiner le traitre Judas Iscariote ayant livré le messie aux romains.

Enfin, ce roman très riche laisse poindre outre les tourments de l’artiste maudit, une formidable histoire d’amour romantique bravant les interdits, le temps et l’éloignement et enfin la vie terrestre pour atteindre un absolu d’immortalité.

Il semble donc que Boulgakov se sachant condamné par sa maladie est mis tout son talent et son âme dans ce roman dense et fou.

Impressionnant.


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