La musique (Yukio Mishima)


 


Écrite en 1965, « La musique » est une œuvre plutôt tardive et atypique de Yukio Mishima.

Dans ce roman, Mishima se met à la place d’un psychanalyste de Tokyo, le docteur Shiomi, face à une patiente présentant une pathologie complexe tournant autour de l’hystérie.

Cette femme, jeune, belle se nomme Reiko Yumikawa et appartient à une classe aisée de la bourgeoisie de province, avec des parents qui l’aident à financer sa vie indépendante et semi oisive sans poser de questions.

Par le biais de la métaphore de la musique, Reiko explique à Shiomi que son problème est la frigidité.

Le psychanalyste s’attelle donc à la tache pour comprendre les mécanismes mentaux ayant amené sa patient à cette situation de blocage.

Mais il comprend assez vite que Reiko ment régulièrement dans ses déclarations et le manipule.

Fasciné, Shiomi va devoir contre l’avis de sa compagne Akémi, user de toutes ses capacités pour décrypter la personnalité complexe et perverse de la jeune femme.

En démêlant le faux du vrai, Shiomi découvre que Reiko a souffert d’un traumatisme dans son enfance lorsque son frère lui a fait découvrir la sexualité par le biais d’attouchements sous le lit.

Bouleversée par cette expérience incestueuse isolée, Reiko est tombée amoureuse de son frère qui s’est naturellement détaché d’elle, la laissant dans des sentiments de frustration et de honte.

L’idée de castration s’est ensuite imposée en elle à la suite d’un jeu enfantin cruel, ou d’autres garçons l’ont déculottée pour simuler une castration, et lui ont inculqué l’idée qu’elle avait déjà été castrée préalablement.

Devenue une jeune femme séduisante, Reiko a grandi avec ce sentiment de castration, d’incomplétude ce qui paradoxalement a attiré les hommes vers elle comme son petit ami actuel, son collègue de bureau Ryuichi.

Homme puissant et vigoureux, Ryuichi est puissamment attiré par l’insensibilité de sa compagne.

Après que Reiko est excitée la jalousie de Ryuichi contre le médecin, les deux hommes entrent en contact et finissent par collaborer.

Ryuichi est une aide précieuse lorsque Reiko se rend brusquement dans sa ville de natale au chevet de son fiancé et cousin, mourant d’un cancer du foi.

Reiko surprend tout le monde par son attachement à ce cousin détesté, qu’elle veille jour et nuit jusqu’à son dernier souffle.

Revenue à Tokyo, Reiko explique à son médecin qu’elle se sent attirée par la mort et la douleur et qu’elle a éprouvé une sorte de jouissance à endosser le rôle de sainte au chevet d’un mourant.

Sa nouvelle attraction pour le malheur devient si puissante, qu’elle la pousse à se rapprocher de Hanai, un jeune homme rencontré dans un hôtel du bord de mer, alors qu’il s’apprêtait à se suicider.

Impuissant sexuellement et désespéré, Hanai présente tellement de similitude avec Reiko qu’ils deviennent rapidement intimes, la jeune femme trouvant dans ce jeune homme cérébral, fragile et prévenant, une sorte d’intellectualisation de son idéal d’homme parfait.

Mais quand Hanai parvient à surmonter son impuissance sexuelle, son comportement change et l’intérêt qu’il revêt aux yeux de Reiko chute brutalement.

Délaissé, Hanai se fait menaçant envers Shiomi au travers de lettres particulièrement agressives.

Patient et expérimenté, Shiomi endure la tempête qui souffle sur lui, entre également en contact avec Hanai et complète par ses explications également pathologiques, celles de Reiko.

Au final, Shiomi découvre la vérité, et comprend que Reiko a retrouvé à Tokyo le frère qu’elle cherchait en vain depuis ses années.

Mais celui a changé, abandonné ses études et ai devenu un petit voyou soumis aux yakuza.

Reiko raconte que pauvre, alcoolique et brutal, son propre frère a profité des retrouvailles pour la violer devant sa propriétaire une prostituée vulgaire jalouse.

Après cet acte, le frère a disparu de la circulation, laissant Reiko dans un état complètement bouleversé.

Shiomi décide donc d’abandonner la théorie et les longues séances de psychanalyse pour provoquer un électrochoc salvateur.

Accompagné d’un guide influent et respecté, il retrouve la trace du frère et rend avec Reiko et Ryuichi à San’ya, quartier ouvrier misérable et dangereux de Tokyo contrôlé par les yakuza.

Lors de l’entrevue, ils découvrent que ce frère a eu un enfant d’une femme des rues qu’il pousse à se prostituer jour et nuit.

Reiko a un choc immense en réalisant la déchéance de son frère, mais débloque aussi son problème intime qui était de vouloir avoir un enfant de son frère.


Voyant que cette maternité a déjà eu lieu, son obsession se dénoue et elle peut donc libérer son corps de la frigidité qui l’enserrait.

Grace à Shiomi, elle peut donc se marier avec Ryuichi et mène un vie  de femme épanouie.

En conclusion, « La musique » sort effectivement des écrits habituels de Mishima.

L’auteur y démontre son intérêt pour les théories psychanalytiques des allemands Freud, Jung et Heidegger, émergentes dans les années 60 au Japon pratiquement en même temps qu’aux Etats Unis alors qu’on aurait pu penser les japonais plus pudiques et moins enclins à livrer à la science occidentale leurs tourments psychiques.

Le sexe plane fortement sur le récit, mais est approché de manière déviante et pathologique au travers de la frigidité d’une jeune femme ou de l’impuissance d’un jeune homme.

On a donc affaire ici à une sexualité complexe, douloureuse, meurtrissant la vie des protagonistes jusqu’à l’altérer complètement.

Bien qu’intéressant, sinueux, bien construit et sans doute novateur en son temps, l’exercice est pour moi un peu trop classique pour un livre de Mishima.

Sans doute pas le meilleur Mishima, mais mention honorable tout du moins.

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