Le tigre blanc (Aravind Adiga)

 


Vous le savez j’aime lire pour découvrir par le biais de la plume d’un auteur d’autres pays et culture aussi est-ce avec une grande curiosité que j’ai lu « Le tigre blanc » de l’indien Aravind Adiga.

Sorti en 2008 avec un succès certain, « Le tigre blanc » se présente sous la forme d’une lettre fictive envoyée au cabinet du premier ministre chinois par un homme d’affaires indien résidant à Bangalore, ville spécialisée dans la sous traitance principalement informatique des grandes entreprises du monde.

L’homme qui se fait appeler le tigre blanc se nomme en réalité, Balram Halwai et semble en réalité recherché par la police pour vol et meurtre.

A travers cette lettre, Balram va raconter son histoire au cours d’un long monologue.

Fils d’un conducteur de rickshaw, ces petits vélo taxi servant à transporter les gens, Balram est né à Laxmangarh, petit village pauvre du Rajasthan au nord ouest du pays.

Appartenant à une caste misérable, Balram vit dans ce qu’il appelle les Ténèbres, c’est-à-dire le mauvais coté de l’Inde avec la malnutrition, le manque d’hygiène, de soins et pire que tout la pression familiale d’une famille nombreuse.

Balram voit son père, un homme fier et honnête, mourir prématurément faute de soins et enrage contre la corruption généralisée qui gangrène son pays.

Son village est en fait régi par quatre grands propriétaires terriens affublés de noms d’animaux : la Mangouste, la Cigogne, le Sanglier, le Buffle qui exploitent une main d’œuvre misérable et achètent les politiciens pour ne pas être inquiétés par les autorités.

Les prochaines élections qui se profilent sont à ce titre révélatrices, avec un système électoral complètement biaisé, ou les candidats s’arrangent pour prendre les voix d’électeurs qui surtout ne se déplacent pas aux urnes, sous peine d’atteinte à leur intégrité physique.

Un jour lassé des perspectives désespérantes dans son village, Balram décide de tenter sa chance à Dhanbad, ville du nord est prospère grâce à ses mines de charbon.

Il apprend à conduire dans un garage et se fait alors embaucher comme chauffeur avec un mélange de culot et de chance par le fils de la Cigogne, Ashok, issu lui aussi du même village que lui.

A Dhanbad, Balram apprend en réalité la vie de domestique et doit se soumettre à tout ce qu’ordonne ses maitres : laver les pieds de la Cigogne, faire le ménage, attendre pendant des heures avec les autres chauffeurs en lisant des pulps indiens et surtout survivre à la circulation anarchiques des grandes métropoles indiennes.

Il y reçoit en échange une nourriture abondante, un endroit pour dormir et de bons traitements, ce qui en Inde demeure précieux.

Bien que soumis à la féroce concurrence des autres chauffeurs comme Ram Persad, Balram gagne peu à peu la confiance de ses maitres et pénètre le monde d’Ashok, jeune homme manquant de la dureté d’un grand propriétaire et marié à une américaine, qui influence fortement sa façon de voir l’existence.

La femme appelée Pinky Madam, a du mal à s’acclimater à la vie indienne et provoque de fréquentes scènes de ménages que Ashok tente maladroitement d’apaiser.

Le jeune chauffeur s’émancipe également de l’influence familiale, refusant d’obéir à son acariâtre grand-mère qui lui demande de se marier et gardant l’argent qu’il est sensé lui envoyer.

Puis il saisit une occasion inespérée d’accompagner Ashok et sa femme à la capitale, New Delhi, en écartant au passage le chauffeur numéro un, Ram, après avoir découvert sa confession musulmane qu’il tenait à garder secrète.

A Delhi, les problèmes de circulation sont encore pires, Balram ne pouvant se fier aux panneaux indicateurs se perd souvent et doit éviter les foules de sans abris traversant sans prévenir les routes encombrées.

Il comprend que ses patrons sont sur place pour soudoyer des politiciens en vue des futures élections et de tirer leur part du gâteau une fois la victoire du candidat choisi acquise.

Mais la vie dans la capitale permet au jeune homme d’acquérir de nouvelles expériences : s’initier aux petits trafics des chauffeurs qui en cheville avec des garagistes malhonnêtes (un pléonasme ?) facturent des réparations fictives à leurs maitres, se muent en taxis sauvages entre deux pauses ou récupèrent des bouteilles de whisky qu’ils revendent à prix d’or.

Balram découvre l’alcool fort, le dentifrice, les centres commerciaux ultra modernes, les hôtels de luxe, les prostituées et goute comme beaucoup d’indiens la beauté des Népalaises à la peau claires et aux yeux bridées.

Pourtant un incident va venir altérer cet équilibre, Pinky madam ivre va vouloir prendre le volant et va percuter un jeune sans abri.

Terrorisée par les conséquences possibles, la famille de la Cigogne va alors faire pression sur Balram pour qu’il endosse la responsabilité du crime.

Coincé en raison des pressions sur sa famille restée à Laxmangarh, Balram voit alors son avenir basculer pour passer par la case prison avant que ses patrons n’estiment que son sacrifice n’était pas nécessaire.

Les relations se dégradent alors profondément entres les époux Ashok et Pinky madam quitte son mari pour rentrer aux États-Unis et demander le divorce.

Brisé par le chagrin et le déshonneur, Ashok part lentement à la dérive, déprimant, buvant énormément, fréquentant une prostituée ukrainienne aux cheveux blonds fascinant Balram avant de renouer avec une ancienne maitresse.

De son coté Balram intimement de plus en plus révolté contre sa condition, se cultive dans les marchés aux livres, échafaude des théories de plus en plus révolutionnaires, la plus brillante d’entre elles étant celle de la cage à poules, enfermant le peuple indien dans une prison ou personne ne réfléchit ni ne cherche à se révolter contre le fermier qui vient chaque jour supprimer quelques individus et obliger le reste à vivre dans la souillure.

L’idée de tuer son patron prend également forme dan son esprit mais l’arrivée de son jeune cousin Dharam, envoyé par sa famille pour se former et apprendre à métier à ses cotés, retarde l’exécution du projet.

Pourtant Balram passera finalement aux actes, tuant Ashok sur une route isolée en lui enfonçant une bouteille de verre cassé dans la gorge.

Il vole également une importante somme d’argent destiné à corrompre les nouveaux politiciens socialistes fraichement réélus et s’enfuie avec Dharam par le train.

Après avoir échappé aux recherches forcément imprécises dans un pays aussi grand et mal organisé que l’Inde, Balram s’établit à Bangalore, utilise son argent pour corrompre la police et investit dans une société de voitures capable de véhiculer à tout moment les nombreux employés des entreprises indiennes travaillant en horaires décalés pour répondre aux attentes de leurs clients occidentaux.

Seul vestige de son passé modeste, sa manière de bien traiter ses chauffeurs et de veiller à indemniser la famille d’une victime d’un accident mortel.

Pour le reste, Balram devient donc un puissant homme d’affaires, une anomalie, un tigre blanc ayant brisé les codes, forcé les portes pour se trouver une destinée.

En conclusion, « Le tigre blanc » est un roman puissant et particulièrement instructif qui vous aidera à décrypter les mécanismes internes de l’Inde du XXI ième siècle, par certains aspects particulièrement développée en raison de la qualité de son enseignement scientifique mais toujours prisonnière de ses vieux démons : inégalités sociétales dues au système de castes et surtout corruption à tous les étages des politiciens qui paralyse le développement des zones les plus pauvres qui n’ont pas accès à l’eau, l’électricité, la santé ou l’éducation et végètent dans un tiers monde résigné telles des poules prisonnières dans une cage.

Même si la langue d’Adiga n’a rien en elle de particulièrement remarquable, l’originalité du roman et surtout la volonté du héros de briser le sort qui l’accable (même par le crime d‘un patron finalement aimé) en font toute la force.

A lire donc pour les plus curieux d’entre vous…


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