L'ennui (Cédric Kahn)

 



Il ne sera pas dit que je ne parlerai jamais des films français dans ces colonnes. 

Aussi ai-je vu « L’ennui » film de Cédric Kahn sorti en 1998 d’après une adaptation d’un roman d’Alberto Moravia. 

L’histoire début assez bizarrement, Martin (Charles Berling ) , quadragénaire, écrivain et professeur de philosophie fraîchement séparé de sa femme Sophie (l’insupportable Arielle Dombasle heureusement dans un rôle assez secondaire)  semble complètement déboussolé et à la dérive.

 Après une soirée calamiteuse, il erre la nuit à Pigalle et sauve d’une agression un mystérieux vieux peintre étranger qui en remerciement lui donne un tableau au dos duquel figure ses coordonnées. 

Les dialogues décalés et lieu de la rencontre, un bar à entraîneuses de nuit donnent immédiatement le ton particulièrement glauque du film. 

Plus tard Martin veut rendre visite au peintre mais apprend qu’il est mort subitement. 

Dans son atelier il tombe par hasard sur Cécilia (Sophie Guillemin), jeune modèle encore mineure. 

Martin bombarde de question la jeune Cécilia qui lui révèle que le vieux peintre était également son amant et qu’il est mort en faisant l’amour avec elle.

 Entre Martin et Cécilia va alors brutalement s’instaurer une terrible relation charnelle, passionnelle et destructrice. 

D’un premier abord ce film semblait contenir tout ce que je déteste dans le cinéma français, des dialogues bavards, prises de tête, interminables, des personnages bobos-intello parisiens aisés empêtrés dans leurs micro problèmes personnels mais si on ferme les yeux sur ce théâtre trop souvent vu le film, se révèle terriblement malsain voir insoutenable d’un point de vue psychologique. 

Dans cette relation, Martin devient en effet vite maladivement dépendant de Cécilia. 

Cette dépendance est d’ordre purement physique, animale, pulsionnelle. 

Il souffre, est dévoré d’un jalousie centré sur mystérieux « Momo » amant présumé de Cécilia et qu’il ne verra jamais mais pour autant il ne peut se détacher de son obsession pour la jeune fille. 

En face Cécilia se montre une créature incompréhensible pour le très cérébral professeur de philosophie. 

Cécilia n’est pas une créature pensante, c’est une masse de chair opulente et laiteuse, se donnant avec un naturel désarmant au plaisir sexuel. 

Plus grave dans ce jeu malsain on ne sait pas quand Cécilia ment ou dit la vérité, elle même avoue mentir face au feu de questions maladives de Martin mais seulement de temps en temps pour lui « faire plaisir » et lui dire ce qu’il a envie d’entendre. 

Plus le film avance plus Martin se détruit et plus la tension nerveuse devient insupportable.

On découvre tardivement que Cécilia n’éprouve pas de sentiments même pour son père à la veille de mourir d’un cancer, cette femme semble en effet un monstre d’égoïsme et de froideur. 

Les scènes ou Martin lui donne de l’argent pour la retenir atteignent le summum de la déchéance d’un être humain. 

Dans pareilles conditions le film ne peut que mal finir… et Cédric Kahn lui évite in extremis la catastrophe par un « happy end » assez pataud et artificiel à mon goût.

 En conclusion, « L’ennui » bien que possédant certains défauts des films français notamment des dialogues irritants est un film qu’on pourrait qualifier de diabolique flirtant par instant avec un certain enfer Hitchcockien à la « Sueurs froides ». 

Martin rencontre en effet la personne qu’il n’aurait pas du rencontrer au stade de sa vie car il n’est pas armé pour résister à une créature comme Cécilia. 

L’emprise de Cécilia marque le triomphe de la chair, des passions sur celui de la pensée. 

Cécilia apparaît alors comme une prédatrice, une mante religieuse, une femme fatale menant les hommes plus âgés qu’elle à leur destruction mentale puis physique mais sa perversité et sa volonté consciente de faire mal ne sont pas pour autant évidente dans le film, Cécilia tel un animal ne suit donc que ses instincts et ne paraît pas être capable d’empathie pour les autres êtres humains. 

Les deux acteurs Charles Berling et Sophie Guillemin sont il faut le reconnaître époustouflants. 

Le sexe est très présent dans ce film, mais il n’est pas présenté de manière érotique, plutôt de manière douloureuse et pulsionnelle. 

Par rapport à la situation, je pense que ce genre de cas de figure peut arriver à n’importe qui quand dans une phase de faiblesse dans sa vie on rencontre quelqu’un qui vous détruit. 

Il convient alors d’avoir l’éclair de lucidité salvateur pour activer les mécanismes de survie capable de déclencher le sursaut permettant de s’arracher à cette influence destructrice. 

Certains y parviennent, d’autres pas, ainsi vont les lois de la (sur)-vie. 

Enfin un mot sur l’étonnant destin de Sophie Guillemin qui peu après ce film se convertit à un Islam rigoriste (port du voile, interdiction de contact physique avec un homme) ce qui saborda sa prometteuse carrière jusqu'en 2008

De mon point de vue je veux bien croire qu’un tourner si jeune dans un film aussi âpre, cru et dérangeant puisse être très déstabilisant…

 

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