Le marin rejeté par la mer (Yukio Mishima)



« Le marin rejeté par la mer » est nouvelle de Yukio Mishima publiée en 1963.

« Le marin rejeté par la mer » est un histoire trouble se déroulant dans le Yokohama d’après guerre.

Noboru Kuroda est un adolescent de treize ans qui vit seul avec sa mère Fusako devenue une jeune et séduisante veuve de trente trois ans après la mort de son mari.

Belle et indépendante, Fusako a repris la direction de l’entreprise d’import export de son mari et possède un mode de vie très occidentalisé.

Un jour Fusako fait la connaissance d’un officier de la marine marchande, Ryuji Tsukazaki dont le cargo fait escale à Yokohama pendant quelques jours.

Bel homme bronzé et musclé, Ryuji cache derrière sa prestance d’officier un tempérament solitaire, tourmenté, désireux de fuir en mer une vie terrestre douloureuse.

Pris par une grande passion réciproque, Fusako et Ryuji deviennent amants mais le couple ignore que Noboru les observe clandestinement de sa chambre à l’aide d’un trou réalisé dans le mur.

A vif et déstabilisé par la perte du père, le jeune homme est en quête du modèle masculin représenté par le marin : force, virilité, gout de l’aventure, détachement des sentiments.

Mais ce fantasme ne colle pas avec la réalité qu’il découvre avec Ryuji, homme qui s’avère plutôt banal, conciliant et amical avec lui, ce qu’il ne supporte pas.

Alors Ryuji va se réfugier dans son groupe d’amis composé d’adolescents pareils à lui, totalement révoltés par le monde des adultes.

Le groupe se réunie clandestinement, développe une théorie étrange et malsaine prônant le dégout de la vie et le rejet de l’éducation centrée autour du rôle du père.

Plus grave, sous l’impulsion du chef, les adolescents tuent et éviscèrent un chat pour se familiariser avec la mort.

Pris par ses obligations de marin, Ryuji quitte Yokohama en laissant une femme très amoureuse.

Puis fatigué par cette vie errante et tenaillé par l’amour de Fusako, il revient finalement à Yokohama avec l’intention d’officialiser les choses.

Plutôt riche et honnête dans ses sentiments, Ryuji ne tarde pas à convaincre Fusako de l’épouser mais l’idée d’avoir un nouveau père est insupportable pour Noboru.

De plus en plus sournois et manipulateur, Noboru est surpris par Ryuji alors qu’il les espionnait.

Le jeune homme méprise la clémence dont fait preuve à son égard le marin et décide de soumettre sa « condamnation à mort » à son groupe de dangereux amis.

Bien entendu, le chef du groupe est ravi de pouvoir trouver une cible à ses penchants sadiques et sous le prétexte que la loi japonaise protège les moins de quatorze ans, il échafaude un plan machiavélique pour que chaque membre du groupe participe à l’assassinat de Ryuji.

Noboru sera l’appât qui viendra attirer son beau père dans un endroit reculé de la ville, repéré par les soins des petits monstres.

Sous le prétexte d’entendre ses récits de marin, Ryuji est attiré par le groupe d’enfants et ne se méfie pas du tour étrange que prend cette simple ballade.

Le livre se termine de manière brutale avec le marin buvant la tasse empoisonnée que lui ont préparé les adolescents avant de l’assassiner.

Dans un dernier songe, Ryuji pense à la mort glorieuse et spectaculaire qu’il aurait aimé connaitre …

En conclusion, « Le marin rejeté par la mer » est encore une fois un livre étrange et incroyablement pervers de Mishima.

L’auteur y développe sa philosophie particulière de l’existence qu’on retrouve chez Noboru, foncièrement Nietzschéen (la vie n’a pas de sens, seuls les forts triomphent) mais aussi sans doute chez Ryuji homme en fuite permanente cherchant quelque chose qu’il ne trouve pas et rencontrant finalement son destin lorsqu’il arrête sa course folle autour du monde.

Bien entendu, la morale de l’histoire est affreusement choquante, surtout lorsque l’écrivain insère dans le cœur d’enfants des velléités de tueurs sadiques désireux de se venger sur les adultes des persécutions qu’ils jugent subir.

Mais avec que le fond très dérangeant, vient la forme toujours aussi brillante chez Mishima avec ce style sobre, puissant, épuré comme un kata d’art martial.

Le thème maritime est bien entendu très présent avec de superbes descriptions du monde portuaire, de la vie sur un cargo mais l’érotisme, la sensualité perverse trouvent également leur place dans ce récit difficile à ne pas mettre dans toutes les mains.

Encore une fois, un grand livre, décalé et unique.


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