Corcovado (Jean-Paul Delfino)

 



Sorti en 2005, « Corcovado » est le premier roman « brésilien » de Jean-Paul Delfino, auteur français passionné par le Brésil.

De manière assez inattendue, « Corcovado » débute à Marseille au début du Xxieme siècle, dans lequel Jean Dimare, un aconier d'origine italo-portugaise commet un meurtre dans les bas quartiers de la ville.

Malheureusement pour lui l'homme qu'il tue n'est pas qu'un simple garçon de café mais le fils d'un des hommes d'affaires les plus influents de la ville, le grec Vassilis Talsimoki, dont la fortune acquis de manière mafieuse rend particulièrement dangereux.

Victime d'une vendetta, Dimare embarque sur le premier cargo venu à destination de Rio de Janeiro.

La-bas, sa connaissance de la langue portugaise lui permet de passer la barrière de l'immigration et il devient João Domar.

Heureusement pour lui João est accueilli par un oncle éloigné, Dom Fransisco, qui appartenant à la bourgeoisie caricoa lui permet de décrocher un emploi administratif dans le prestigieux cabinet de l'architecte Heitor Da Silva Costa.

Résidant dans le quartier de Santa Teresa, João se fond à merveille dans son nouveau rôle et oublie momentanément son passé houleux mais les problèmes financiers de Da Silva Costa qui voit une grosse commande pour édifier une immense statue du Christ surplombant la ville, bloqué par les politiciens de la ville finissent par le rattraper.

Ses rêves d'ascension sociale brisés, João change alors brutalement de trajectoire et décide de devenir criminel en travaillant pour Madame Diva, la chef d'une organisation contrôlant le jogo do bicho, sorte de loterie clandestine brésilienne.

João devient malandro, s'entourant de garde du corps-tueurs et adopte pour lieutenant un jeune homme nommé Laranjinha.

Il tue sans émotion les deux autres fils de Talsimoki ayant retrouvé sa trace dans un café de Rio de Janeiro et établi demeure dans une des favelas de la ville ou il règne en caïd local aussi craint que respecté.

João se met également à son compte pour le trafic d'alcool importé de France et s'émancipe de la tutelle de Madame Diva qu'il finit par conquérir par la force.

Alors que les deux amants entretiennent une relation mêlant violence et sexe, Bartolemeu Zumbi, un peintre noir de Lappa met toute son âme dans la conception du futur Christ de la ville et initie João à la samba, synthèse de toutes les cultures du Brésil et interdite par principe par la bourgeoisie blanche de Rio.

Mais la violence qui entoure la vie de João finit par le rattraper, Emivalda la fille de Dom Fransisco meurt après avoir voulu expulser l'enfant qu'elle tenait de João et son père ne résistant pas au scandale provoqué se suicide.

João élimine un guérisseur d'une favela qui s'était montré incapable de soigner ses crises d'angoisses puis tue Madame Diva dans un accès de violence démente avant de faire une sortie de route dans sa couteuse automobile Citroen.

Laissé pour mort, João est recueilli par Febrino, un indien Tupi qui le soigne lentement et lui fait découvrir la culture indienne au milieu de la foret de Tijuca.

Remis sur pied, il rejoint la ville et fait table rase de son passé violent, laissant la gestion de ses affaires à Laranjinha devenu un homme à présent.

Il rencontre une nouvelle jeune fille, parvient à vaincre son malaise grâce aux consultations d'une prêtresse de Candomblé et met toute son énergie pour aider son ami Zumbi à finaliser son projet de Christ avec Da Silva Costa.

La dernière partie du roman consiste à la finalisation du Christ, Zumbi et João se rendant à Paris pour servir d'intermédiaire entre Da Silva Costa et le sculpteur Paul Landowski, architecte de renommée internationale seul amène de résoudre les problèmes techniques concernant l'édification d'une statue de 40 mètres sur une colline.

En conclusion, « Corcovado » est le premier roman brésilien de Delfino et sans doute le plus impressionnant.

En fin connaisseur du Brésil, de son Histoire et de sa culture, Delfino bâtit une grande fresque autour d'un personnage fictif de docker marseillais devenu bourgeois, criminels de haut rangs puis intermédiaire dans l'édification de l’œuvre la plus fameuse du Brésil.

Ce parcours fantasmé paraît sans doute irréel, mais le style puissamment romanesque de Delfino et sa description fouillé du Rio de Janeiro des années 20 suffisent à emporter le lecteur.

Comme critique, on pourrait dire que « Corcovado » contient peut-être trop d'ingrédients : la samba, le condomblé, la culture afro-brésilienne luttant contre une bourgeoisie blanche raciste et violente, tout ceci est peut-être trop lourdement appuyé comme le personnage de Zumbi, artiste noir flamboyant et passionné ou celui de l'Indien Febrino énigmatique créature de la jungle...

Néanmoins, « Corcovado » constitue l'un des ouvrages les plus justes et intéressants qu'il m'ait été donné de lire sur le Brésil.

Le prix Amerigo Vespucci est largement mérité !


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