Le soleil et l'acier (Yukio Mishima)
Yukio Mishima encore et toujours avec « Le soleil et l’acier », sans doute l’une des ses œuvres les plus personnelles, certains la considérant même comme son testament puisque il se suicida deux ans seulement après sa publication.
« Le soleil et l’acier » est un court essai introspectif ou Mishima raconte sa rencontre tardive avec son corps et trace un parallèle saisissant entre son métier purement intellectuel d’écrivain et cette découverte emplie de matérialité.
Tout l’enjeu du livre est en effet de parvenir à réconcilier ces deux mondes en apparence disjoints.
Mishima a semble t il été longtemps complexé par sa faible constitution, sa fragilité physique qui en 1945 l’empêcha d’exaucer ses rêves exacerbés de mort sur un champs de bataille et c’est fort logiquement qu’il développa ensuite son intellect par le biais des ses talents littéraires.
Mais ayant atteint l’age mur, il décida de concrétiser ses fantasmes de beauté classique et de se forger un corps correspondant aux canons de la beauté grecque.
L’écrivain pratiqua donc intensément la musculation, la course à pied mais aussi la boxe et l’escrime ou plutôt le kendo, art martial du sabre japonais.
Les quelques photos de lui prises à l’époque montrent l’impressionnante transformation qu’il subit, acquièrant une masse musculaire proche de celle d’un culturiste.
Mishima exalte donc la beauté et la vigueur de son corps par l’exposition au soleil et les exercices physiques symbolisés par l’acier.
Mais contrairement aux disciples du corps sain dans un esprit sain, l’unique but de l’écrivain est de se doter d’un corps parfait en vue d’une mort tragique et par essence romantique.
Mishima décrit son exaltation lors de son court séjour dans l’armée avec le sentiment de plénitude atteint par la succession d’épuisants exercices physiques effectués en groupe, en uniforme et en pleine nature.
Sachant qu’au bout de la préparation du soldat l’attend presque assurément la mort, Mishima retrouve donc dans cette courte période de sa vie tout le cadre nécessaire à la réalisation de son fantasme ultime.
L’écrivain se penche également sur les écrits des pilotes kamikazes, cherchant dans leurs ultimes lettres les indices d’une conciliation entre le monde des mots et celui de l’action dans le cadre d’un suicide romantique.
Les dernières pages mettent en application cette approche puisque après des tests en chambre de pressurisation, Mishima embarque à bord d’un avion F-104 pour vivre une expérience de vol à haute altitude, guettant le moment ou le corps rencontrera l’esprit lors d’une ascension vertigineuse qu’il espère sans doute secrètement sans retour.
On pourra donc voir dans cette expérience et par la métaphore empruntée à la légende d’Icare, la réaffirmation sous une forme particulièrement vigoureuse de son obsession du suicide seul acte à ses yeux capable de réunir esprit et corps dans une fin ultime.
En conclusion, « Le soleil et l’acier » est un livre particulièrement fort, un testament unique et troublant sur la démarche extrémiste d’un homme obsédé depuis son plus jeune age par un destin idéalisé symbolisé par une mort romantique à la Saint Sébastien, Icare ou Alexandre le Grand.
Dans « Le soleil et l’acier », Mishima finit après moult circonvolutions quelques fois difficiles à suivre, par livrer les clés pour comprendre son œuvre, sa vie et sa pensée.
Il est rare que les suicidés laissent autant d’indices concernant leurs motivations, Mishima réalise l’exercice en s’inscrivant dans une démarche de longue haleine et cohérente de son point de vue.
Comme dit la publicité "A ne surtout pas essayer de faire cela chez vous" !
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