Envoie-moi au ciel, Scotty (Michael Guinzburg)


 


Écrit en 1993 et publié beaucoup plus tard en France, « Envoie-moi au ciel, Scotty » est le premier roman de Michael Guinzburg, écrivain américain au passé tumultueux et revêt pour moi un attrait particulier puisque fut l’un des premiers romans que je lus en 1999 à la faveur d’un retour très marqué vers la littérature.

En replongeant dans ce livre lu pendant ma jeunesse, je me suis dit que je devais certainement être très révolté au fond de moi pour m’aventurer sur des rivages aussi sombres.

Aujourd’hui, quinze après je le suis sans doute moins.

« Envoie moi au ciel, Scotty » est un roman largement autobiographique racontant la vie de Ed, un ex accro aux drogues dures principalement le crack qui a détruit sa vie, qui tente de retrouver le chemin de la rédemption.

Ex reporter talentueux, Ed s’est vu peu à peu grignoté par l’alcool, l’herbe puis finalement la cocaïne et le crack, drogue du pauvre particulièrement destructrice nommée familièrement Scotty par la communauté junky de New-York.

Après la perte de son travail, Ed a également perdu sa femme stripteaseuse Michelle, partie sans laisser d’adresse avec ces deux fils Matt et Jeff et s’est retrouvé dans une situation de grande détresse qui a provoqué en lui l’électrochoc nécessaire pour entamer une thérapie.

Parrainé par Myron, un travesti mal dans sa peau, Ed s’est donc inscrit à la DDA, Drogues Dures Anonymes, association visant par le suivi de préceptes simples édictés par deux anciens toxicomanes, un catcheur et un agriculteur à trouver l’apaisement avec soi-même et à se prouver que la vie sans drogue vaut la peine d’être vécue.

Mais derrière les paroles pseudo zen et les bonnes intentions se cache une lutte d’une férocité inouïe avec lui-même pour ne pas replonger, pour retrouver sa femme, ses enfants.

De manière assez peu étonnante, Ed choisit la voie de la violence pour exorciser ses démons intérieurs, abattant un par un des dealers proche de son proche.

Il débute par l’afro-américain Flaco qu’il tue en lui plantant une pipe à crack dans l’œil, dérobe ensuite son pistolet Glock, son l’argent et son bull-terrier particulièrement féroce appelé Natacha.

Tandis que la face sombre d’Ed assouvit ses pulsions de haine et de vengeance, zigouillant les dealers au fil des opportunités, sa face plus positive lui permet de faire la connaissance de deux autres ex toxicomanes, Rachelle superbe brune nymphomane gagnant sa vie comme dominatrice sadomasochiste et Frank, ex policier qui adhère aux principes disons plutôt radicaux de traitement du mal par le mal.

On découvre la jeunesse dramatique du pauvre homme, son père alcoolique en proie à de terribles crises de démence le soumettant à de terribles humiliations avant un beau jour de se tirer une balle dans la tête, mais surtout une adolescence tourmentée, souffre douleurs de fils de riches qui une nuit s’acharnèrent sur lui à l’humilier, le torturer en le blessant aux testicules.

On comprend un peu mieux à la découverte de cette horreur américaine, la haine de Ed et ses pulsions de violence qui l’amènent à faire mordre à mort par son chien un colosse noir américain gérant une shooteriez ou séjournait son ami photographe Kenny, à exécuter une dealer pédophile à Central Park et un autre dealer afro bègue rencontré au hasard d’une rue.

Les journaux commencent certes à s’intéresser à ce tueur de dealer mais ceci n’empêche pas le processus meurtrier déchainé dans les entrailles de Ed.

La tension croit même encore d’un cran lorsqu’il apprend l’inimaginable, sa femme Michelle devenue droguée, prostituée, vivant avec un mac afro appelé la Confiance qui a déjà fait de ses enfants de jeunes toxicomanes déjà incontrôlables.

Ed parvient de justesse à extraire par la force ses enfants à cet enfer en les expédiant chez leurs grand parents.

Le problème de la toxicomanie infantile est abordé au travers de la rencontre avec Clarence, un jeune noir dealer à douze ans, que Ed remet dans le droit chemin après l’avoir sérieusement menacé et dépouillé.

Devenu sans inhibition, Ed retrouve son bourreau du collège, un richissime héritier nommé Hunter Lodge lui aussi dépressif et drogué, et après de nombreuses hésitations finit par l’abattre sans remord.

Alors que les doutes de Frank ne font que croitre quand aux activités nocturnes de son ami, Ed croit retrouver Michelle un court instant pour la reperdre aussitôt, en vertu de son attraction fatale pour la drogue.

Lorsqu’il comprend que la Confiance se rend aux réunions de DDA ou il se présente bien sous tout rapport pour attirer à lui de jeunes filles paumées, Ed décide de passer à l’action, sauve in extremis sa femme violée et shootée à mort avant de laisser l’horrible dealer salement mutilé à vie au niveau du bas ventre.

Mais finalement après avoir accompli enfin une belle action en donnant une belle somme d’argent à Myron pour partir au Danemark refaire sa vie en femme, ce qui devait arriver arriva et Ed se fait coincer par Rachelle jalouse à mort d’avoir été abandonnée et Frank tenaillé par ses vieux réflexes de flic.

Il est incarcéré, purge une longue peine de prison pour ses crimes tandis qu’autour de lui, ses proches de sortent du tourment de la drogue, Michelle épousant Frank, Kenny et Clarence adhérent à l’association.

Assez étrangement, Ed qui semble avoir accompli l’essentiel de son parcours initiatique trouve en prison l’apaisement en se plongeant dans la lecture et l’étude approfondie de la méthode qui lui a été enseignée à la DDA.

En conclusion, « Envoie-moi au ciel, Scotty » a toutes les caractéristiques du roman coup de poing, du hurlement d’un homme pris aux tripes qui a des choses à dire et se livre sans fards.

Impressionnant de violence jusqu’à l’insoutenable avec les cruelles mutilations dues à un chien, « Envoie- moi au ciel, Scotty » se caractérise par un style puissant, vif, riche et parfois empreint d’humour noir.

Difficile donc de ne pas succomber à ce voyage vers l’extrême dans le monde sans foi ni loi des accros au crack, fléau mondial détruisant les couches les plus pauvres de la société et de ne pas trouver touchante la détermination parfois par son désespoir d’un homme blessé par la vie, d’un perdant cherchant gauchement une porte de sortie dans un monde pourri.

Bien entendu la vision de New-York surnommé Crack-city est cauchemardesque, déprimante à souhait avec des enfants sans avenir manipulés par des dealers au nom de l’argent facile et de la loi du plus gros flingue.

Malgré les quelques hoquets que peut provoquer sa lecture, « Envoie-moi au ciel, Scotty » est le parfait livre témoignage pour comprendre le processus de désagrégation et de déchéance des individus et demeure même 20 ans après sa découverte toujours une sacré droite dans la gueule.

Chapeau Mr Guinzburg !

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