Unplugged (Alice in Chains)
Alice in Chains est sans nul doute l’un des mes groupes cultes.
Impossible pour moi de ne pas être touché par la beauté, la noirceur et quelques fois la violence désespérée de leur musique, tout comme il m’est impossible de ne pas voir dans les textes de Layne Staley de sombres prémonitions quand à sa tragique destinée finale.
Le « Unplugged » d’Alice in Chains sorti 1996 peut être considéré de la même manière que celui de Nirvana en 1994, comme le chant du cygne d’un groupe phare des années 90, marquant la fin d’une époque et la fin d’un mouvement musical né du malaise adolescent : le Grunge.
Ma mère me l’avait offert à sa sortie dans les bacs et à l’époque trop jeune sans doute, j’avais peu apprécié le coté trop calme et acoustique de l’œuvre.
Aujourd’hui je suis plus amène d’apprécier.
En avril 1996, le groupe de Seattle se retrouve à la Brooklyn Academy pour l’enregistrement d’un live acoustique sous le (saint ?) patronat de la chaîne de télévision musicale MTV.
A cette époque, le chanteur Staley était déjà malade, il apparaît pour une des ces dernières prestations publiques amaigri et très affaibli.
Son partenaire et ami, Jerry Cantrell l’autre ame créatrice d’Alice in Chains, le soutiendra vocalement activement pendant toute la durée du concert, ce qui conduira à la présence d’un guitariste supplémentaire Scott Olson.
Le disque débute par un « Nutshell » ballade détachée toute en douceur et en subtilité.
La voix traînante, planante, magique de Layne prend tout de suite à la gorge et au cœur, l’émotion submerge déjà l’auditeur.
Encore plus lent et aérien, « Brother » brille surtout par ses superbes harmonies vocales qui s’étirent (peu être un peu trop complaisamment) sur plus de cinq minutes.
Plus concis et direct, « No excuses » dévoile la face la plus accessible du groupe avec un refrain séduisant facilement mémorisable.
Inversement « Sludge factory » tortueux et glauque à souhait, plonge l’auditeur dans les sombres marécages des pensées d’un homme malade et vacillant.
Mais le diamant pur de ce disque est sans nul doute « Down in a hole », dont la version acoustique mariant à merveille les deux voix de Cantrell et de Staley propulse ce titre dans une dimension supérieure de pure grâce aérienne et fragile.
« Angry chair » que j’ai toujours adoré pour son coté inquiétant et rampant, est également magnifié par son interprétation à la guitare sèche.
Cette fabuleuse trilogie s’achève avec un « Rooster » fantastique, marqué au fer rouge par les variations magiques de la belle voix nasillarde, chaude et puissante du chanteur blond.
Pourtant le groupe semble décider à rester dans le sublime, tant ce « Got me wrong » presque léger et frais (tout est relatif !) vient apporter un peu d’air régénéré dans cette pièce saturée de lourdes émanations.
« Heaven beside you » légèrement bluesy et morceau réputé « accessible » du groupe est interprété tout en émotion et en classe.
Alice in Chains joue ensuite son tube « Would ? » , tellement parfait, qu’il rayonne royalement même dépouillé de son habituel manteau de puissance électrique brute.
« Frogs » qui lui succède est son antithèse parfaite, sans refrain évident, sinueux, interminable, complexe mais porté par cette voix lumineuse, vibrante qui arrache les tripes et le cerveau.
Conséquence logique de ce requiem glacé, « Over Now » est un enterrement de première classe respirant paradoxalement plus la vie qu’on pourrait le supposer.
Les paroles cependant ne laissent présager aucune doute quand à l’issue finale.
Seule légère et infime faute de goût, l’inédit « Killer is me » que je trouve en dessous de l’ensemble.
Vous l’aurez compris, si j’avais émis quelques réserves sur le « unplugged » de Nirvana, il m’est impossible de ne pas considérer celui d’Alice in Chains comme un chef d’œuvre.
Bien sur il y a la qualité des morceaux, mais la valeur de ce disque provient surtout de la double interprétation Cantrell/Staley et de l’émotion directe, intense, sans artifice, ni théâtralité de ce dernier qui était de toute façon au bout du rouleau à ce moment la.
Ce concert appartient donc à la catégorie des disques à écouter chez soi le soir, toutes lumière éteintes, la gorge serrée, les yeux humides parfois, en méditant sur le coté cruel de la vie qui arracha au monde un talent tel que celui de Layne Staley.
Il est étonnant de constater que souvent les plus grands artistes sont souvent des gens torturés, fragiles, très mal dans leur peau à la vie généralement brève et à la destinée tragique.
Comme il est dit dans « Over Now », « We pay our debts sometimes » .
Layne a payé les siennes, beaucoup trop cher à mon goût.
Resteront des disques cultes comme celui ci pour ne jamais l’oublier totalement.
Salut l’artiste et merci.
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