Les enfants de Las Vegas (Charles Bock)


Basculement important vers la littérature moderne avec « Les enfants de Las Vegas » copieux premier roman de 500 pages écrit par Charles Bock.

La ville de Las Vegas exerce une fascination pour la majeure partie des gens avec son mélange de lumière, d’argent, d’excentricité, de sexe et de violence, en résumé tous les ingrédients possibles pour un roman.

Natif de Vegas, Bock construit son histoire autour de la fugue d’un adolescent appelé Newell Ewing qui incapable de supporter la vie chez ses parents Lincoln et Lorraine, quitte le domicile parental sans donner d’explications.

Newell part en virée avec son ami Kenny, passionné comme lui de bandes dessinées et lui aussi paumé socialement avec un foyer familial en pleine déchirure.

A bord d’une vieille voiture hors d’âge, les deux garçons quitte leur milieu d’origine plutôt protecteur pour s’enfoncer dans les bas fonds de la ville, le coté glauque et souvent caché de Vegas appelé Downtown, ou vivent bon nombre de paumés, drogués et clochards loin des fastes des casinos et des hôtels du fameux Strip.

Autour de cette trame prétexte, Bock va brosser le portrait de toute une galerie de personnages, en s’attardant bien entendu sur la détresse d’adolescents paumés et rebelles.

Ainsi cette fille au crane rasée, férue de rock underground et de contestation, qui va se trouver embringuer dans ses groupes de jeunes marginaux rebelles survivant dans la rue.

La fille au crane rasée va croiser le parcours d’autres marginaux comme l’autre passionné de musique Lestat, qui va exprimer toute la dureté de la vie de sans domicile fixe, faite de rejet des gens normaux, de harcèlement policier, de malnutrition, ampoules, escarres, maladies de peau, digestives, manque de sommeil et surtout stress permanent pour les besoins élémentaires de la vie : manger, boire, faire ses besoins et essayer de rester propre.

A peine au dessus de cette couche de paumés urbains on va trouver le fameux Ponyboy, jeune punk, musclé, tatoué, percé, sillonnant les rues sur son vélo pour livrer des cassettes pornographiques aux sex shops de la ville, pour le compte de son patron, un colosse graisseux surnommé Jabba pour des raisons évidentes.

Marginal, perdu mais en même temps séduisant et plein de toute la fougue de la jeunesse, Ponyboy occupe une place importante dans le roman, dans la mesure ou il est le petit ami de Cheri, une sculpturale danseuse se produisant dans les clubs de strip de la ville.

Belle blonde dotée d’une poitrine atomique par le talent des chirurgiens, Cheri jouit tous les soirs du pouvoir qu’elle exerce sur les hommes, mais se morfond également de ne pas accéder aux plus grands clubs de la ville, et restent cantonné malgré tous ses efforts à la seconde division de son art.

Cheri croise rapidement un dessinateur de bandes dessinées, Bing Beiderbixxe, qui bien que rencontrant un certain succès auprès des adolescents, ne peut que reconnaitre la misère sexuelle de sa vie privée.

Beiderbixxe va ainsi donner du courage à Kenny en lui reconnaissant un certain talent de dessinateur, et aussi s’échouer dans les clubs de strip tease dans le vain espoir de réussir à séduire une femme aussi inaccessible pour lui que Cheri.

On ne saura jamais vraiment très bien si Beiderbixxe parviendra à finaliser son idée de réaliser des tatouages en 3-D sur la peau des gens, puisque le modèle qu’il envisageait, Cheri va lui passer sous le nez et que Ponyboy, soudain possessif va sérieusement freiner ses ambitions en y faisant preuves d’une grande agressivité.

Mais la partie la plus fournie et approfondie du roman concerne assurément l’analyse minutieuse de la relation entre Lincoln et Lorraine, ce couple déjà mal en point avant le départ de Newell, étant maintenant agonisant après le drame.

Ancienne danseuse, Lorraine va devenir obsédée par la disparition de son fils, et va faire preuve d’une grande activité au sein d’associations pour tenter de faire à sa façon avancer les recherches pour le retrouver.

Lincoln, quand à lui va parcourir son passé de joueur de base ball, l’échec de sa carrière professionnelle, son atterrissage fortuit à Vegas et sa reconversion en employé de casino dans le boom économique de la ville, avant de devenir un bon commercial.

Lincoln va apparaitre le plus marqué par ses problèmes de couple, se rendant fréquemment dans les boites de strip et consommant de manière frénétique les films pornographiques sur internet, cassettes et dvd.

Quand Lorraine va découvrir cette addiction, elle va encore davantage mépriser son mari, qui de toute façon considère son couple comme perdu.

La musique majoritairement rock voir punk/métal ainsi que la pornographie occupent des places dominantes dans le roman.

Le second centre d’intérêt de l’auteur se traduit par la tentative de Ponyboy pour faire sa Cheri, une actrice de films X en la fourrant dans les pattes dégoulinantes de Jabba.

Manipulée par son homme, Cheri sera en passe de franchir le Rubicon, avant de finalement se rétracter et d’échapper in sextremis au sexe monstrueusement gonflé de son partenaire, un certain Rod l’Erectile.

Assez classiquement, Bock fait se télescoper ses personnages dans une scène finale, ou Newell vicieusement attiré par asperger les gens à coup de gaz carbonique, renonce à faire de la fille au crane rasée sa nouvelle victime.

Sur cette non fin, Bock évoque le sauvetage de celle-ci, malgré bien entendu de profondes traces laissées notamment par le viol de Ponyboy dans une fourgonnette et laisse ses personnages en plan, se débattre dans leurs problèmes insondables …

En conclusion, « Les enfants de Las Vegas » est un livre jeune, moderne, dont le coté provocateur et outrancier, bousculera le lecteur voir même pourra le choquer.

Bock s’intéresse ici à la face cachée de l’astre lumineux, celui ou vivent les âmes perdues, les pauvres dans un mélange de violence, de sexe et d’énergie désespérée.

Tout ici est sale, désagréable, dérangeant …et les raisons finales d’espérer trouver une porte de sortie restent bien minces.

Outre sa noirceur, le principal reproche que je ferais au livre est sa longueur et la multiplication de passages relativement peu intéressants consacrées aux recherches de Newell avec des résultats nuls si ce n’est l’aggravation du mal être de parents.

On reconnaitra donc un certain talent à Bock, qui s’est attaqué avec courage à un thème socialement difficile, et à mélangé en perdant peut être le sens des proportions le gout de la musique rock underground et la fascination pour l’industrie du sexe, jusqu’à rendre parfois son roman assez peu digeste.

A réserver donc aux amateurs de sensations fortes et aux curieux désireux de savoir ce qu’il y a derrière les rideaux et les spot lights.




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