Tactiques secrètes, leçons des grands maitres des temps anciens (Kazumi Tabata)


 

Spécialiste du karaté et du bouddhisme zen, Kazumi Tabata sort en 2003 « Tactiques secrètes, leçons des grands maitres des temps anciens », une compilation de plusieurs écrits hérités des maitres d’arts martiaux du Japon de 1500-1700 marqué par des guerres intestines d’une grande violence.
Dans la première partie, intitulée le « livre des sept maitres », Tabata s’interesse au Heiho-Kadensho de Yaguy Tajimanokami Munenori et au Goren-Sho de Mushashi Miyamoto pour exposer plusieurs approches mentales permettant de triompher d’ennemis lors de combats au sabre.
Un entrainement intense et régulier est bien entendu la base de tout l’édifice, mais l’esprit doit être capable de s’adapter pour gêner le style de l’adversaire, en feignant par exemple la faiblesse ou la lenteur ou au contraire attaquer puissamment en premier pour porter un coup fatal.
Le combattant doit être capable de dominer ses émotions comme la peur et la colère en montrant une dignité, un calme extérieur tout en étant prêt à l’intérieur de lui-meme à libérer toute son énergie au moment opportun en une ou deux attaques décisives.
Au moment du combat, l’adversaire ne doit pas être craint ou respecté, seule la volonté de vaincre doit prévaloir.
Mais le plus important est de parvenir à dépasser le stade de l’exécution technique, aiguiser ses sens et développer un esprit mobile capable de s’adapter et de surprendre mais également d’acquérir une vision globale de la situation, ce qui permettra d’être à l’aise aussi bien en défense qu’en attaque, d’esquiver, de prendre l’arme de l'adversaire et même de combattre plusieurs adversaires en même temps.
Arrivé à ce stade de perception avancée, le temps et de l’espace du combat seront ainsi maitrisés et la victoire assurée.
En élargissant sa réflexion à la pensée bouddhique de Takuan Soho et de Matsura Seizan, Tabata développe l’idée de libérer son esprit de la peur de la mort, du passé, des désirs synonymes de souffrance puis évoque des recommandations morales tournant autour de la  loyauté et de l’honnêteté.
Le livre second est ensuite consacré au Bushido, ce code moral japonais transmis depuis le XVIIieme siècle par le Hagakure, écrit par Tsuramoto Tashiro sur des pensée de Tsunemoto Yamamoto.
De manière surprenante, le Hagakure énonce ses recommandations pour manœuvrer en société, prendre une décision objective, convaincre, ne pas trop tergiverser, accepter la critique ou l‘exprimer sans prendre le risque de se faire un ennemi et même accepter une invitation.
Mais la partie la plus puissante de ces écrits concerne les règles concernant l’exemplarité vis-à-vis de ses supérieurs et de ses subordonnés afin de générer loyauté et fidélité, partie du reste portée à un niveau encore plus approfondi dans les traités politiques du Teio-gaku et le Jyogan Seiyou afin de définir le Meikun, le souverain idéal à la fois maitre de lui, humble, modéré, avisé, impartial, sachant écouter, se faire aimer et respecter lorsqu’il le faut.
Les exemples pratiques abondent et poussent à adopter des lois claires, clémentes, valoriser le travail, développer l’industrie, éviter les guerres inconsidérées et lorsqu’elles sont inévitables, comment les remporter.
On termine enfin l’ouvrage dans la plus pure tradition bouddhique avec le livre de l’éveil de Kok Yim Ci Yuen qui décrit de manière métaphorique l’accès à l’éveil en racontant les dix étapes permettant à un enfant de chercher puis trouver une vache dans la foret pour finir par la contrôler.
Le livre de l’éveil ne décrit ni plus ni moins que l’accès à l’harmonie, la connaissance et la sagesse suprêmes représentées par le Satori.
En conclusion, « Tactiques secrètes, leçons des grands maitres des temps anciens » est un ouvrage original montrant la liaison étroite entre arts martiaux traditionnels (karaté, judo, aïkido, jiu-jitsu, kendo) et philosophie bouddhique dans un même flux de pensée continue poussant à transcender l’aspect matériel et physique des choses pour se placer sur le plan mental et spirituel.
Si les états les plus élevés de la pensée bouddhique zen semblent parfois difficilement atteignables malgré la méditation, ils revêtent un aspect plus concret lorsqu’ils s’appliquent au concept des arts martiaux ou l’objectif est de l’emporter dans un simulacre de lutte à mort.
Plus étonnante encore a été la dimension politique de certains bouddhiques, prônant à la manière des philosophes comme Platon, Aristote et Machiavel, des méthodes politiques habiles et profondes pour créer des gouvernants œuvrant dans le sens du bien de leur pays et de leurs concitoyens.
Nul doute que les hommes politiques actuels ne se sont visiblement pas beaucoup inspirés de ce courant de pensée !

Commentaires