Les paradis artificiels (Charles Baudelaire)
J’ai lu « Les paradis artificiels » de Charles Baudelaire.
L’édition proposée présente en guise d’amuse-gueule de luxe trois courts textes de Théophile Gautier, ami poète de Baudelaire qui s’était lui même également intéressé au sujet sulfureux de la consommation de drogues.
Dans « La pipe d’opium », « Le hachich » ou « Le club des hachichins », Gautier raconte ses expériences de consommateur d’opium et de hachich.
Il décrit le processus de fabrication, d’ingestion puis les formidables voyages accomplis sous la forme de délires hallucinatoires mélangeant créatures imaginaires et réalité déformée sous l’angle de l’espace et du temps.
« Le club des hachichins » s’intéresse à l’origine de cette drogue qui se perd dans une vielle légende arabe ou un vieux cheikh asservissait ses hommes en leur faisant consommer à leur insu du hachich afin d’en faire des assassins dociles.
Cette nouvelle pousse le délire hallucinatoire à son paroxysme et les descriptions d’êtres mythologiques, surnaturels ou purement imaginaires abondent pour notre plus grand plaisir.
La partie consacrée à Baudelaire commence par « Du vin et du hachich » une intéressante étude comparative entre ces deux drogues.
La langue utilisée est superbe, mettant en avant le rôle de ces deux substances pour révéler et exalter la nature profonde d’un homme, un homme brillant voyant son champs de perception décuplé, un homme médiocre devenant encore plus mauvais.
Baudelaire décrit longuement les différents états par lesquels on passe après l’ingestion de hachich, notamment la phase d’agitation et de rire incoercible, celle de froid et d’anéantissement avant de subir plusieurs montées et descentes de sensations exacerbées et d’atteindre finalement un sentiment de plénitude appelé le kief ou l’homme se prend pour un dieu.
L’après hachich laisse généralement dans un état de grande faiblesse physique et mentale.
Baudelaire insiste sur le coté social du vin qui fortifie, incite à l’action et montre les dangers du hachich qui annihile plus qu’autre chose le consommateur et le rend impropre à tout acte.
La pièce principale de ce recueil est « Les paradis artificiels » divisée en « Le poème du hachich » et « Le mangeur d’opium ».
« Le poème du hachich » comporte une étude détaillée sur le hachich, son origine, sa fabrication, des recommandations pour son ingestion, et plusieurs exemples de ses effets sur des personnalités différentes incluant l’auteur lui-même.
Baudelaire décrit une drogue déformant la réalité, décuplant les sens et la perception de son environnement, exaltant les sentiments humains positifs ou négatifs, ce qui fait qu’il ne faut pas pour lui prendre du hachich lorsqu’on n’est pas dans des conditions favorables.
Le haschich agissant sur l’imagination peut donc être utile pour le créatif ou l’intellectuel cherchant un surplus d’inspiration.
Mais le fait d’arriver au kief, de se prendre pour un dieu aboutit à une lourde descente le lendemain qui semble demeurer un prix trop lourd à payer pour le poète.
En outre, la consommation de hachich si elle décuple l’inspiration rend impropre à la réalisation et bien souvent les rêves partent en fumée faute d’avoir pu être retranscrit.
Baudelaire termine donc ce qui aurait pu être considéré comme une apologie par une note morale, en disant que le philosophe ou le poète ne doit compter que son travail pour développer sa pensée.
« Le mangeur d’opium » est un long commentaire sur les écrits de Thomas de Quincey, écrivain britannique qui a écrit sur sa dépendance à l’opium.
Baudelaire décrit la vie de cet homme qui semble se confondre avec la sienne, enfance aisée au milieu de femmes, précocité intellectuelle puis pauvreté, angoisses, douleurs physiques et mentales mènent de Quincey à la consommation de laudanum puis à la dépendance pure et simple à l’opium.
Il ironise sur la guérison supposée de Quincey qui lui semble totalement artificielle.
Le récit termine sur l’idée très forte que l’opium permet d’atteindre un niveau de conscience supérieur mettant en relation avec des pensées enfouies au plus profond de nous ou bien des divinités responsable des larmes, des soupirs et de la douleur qui nous forgent l’âme.
En conclusion « Les paradis artificiels » est malgré son thème sulfureux une saine lecture ou les auteurs que ce soit Gautier ou Baudelaire donnent libre cours à leur imagination débridée tout en n’oubliant pas une condamnation morale bien mince pour ce dernier.
Mais Baudelaire va plus loin que Gautier dans son analyse, dépassant les pléthoriques descriptions des effets des drogues, son étude de fond menée autour de la personnalité de Quincey met en lumière tout ce qui peut conduire un esprit brillant et sensible à sombrer dans l’opium.
Pour ma part, bien que non consommateur de drogue, je pense qu’il sera toujours dans la nature profonde de l’homme de trouver des stimulants pour élever son âme et oublier une réalité bien souvent terne et sans relief truffée d’éternelles contrariétés et de problèmes à résoudre.
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