Steve Jobs (Walter Isaacson)


 L’heure est venue de se pencher sur la biographie d’un de pères de l’informatique « grand public » avec « Steve Jobs » de Walter Isaacson, l’un des rares journalistes en qui le PDG d’Apple avait suffisamment confiance pour lui confier la tache délicate de le raconter peu avant sa mort en 2011.
Dans ce gros pavé de plus de 600 pages on découvre les débuts dans la vie de Steve, fils d’un père Syrien et d’une Américaine, qui ayant bravé les interdits de leurs familles respectives, refusent de l’élever et le confient à une famille d’accueil de San Francisco, les Jobs.
Son père Paul Jobs, bricoleur et mécanicien de génie a une influence sans doute importante dans le développement de son fils Steve qui se démarque rapidement par sa volonté d’apprendre.
Jobs grandit dans ce qui est en train de devenir la Silicon valley des années 60, région alors en plein développement de l’électronique, marché dopé par les investissements de l’armée américaine.
Tous ses voisins sont ingénieurs ou presque et initient le curieux Steve au plaisir des radios et autres microphones.
Étudiant brillant mais marqué d’un fort esprit de contestation, il lâche ses études à l’Université de Reed, pour partir un an en Inde s’initier au bouddhisme zen.
Il en revient changé en hippy, arrête de se laver, marche pieds nus et pratiquera toute sa vie une rigoureuse ascèse alimentaire faite de régimes végétariens et de jeunes sévères.
Féru d’expérimentations, Jobs goute aux drogues et écoute beaucoup de rock : Bob Dylan étant son idole absolue devant les Beatles et les Rolling stones.
Son passage chez Atari lui permettra de rentrer dans le monde alors balbutiant de la micro-informatique mais sa rencontre avec Steve Wozniak, génial développeur informatique est elle décisive, puisque l’association des deux hommes s’avérera la formule gagnante.
Alors Wozniak a déjà un travail chez Hewlett-Packard, les deux hommes décident de créer le premier PC en bricolant des circuit électroniques dans leur garage.
Le mythe prend alors forme car si Wozniak est un ingénieur de génie, il lui manque la vision du design accrocheur et le sens implacable des affaires de Jobs.
Jobs prend alors naturellement les commandes et crée en 1976 la société Apple pour commercialiser les premiers ordinateurs dotés de claviers.
Le succès est alors en rendez-vous et la société décolle.
Mais le coup de génie de Jobs consiste à « emprunter » les technologies graphiques d’un centre de R&D de Xerox pour développer en 1984 le premier Macintosh considéré comme le début de l’ère des PC.
Jobs se détache alors de son vieil ami qui n’a aucun attrait pour le pouvoir, se démarque par un perfectionnisme maniaque, par une volonté de tout contrôler et par un caractère ombrageux le rendant souvent invivable pour ses proches collaborateurs.
Mais son attrait pour l’art contribue à donner une originalité à ses produits qui lui permettent d’oser ce que son principal concurrent, Bill Gates, PDG de Microsoft ne possède pas.
Pourtant, Microsoft développera des logiciels pour le Mac, mais la première brouille interviendra à la sortie de Windows 2.0, considéré en raison de ses propriétés graphiques comme une spoliation par Jobs.
Pendant toute la biographie, l’opposition entre Gates et Job se distingue. Le premier est un homme pondéré issu d‘une riche famille, pragmatique, partisan de créer des logiciels pouvant s’installer sur n’importe quelle plateforme matérielle, le second se voit comme un artiste visionnaire voulant créer de machines uniques et fermées.
Pourtant le caractère difficile de Jobs va le conduire à se faire évincer d’Apple, alors en perte de vitesse.
L’homme orgueilleux vit mal sa mise à l’écart et crée une nouvelle société informatique appelée NeXt qui fait un flop mais lui permet de faire développer un nouvel OS le NeXSTEP, qui sera repris ensuite pour créer le Mac OS X d’Apple lorsque la société la rachètera en 1996.
Ce n’est donc pas avec NeXt que Jobs se « refait » dans le monde des affaires mais avec l’idée particulièrement avisée de racheter Lucas film, la branche effets spéciaux du célèbre cinéaste pour créer Pixar.
Spécialisée dans les films d’animations, Pixar va tout d’abord travailler pour Disney puis ensuite forte des succès colossaux de Toy story, des Indestructibles, de Cars et autre Le monde de Nemo, prendre le contrôle de Disney animation.
Il peut donc revenir en conquérant chez Apple et reprendre la direction d’une entreprise moribonde bouffée par ses concurrents sans son âme créatrice.
Toujours aussi porté sur les designs et les innovations audacieux, Jobs connaitra d’autres succès colossaux avec le Ipod qui révolutionnera le monde de la musique puis le I-phone, qui battra à plate couture ses rivaux par son écran tactile multi-touch et la possibilité de rajouter des Apps, ses petites applications souvent ludiques, jusqu’à ce que Google ne vienne le concurrencer avec Android et enfin les Ipad.
Mais plus que les hauts et les bas de la vie tumultueuse d’un créateur et d’un homme d’affaires qualifié de visionnaire, la biographie insiste sans fard sur les zones d’ombres de la personne : son refus de reconnaitre son premier enfant Lisa qui élevée sur la cote Est par sa mère deviendra une écrivaine à succès, son rejet de son père biologique, son arrogance, son comportement irascible et souvent humiliant…
Il semblerait que Laurene, sa dernière femme lui ait apporté l’apaisement nécessaire avec la naissance de 3 enfants.
Enfin la lutte de Jobs contre le cancer du pancréas, finalement perdue en 2011 après une ablation partielle de cet organe puis une greffe de foie, rappelle toute la fragilité des simples mortels face à un destin souverain.
En conclusion, « Steve Jobs » est un ouvrage exhaustif, parfois trop à mes yeux, pour tout connaitre de A à Z sur la vie d’une des plus grands industriels de l’ère moderne.
La personnalité, le charisme, le sens du spectacle et de l’esthétisme conduisent cependant à mes yeux à surestimer Steve Jobs, qui n’était pas un scientifique ni même un programmeur…
Jobs a sans doute révolutionné la vie des gens en créant le premier PC mais ceci reste pour moi du domaine de la grande distribution et ne le place pas au rang des plus grands savants, philosophes, artistes ou scientifiques de l’Humanité.
Et lorsque en plus on découvre le coté pile de l’individu, on est peu enclin à l’empathie envers un homme qui se sachant malade, n’a en rien infléchi son mode de fonctionnement et sa vision tronquée de la réalité.


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