Last exit to Brooklyn (Hubert Selby Jr)



 « Last exit to Brooklyn » est le second roman de Hubert Selby Jr que je chronique en ces colonnes après extraordinairement remuant « Le démon ».

Œuvre de jeunesse écrite en 1964, « Last exit to Brooklyn » est un roman particulièrement corrosif narrant pendant la Seconde guerre mondiale, le quotidien de tous les marginaux du quartier de Brooklyn à New York.

« Last exit to Brooklyn » est découpé en six parties très vaguement reliées entre elles et jonglant avec les différents protagonistes du récit.

Shelby Jr s’intéresse tout d’abord à une bande de voyous trainant dans les bars, dont les principales activités se résument à boire, conduire vite des motos ou voitures volées, draguer des filles, narguer la police et tabasser les marins de la base militaire toute proche.

Déjà particulièrement gratinée, l’histoire prend un tour particulièrement cruel quand Georgette un travesti du quartier amoureux du leader de la bande le viril Vinnie est blessé par jeu d’un coup de couteau dans le mollet.

Le calvaire de Georgette ne s’arrête pas là, puisque la bande continue de la persécuter, lui interdisant d’aller dans un hôpital et la forçant à rentrer dans son foyer ou son frère, révulsé par son homosexualité ne manquera pas de la châtier.

A l’humiliation et la douleur de Georgette s’ajoute l’affreuse sensation de manque due au sevrage de drogue, notamment le benzédrine, dont elle est étroitement dépendante.

Après une violente scène de dispute, Georgette ne peut pas rester longtemps alitée et se rend chez ses amies travelo prostituées pour une énorme fête ou les drogues se consomment en quantités astronomiques.

Comble de l’ironie, les travesties invitent la même bande de voyous pour égayer la soirée d’une male présence ce qui ne tarde pas à faire dégénérer les choses avec le viol d’une travestie particulièrement féminine, Lee.

Bien sur Georgette, complètement défoncée et amoureuse transie de son Vinnie, ne se rend pas compte de l’horreur du comportement de ces brutes animales incapable de porter secours à une femme accouchant sous leurs yeux.

Selby Jr plonge encore plus loin dans le sordide avec le destin de Tralala, une jeune fille qui utilise sa forte poitrine pour séduire des marins en virée qui se font ensuite dépouiller et quelques fois sérieusement amocher par ses amis voyous.

Dure et cynique, Tralala n’envisage les hommes que comme un moyen de subsistance.

Sa vie de débauche se terminera par une abominable tournante ou elle mourra après avoir subi les assauts sexuels de plusieurs marins en rut.

On aborde ensuite le coté le plus social du roman avec le récit d’un long bras de fer opposant des ouvriers fabricant des pièces détachées pour l’industrie de la défense et le patronat.

Harry, déjà évoqué dans les premières parties comme un des voyous les plus actifs de la bande à Vinnie, use et abuse de sa position de représentant syndicaliste pour se donner de l’importance.

Le combat est rude, avec émeutes d’ouvriers et bastonnades des policiers, et le patronat habile et prévoyant manque d’avoir le dessus.

La situation finit toutefois par se débloquer avec un accord conclu satisfaisant entre les deux parties mais ce happy end social ne saurait masquer le tragique destin de Harry qui découvre son attirance violente pour les travestis, attirance qui le fait un jour basculer dans la pédophilie et le fait être battu à mort par ses anciens collègues de bande.

« Coda », la dernière partie du roman est la plus décousue et met en scène alternance de saynètes de la zone, partagées entre bagarres de jeunes durs, scènes de ménages hystériques, adultères, racontars de femmes et solitude de personnes aux existences brisées.

En conclusion, « Last exit to Brooklyn » est assurément l’un des livres les plus noirs et désespérés que j’ai pu lire de ma vie.

On comprend mieux qu’il fut à sa sortie censuré dans plusieurs pays dont l’Angleterre.

Selby Jr fait dans le trash, le provocateur pour décrire la réalité des bas fonds, des sans grades de New York, qui s’abiment dans une consommation frénétique de défonce chimique, de sexe déviant et de bastons sauvages.

Difficile de ne pas avoir de hauts de cœur devant l’étalage de cette humanité sordide et repoussante, qui ne contribue pas à donner une vision optimiste de la vie.

J’ai donc eu du mal à supporter cet océan putride ou des marins déprimés, des voyous sans âme, d'ouvriers troubles, des putes et des pédés s’agitent désespérément.

Malgré la puissance du style de Selby Jr, je ne recommande donc pas ce voyage dans les entrailles morbides du New York des années 40.


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