Latitude zéro, 40 000 km pour partir à la rencontre du monde (Mike Horn)


 Très médiatique aujourd’hui en France en raison notamment de ses émissions sur M6, l’explorateur-aventurier d’origine sud africaine Mike Horn a attiré mon attention, c’est pourquoi j’ai lu avec curiosité « Latitude zéro, 40 000 km pour partir à la rencontre du monde » qui relate son incroyable aventure qui durant 17 mois l’amena à faire un tour du monde sans aucune motorisation le long de la ligne de l’Equateur avec une marge autorisée de 40 km.
Déjà aguerri par des aventures précédentes en Amérique du sud, Horn qui a 33 ans à l’époque débute son périple par un prélude complètement fou pour aller récupérer son trimaran  Latitude 0 à San Diego (Californie).
Après avoir bénéficié de généreux sponsors, dont Sector, Opel, Kuhne & Nagel, ainsi que des fonds accordés par un ami Suisse Marco Landolt, Horn et son frère Martin, courent contre la montre pour pouvoir acheminer en camion le voilier jusqu’au port de Miami.
Ils roulent jour et nuit, manquent de finir en prison et finissent avec un culot et une détermination monstres à forcer le destin pour faire embarquer le navire démonté dans un conteneur en direction du Gabon d’où ils comptent débuter leur voyage.
Se reconnaissant lui-même comme marin débutant, Horn affronte seul l’Océan atlantique et apprend sur le tas à manipuler ses voiles (foc, gennaker, grande voile) et écouter les signes annonciateurs d’un brusque changement climatique.
Se reposant seulement sur un GPS, un pilote automatique, une radio et un ordinateur se rechargeant à l’énergie solaire, Horn encaisse ses premières terribles enquêtes, fait des erreurs qui auraient pu lui couter cher (longer de trop prêt des iles, perdre sa voile) mais parvient à chaque fois à s’en sortir.
Il communique régulièrement avec sa femme Cathy, qui organise la partie administrative de son voyage avec comme relais outre Martin le logisticien, Claude-Alain Gailland un alpiniste chevronné, Sebastian Devenish et Sean Wisedale respectivement photographe et cameraman de l’expédition.
Horn finit par arriver dans le nord du Brésil dans la ville de Macapa.
Une fois les pénibles formalités administratives remplies avec les autorités brésiliennes promptes à toucher leur pot de vin, Horn dit au revoir à sa femme et ses filles venues l’accueillir, confie son navire à Martin et se jette alors dans un hallucinant périple à pied de 3600 km à travers la foret amazonienne.
Taillant son chemin à coup de machette dans une végétation dense, il marche plusieurs heures par jour dans une atmosphère étouffante, essuyant des averses de plomb qui ne refroidissent en rien.
Horn se désaltère avec l’eau de pluie contenue dans les lianes et chasse au collet pour se nourrir, généralement des petits mammifères puis des piranhas et des petits caïmans lorsqu’il approche de cours d’eau.
Dormant en hauteur pour éviter les prédateurs, il ne peut en revanche échapper éternellement aux moustiques et fourmis.
Les deux moments les plus fous de cette aventure surhumaine sont la morsure d’un serpent venimeux qui le laisse souffrant trois longs jours croyant sa dernière heure arrivée et la traversée d’un marécage de 80 km aux plantes coupantes comme des rasoirs qui le laisse à bout de force et ensanglanté.
Même si il essaye d’éviter les réserves indiennes, Horn finit inévitablement par tomber sur les derniers représentants de tribus d’Amazonie et décide de terminer son périple en pirogue en utilisant les innombrables cours d’eau de la jungle.
La pluie tombe drue lorsqu’il navigue sur le rio Urubaxi l’un des affluents du grand rio Negro à tel point que sa pirogue menace de couler…
Lorsqu’il perd sa pirogue dans le fleuve c’est la panique puis l’abattement en constatant que la jungle recouvre la surface de l’eau rendant la navigation impossible.
Pris dans ce bourbier inextricable, Horn est finalement rejoint par les siens au bout de onze longs jours à patauger dans une eau stagnante et finit par arriver enfin à la frontière avec la Colombie.
Immédiatement, il se heurte aux militaires en pleine guérilla avec les rebelles guerreros qui financent leur action en s’alliant à des narcotrafiquants au moins aussi dangereux.
Commencent alors d’autres dangers issus du monde des hommes : la suspicion des deux camps chacun voyant Horn comme un espion et surtout le risque bien réel de se faire abattre par les narcos si il pénètre sur leur territoire.
Fort heureusement, l’habile explorateur établit un contact avec un horticulteur médiateur influent de la région qui organise une rencontre avec les chefs guerreros d’Araracuara qui convaincus par la véracité de son projet, finissent par lui accorder un droit de passage si il se cantonne à rester sur le fleuve.
Pour autant dans la réalité la traversée de la Colombie sera en un enfer de stress : capture par les Indiens Miriti Parana qui le prenant pour un esprit maléfique sortant des eaux veulent le tuer, secours fortuit par des militaires avides de bakchich, multiples arraisonnements fluviaux et moustiques féroces qui finissent par lui inoculer la malaria.
Horn finit cependant par s’extirper de cette zone à hauts risques, se fait un petit plaisir d’alpiniste avec ses amis en réussissant la difficile ascension du mont Cayambe (5790 mètres) au Pérou et termine en VTT le dernier tronçon entre le Pérou et l’Equateur.
Mais avoir vaincu l’Amazone ne suffit pas à Horn qui veut à présent s’attaquer au Pacifique avec Latitude 0 amené par ses amis après avoir subi quelques réparation pour continuer le périple par voie maritime.
Après de nouveaux adieux déchirant à Cathy, Horn se lance à l’assaut de l’effrayant Pacifique avec du matériel révisé mais défaillant dont téléphone, radio, ordinateur et pilote automatique ce qui l’oblige à d’épuisante manœuvre manuelles.
Horn fait halte aux Galápagos pour remédier à ses problèmes technique et voit le passage à l’an 2000 en pleine mer, perdu loin des festivités planétaire et finalement sans regret.
Evitant les iles perdues et les énormes cargos lancés à pleine vitesse qui l’écraseraient comme une mouche, il continue sa route malgré quelques bobos et un navire commençant à sentir l’effet de l’usure pour arriver en Indonésie.
Mais la guérilla entre gouvernement et djihadistes islamistes bouleverse ses plans et l’oblige à éviter l’ile d’Halmahera pour accoster à Bangka beaucoup plus stable d’un point de vue politique.
Horn connait en revanche l’une de ses pires épreuve lorsque son navire amarré à la jetée est pris dans une énorme tornade.
Bravant la mort, il réussit à l’entrainer au large pour échapper à la furie de la mer non sans un enfoncement de son flotteur gauche et de sévères blessures.
A Bornéo, il fait faire une réparation de fortune par ses amis et leur laisse son navire puis fait route en VTT vers la jungle qui s’avère malgré la pluie tropicale moins sauvage et dangereuse que l’Amazonie en raison de la déforestation massive qui touche même les locaux appartenant à l’ethnie très accueillante des Dayak.
Arrivé à Pontianak ville portuaire déprimante de laideur et de pauvreté, son frère négocie avec les chefs des voleurs locaux pour surveiller Latitude 0 et le laisser repartir vers Sumatra.
Le départ de l’Indonésie est un océan de tracasserie administratives et de bakchich à verser pour aborder ensuite la traversée de l’Océan indien.
Moins réputé que l’Atlantique ou le Pacifique, l’Océan indien s’avère en réalité le plus dangereux des trois avec la rencontre près du Sri Lanka avec un authentique cyclone et pour moi les pages les plus fascinantes du livre : combat désespéré de l’homme contre ce que Horn appelle le « poing de Dieu » et pour la première fois une capitulation après des jours de lutte sans dormir avant d’être miraculeusement épargné par ce même Dieu.
Ayant survécu à l’épreuve ultime et enfin attiré l‘attention de la presse mondiale le sentant proche de réussir son impossible pari, Horn surmonte les tracasseries de gardes cotes de Maldives et bénéficiant une nouvelle fois de l’indispensable soutien logistique de ses amis, parvient à réparer son navire endommagé par le cyclone pour continuer jusqu’au Kenya à défaut de la Somalie en proie à la guerre civile.
Après avoir traversé tant d’épreuves sur l’eau, Horn quitte à regret Latitude 0 et termine son périple à VTT à travers l’Afrique équatoriale pour sombrer dans les affres de la guerre civile de la République Démocratique du Congo qui déborde sur le voisin Ougandais.
Une nouvelle fois le coriace Sud-africain qui se fait passer pour un scientifique de Médecins sans frontière, va frôler la mort sur le lac Victoria qu’il sous estime et manque de couler sa frêle pirogue en une tempête terrible, puis face aux militaires/rebelles/pirates congolais, soldats incontrôlables devenus au travers de la violence du conflit d’insensibles machines à tuer.
Heureusement la splendeur des paysages naturels africains, des animaux évoluant en liberté et l’ascension dans des conditions extrêmes (sans matériel adéquat ) du terrible Mont Kenya (4985m) vont parfois contrebalancer les horreurs crées par l’humanité.
Malgré l’horreur de la guerre, la culture des bakchich et l’agaçante habitude mendicité des Africains, Horn qui a bénéficié de la protection du président ougandais et des rebelles du FLC, connaitra quelques expériences humains très fortes comme faire accoucher une femme, soigner un enfant blessé ou accompagner un fermier blessé à mort par des militaires dans ses dernières heures.
L’arrivée au Gabon en vélo pour boucler la boucle à Libreville est une source d’émotion intense partagée sur la plage avec famille, amis et sponsors fidèles.
En conclusion, « Latitude zéro, 40 000 km pour partir à la rencontre du monde » est une histoire à la mesure du personnage Mike Horn : hors norme.
Expérience exceptionnelle à travers trois océans terrifiants, sur des rivières, des lacs, dans la jungle amazonienne la plus dense, sur des montagnes (Cayambe, Kenya), dans la savane africaine… dans laquelle Horn se révèle être l’aventurier parfait à la fois marin, alpiniste et VTTiste mais surtout doté d’une force mentale quasi surhumaine qui le pousse à ne jamais abdiquer face aux situations les plus désespérées.
Mais même avec un aventurier de cette trempe, cet exploit n’aurait pas été possible sans un soutien logistique sans faille notamment pour faire face aux multiples avaries du navire et complexes formalités administratives pour traverser des pays ou la culture du bakchich reste dominante.
Certains des dangers, tout particulièrement au Congo et en Colombie, restent les hommes, leur bêtise, leur cupidité et leur violence.
Je ne peux donc que recommander à tout le monde la lecture de cette aventure haletante ayant fait beaucoup à mes yeux pour construire la légende de M Horn !



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