Kéro, un reportage maudit (Plinio Marcos)


 Retour vers les écrivains brésiliens avec « Kéro, un reportage maudit » de Plinio Marcos, l’enfant terrible de la littérature brésilienne.
Publié en 1976 sous les années de la dictature, ce court roman aussi explosif qu’un baril de TNT, met en scène le jeune Jeronimo da Piedade, fils d’un inconnu et d’une prostituée de Santos qui  fauchée a finalement décidé de mettre fin à ses jours en ingurgitant du kérosène.
Marqué par le destin de sa mère et affublé du surnom qu’il abhorre de Kéro, l’enfant est recueilli par Violeta la maquerelle du bordel qui l’élève en le tabassant ré

gulièrement.
Un jour Kéro ne supporte plus ces traitements et se rebelle, frappe durement Violeta et quitte le bordel après l’avoir laissé quasiment pour morte.
Il erre alors comme tant d’autres enfants dans les rues finit par rejoindre la bande de Tainha, un caïd local qui règne sur les trafic du port.
Mais Tainha comme tant d’autres finit par le balancer après une affaire embarrassante ou la petite bande dépouille un pédé gringo avant de s’apercevoir qu’il était officier de la Marine anglaise.
Acculé par les flics, Tainha donne Kéro qui se retrouve mis à la prison pour enfant appelé la Corrida.
La bas, malgré ses airs de petit dur et une violente morsure à un autre détenu Cocacda qui s’était moqué de lui, Kéro subit la loi de la meute et se fait cruellement violer en cellule avec la complicité passive des gardiens.
Il découvre que dans ce monde de fauves incarcérés, l’homosexualité est la norme.
Humilié et meurtri, Kéro développe un intense sentiment de haine et rêve de s’acheter un pistolet pour pouvoir se venger en tuant un à un ses bourreaux.
Lorsqu’un vieux maton lui fait des avances, il ne le supporte pas et plante l’homme d’un coup de couteau puis s’enfuit, se cachant pour survivre.
En cavale, épuisé et affamé, Kéro utilise Nana, un travesti qu’il connait vaguement pour se refaire.
Mais toujours ulcéré par les avances d‘autres hommes, il finit par tabasser très violemment Nana et part après l’avoir dépouillé ce qui lui permet de vivoter pendant quelques temps et même lui donne l’impression de voir un semblant de salut en fréquentant une Noire appelé Gina de Oba et le père Bilou d‘Angola, un maitre de candomblé.
Malheureusement le destin semble s’acharner sur Kéro qui perd une partie de billard contre un Brandon, grand Noir flambeur et agressif.

Fauché et menacé, Kéro est alors alpagué par deux policiers ripoux, Diable blond et Nelson, un ancien boxeur poids lourd, qui le rackettent et embarquent Brandon pour bien lui expliquer qui a le pouvoir dans la rue.
Dès lors, Kéro sait qu’il n’a plus aucune issue si ce n’est de tuer ses bourreaux…
Il profite alors de la venue de Zoulou, un jeune Noir balance de prison qui vient le narguer de sa réussite de petit trafiquant, pour lui dérober son arme et le tuer, restant sourd à ses supplications.
Gonflé d’une puissance nouvelle, Kéro achète des balles auprès d’un marchand véreux et traque les deux policiers qu’il abat après une folle fusillade dans un bar.
Mais blessé à la jambe et à l’épaule, il sait que seul il n’a aucune chance de survie.
Kéro se traine alors dans la foret et prend de la marijuana pour tenter de faire baisser le seuil de la douleur.
C’est à ce moment, en plein délire qu’il a un dialogue avec un journaliste nommé Tintin qui enregistre son histoire sur un magnétophone.
Finalement Tintin part et ce qui doit arriver, arrive, Kéro est rattrapé par la police et abattu non sans avoir crânement vendu sa peau.
Seul Gina et Bilou le pleureront un peu…
En conclusion,  même si après avoir déjà lu beaucoup de romans durs, « Kéro, un reportage maudit » restera parmi l’un des plus difficiles en raison de son extrême violence et surtout de son absence totale d’espoir.
Le court et violent destin de ce gosse des rues frappé par la malchance est sans doute celui de tant d’autres petits Brésiliens, qui deviennent des animaux sauvages pour survivre dans une jungle urbaine peuplés de trafics et d’embrouilles.
La loi du plus fort donc, à défaut du plus malin, les sévices et les viols en prison, la corruption de flic ripoux mettant sous tutelle les petits voyous comme lui et prompts à les liquider comme si ils ne comptaient pour rien dans la société.
Avec son style brutal comme une bagarre dans une ruelle défoncée, « Kéro, un reportage maudit » ne constitue pour moi qu’un long cri, qu’un long appel au secours…qui éprouvera les plus délicats d’entre vous en les entrainant vers une spirale non stop de violence et de misère.


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