La Sibérienne (Igor Panich)

 



Sorti en 2002, « La Sibérienne » est un dense thriller écrit par l'écrivain russe Igor Panich.

De manière sans doute assez peu originale, « La sibérienne » traite de mafia russe, mais de manière beaucoup plus fouillée et moins caricaturale que du point de vue étranger.

Panich dresse en effet l’itinéraire de deux hommes, le premier d’entre deux, Andreï Krylov, est un russe qui après avoir séjourné dans les années 90 aux Etats Unis comme chef d’entreprise a en réalité amassé une colossale fortune pour le compte du KGB, revient sur ordre du président Gorbatchev dans son pays natal mais laisse sur place une fille Svetlana, issue d’un premier mariage.

Le second d’entre eux, est James Mc Guire, un financier américain de haut niveau muté à Moscou pour tenter de faire des affaires dans un pays en pleine période de Perestroïka, avec un desserrement du joug communiste et une ouverture rapide aux capitaux étrangers.

De retour à Moscou, Krylov qui en sait beaucoup trop est envoyé pour une obscure dans sa région natale de Sibérie pour être en réalité éliminé.

A Tioumen, il bénéficie d’une certaine clémence, noue une alliance avec l’homme chargé de l’éliminer, l’ex général Eugene Ugriumov, aigri contre l’armée après qu’il eut refusé d’envoyer ses hommes se faire tuer en Afghanistan, puis retrouve son mentor l'ex fonctionnaire Sigorsky, devenu prêtre et tombe sous le charme de sa jeune fille, la superbe Katerina.

Avec Ugriumov à ses cotés, Krylov bénéficie de l’appui d’un homme redoutable, possédant une véritable petite armée personnelle composée d’environ 500 hommes, avec bon nombre d’ex forces spéciales, les fameux spetznaz.

Cet appui de poids pousse Krylov a quitter les rangs d’un Etat tombant en lambeaux pour sous couvert de nobles idéaux, verser dans la pure criminalité.

Après s’être fait passé pour mort, il se refait le visage, change d’identité pour devenir le Propriétaire, et prend avec Ugriumov le contrôle de la région sibérienne riche en matière première en achetant les fonctionnaires sous payés et en dégommant ses principaux rivaux mafieux.

En adoptant la nouvelle identité de Solomon Margolis, alias le Propriétaire redouté et puissant, il se sent alors assez fort pour revenir à Moscou avec Katerina, devenue sa maitresse malgré une forte différence d’âge entre eux.

Du coté de Mc Guire, l’américain découvre un pays déliquescent, ou la corruption est généralisée et ou il convient d’avoir des alliés mafieux puissants pour faire des affaires, prospérer et ne pas se faire éliminer.

Avec la famille Tortzov, il trouve des appuis suffisamment solides pour que sa société, TMB détourne des millions de dollars et remplisse ainsi les caisses de la maison mère américaine, Kroll Bros, peu regardante au vu des énormes bénéfices sur leur provenance douteuse.

Bien que se sentant toujours un étranger face à la complexe mentalité russe, Mc Guire s’enivre de cette vie facile ou il fréquente les boites de nuit branchées et de jeunes prostituées de luxe, voie économique majeure de sortie pour les filles russes jolies.

Pourtant la violence sous jacente de la société et de sa profession finit par le rattraper lorsque Fyodor Stepashenko, un puissant mafieux représentant le groupe Togliatti, décide de prendre le contrôle de TMB.

De retour à New-York pour les fêtes de fin d’année, il apprend que Stepashenko a fait assassiner les frères Tortzov et qu’il prend donc le contrôle de TMB.

Pris dans un engrenage infernal vis-à-vis de son employeur, Mc Guire est obligé de retourner sur place pour travailler comme tout le personnel russe de TMB sous les ordres de son nouveau protecteur, Stepashenko.

Esseulé et mal dans sa peau, il se rapproche d’une secrétaire, Olga avec qui il a une liaison quasi normale.

A force de diplomatie et de stratégie, Mc Guire réussit à convaincre Stepashenko de le laisser revenir aux Etats-Unis, et c’est donc l’esprit plus soulagé malgré l’abandon de Olga sur place, qu’il pense avoir réussi à s’extraire du piège russe.

En Russie, la fin du règne de Gorbatchev accélère la privatisation des grandes compagnies étatiques russes (acier, gaze, pétrole) et l’aubaine est trop belle pour Margolis qui peut ainsi s’imposer dans cet univers déliquescent et corrompu en faisant régner la force de ses tueurs implacables menés par Boris, le bras droit de Ugriumov.

Aidé par un appui des plus hautes sphères de l’Etat, Sorgolis semble intouchable et parvient à liquider deux redoutables rivaux implantés en Yougoslavie qui avaient réussi à percer le secret de son identité.

Ce double meurtre fait grand bruit et attire l’attention de Jack Stillman de la CIA, chargé de lutter contre la mafia russe.

Aux Etats-Unis, Mc Guire se range, retrouve son ami buveur et coureur de jupons Bobby et fréquente contre l’avis de tous, Sandra Hughes, la fille d’un directeur d’un grand groupe aérien, en espérant ainsi trouver un bon partie.

Mais l’annonce du scandale d’énormes sommes d’argent du FMI détournées eu Russie et de l’enquête du FBI sur des malversations aux Etats-Unis, éclabousse Mc Guire qui se trouve subitement rattrapé par son passé russe.

Il commet l’erreur de se confier à Sandra, qu’il est sur le point d’épouser, et celle-ci le trahit immédiatement, l’obligeant à quitter les Etats-Unis avant qu’un mandat d’arrêt ne soit délivré contre lui.

Commence alors une nouvelle vie de fugitif de luxe pour Mc Guire, qui se réfugie à Saint Tropez, chez son amie Bobby le fêtard.

Le hasard des choses fait que Sorgolis qui possède un yacht de luxe convertible en sous marin passe également des vacances à Saint Tropez bon nombre de  russes fortunés.

Lorsque au cours d’une soirée dans un club de Saint Tropez,  Katerina séduit Boris pour lui dérober les vingt millions d’euros de diamant d’une transaction avec des gangsters tchétchènes et que se trouvant menacée par les gardes du corps du mafieux, elle profite de la présence de Mc Guire pour échapper temporairement à ses poursuivants.

Malheureusement, la course poursuite se solde par un massacre dans la villa tropézienne de Bobby qui perd la vie au cours de la fusillade.

Miraculeusement, Jim et Katerina devenus amants après une nuit arrosée, échappent aux tueurs et son récupérés par la police française commandée par le commissaire Duroc qui travaille de concert avec Stillman.

La donne devient donc simple : Boris est assassiné pour sa trahison, Margolis depuis son yacht, lâche ses tueurs pour récupérer Katerina qu’il aime encore et ses diamants tandis que Jim et la belle russe, sont pris en charge par les agents de la CIA qui assurent leur protection  et promettent à Jim un blanchiment en échange de son aide pour coincer le maffieux.

Cette protection vole en éclat lorsque les spetznaz de Ugriumov aidés par la complicité interne d’un agent anglais, massacrent la plupart des gardes et laissent Stillman blessé mais vivant.

Encore une fois Katerina et Jim échappent aux tueurs, mais se font cueillir par trois hommes de Margolis en tentant de se rendre à Marseille ou Katarina a expédié les diamants.

La jeune femme, qui a réussit à résister à un interrogatoire musclé, a la présence d’esprits de soudoyer les hommes de mains de Margolis en leur faisant miroiter une part du butin, et ceux-ci sont éliminés par les agents de la CIA.

La cavale continue pour le couple terrible, qui après avoir récupéré les diamants est vendu par la police française elle aussi corrompue par l’argent de Margolis, et termine sur le yacht transformé en sous marin du maffieux.

Le face à face sur fond de jalousie et de cocaïne entre Jim et Margolis est tendu, mais l’américain aidé par Katerina parvient à se libérer pour tuer Ugriumov, les gardes et abattre finalement le maffieux rendu fou par sa femme, la drogue et le pouvoir.

C’est donc tranquillement que le sous marin fait surface.

Jim livre Katerina à son sort sur un radeau de sauvetage puis est pris en charge par la CIA.

L’américain qui se tire miraculeusement d’une situation aussi extrême, est blanchi de toute accusation et peut donc reprendre une vie normale et prospère de financier dans la région de New-York.

Par acquis de conscience envers Margolis, il se rend à la demeure de Svetlana,  pour veiller sur elle comme lui avait demandé son père, dont l’unique amour, vestige de sa vie passée était sa fille.

On comprend également que Jim a par ailleurs épousé Olga.

En conclusion, bien que relativement classique quand à son sujet et son exécution, « La Sibérienne »  n’en est pas moins un excellent thriller peignant avec minutie le monde effrayant de la toute puissante mafia russe des années 90.

Dans un style diablement efficace et d’une belle justesse, Panich décrypte les mécanismes internes de l’économie russe, avec lors du déclin communiste, l’infiltration de la mafia dans le monde des grandes entreprises et surtout l’incroyable dangerosité de ce milieu pour les quelques étrangers qui attirés par de juteux bénéfices s’y risquent.

Le diagnostic est sans doute largement sombre avec une généralisation de la corruption à tous les niveaux du monde économique, le règne de la violence et du crime organisé, et les femmes, purement vénales, froides et calculatrices, vendant leur beauté au male le plus dominant du moment.

On ne ressort donc pas forcément heureux de la lecture du roman mais surtout impressionné par ce tourbillon de violence qui emmène le lecteur de la Russie à la Cote d’Azur en passant fugacement par les Etats-Unis.

Même si le fond du propos peut parfois rebuter, saluons donc le talent d’un très grand écrivain russe contemporain, dont le livre mériterait assurément une adaptation cinématographique.

Commentaires