Feuilles d'herbes (Walt Whitman)

 



Ma passion pour la littérature demeurant intacte, c’est avec un grand plaisir que je vais chroniquer ici « Feuilles d’herbes » le recueil de poèmes de Walt Whitman, grand poète américain du XIX ième siècle que j’ai connu comme principale source écrite de la Guerre de Sécession.

Regroupant en dix sept chapitres, une centaine de poèmes écrits entre 1855 et 1891, « Feuilles d’herbes » se lit d’une traite et permet d’appréhender de manière globale la pensée du poète au travers du développement de ses thèmes favoris.

On retrouve donc en tête de liste la fascination pour la Nature, source d’émerveillement et d’inspiration quasi constante pour Whitman, qui a une vision très large du Monde, des êtres qui l’habitent allant même jusqu’à envisager le cosmos dans sa globalité.

Fort logiquement, ses chers États-Unis qu’il ne quitta jamais prennent la première place avec une prédilection pour le Sud ou il vécu et son quartier de résidence à New-York : Manhattan et sa marée grouillante d’humanité.

Outre la description de la beauté des paysages et du miracle de la vie, Whitman développe l’idée générale que tous les hommes sont ses frères, y compris ceux les peuples réputés « primitifs » très éloignés de sa vie aux États-Unis.

Cette prise de position dans une Amérique prônant encore à l’époque l’esclavage et une très forte ségrégation raciale est importante et classera indéniablement le poète du coté de l’armée nordiste, par nature abolitionniste lors du conflit de la guerre de Sécession.

Whitman aime donc la vie, les hommes mais ses écrits relatent plus qu’une simple constations de la beauté du Monde qui l’environne, y voyant une unité logique, un continuum permanent s’exerçant depuis l’aube de l’humanité et aboutissant à l’immortalité des âmes par nature transcendant leur fragile enveloppe corporelle.

Un autre axe de l’émerveillement de Whitman est constitué de son gout pour la technologie et particulièrement l’essor industriel du XIX ième siècle avec les navires et autres trains à vapeur qui révolutionnent le mode de vie des américains.

Whitman est passionné par le progrès et les techniques qui se développent, consacrant plusieurs poèmes au savoir faire manuel ou à des outils aussi symboliques que la hache.

Mais le talent du poète explose davantage dans la partie la plus militaire de son œuvre consacrée à la Guerre de Sécession avec une fascination marquée pour la symbolique de l’Armée : uniformes, drapeaux, tambours s’exhibant dans de spectaculaires parade à Broadway.

Cette fascination toute patriotique qui s’exprime aussi bien dans la guerre d’indépendance des Etats-Unis contre l’Angleterre, mais aussi dans la fierté des New-Yorkais pour leurs soldats, finit par voler en éclat lorsque Whitman découvre l’horreur des champs de bataille de la Guerre de Sécession.

Engagé comme infirmier, Whitman secourt les blessés et assiste à des scènes atroces qui donneront lieu à ses poèmes les plus forts émotionnellement.

Éprouvant une réelle empathie pour les soldats tués ou agonisants, Whitman finit par rejeter le principe de la Guerre embrassant Sudistes comme Nordistes unis dans la même souffrance qui détruit et traumatise les familles américaines.

Ses soldats morts le suivront à jamais, revenant au seuil de la fin de son existence, hanter ses rêves jusque dans la majesté des paysages américains.

C’est fort logiquement la mort qui occupe une place de choix dans la fin de l’œuvre de Whitman, la mort car régissant au final toutes les choses, avec cependant un message d’espoir délivré par cet éternel optimisme : l’âme immortelle survit et fait partie du grand tout constituant l’Univers, tandis que la Nature dans sa sublime organisation s’arrange pour convertir la matière pourrissante en un nouveau cycle de vie.

En conclusion, « Feuilles d’herbes » est un ouvrage hors du commun permettant de se connecter à travers les siècles à un esprit d’une intelligence et d’une sensibilité précieuses.

Un peu agaçant dans son exaltation béate face aux miracles de la Nature, Whitman se montre irrésistiblement séduisant dans la partie la plus profonde de son œuvre, qui mêle profonde empathie pour la souffrance d’une jeunesse saccagée et réflexions d’ordres philosophico-mystique sur le réel sens de l’existence.

Impossible donc de ne pas plier un genou face au talent impérissable de cet homme, capable d’émouvoir voir de bouleverser.

En 2020, « Feuilles d’herbes » reste donc comme tous les chefs d’œuvres, incontournables.

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