The hurt business (Vlad Yudin)


 

Sorti en automne 2016, « The hurt business » est un documentaire de Vlad Yudin consacré au Mixed Martial Arts, sport de combat en pleine ascension actuellement dans le monde entier.
Narré par Kevin Costner, « The hurt business » fait la part belle aux athlètes, champions ou non, ayant sacrifié toute leur vie pour réussir dans ce sport, quel qu’en soit le prix à payer.
Le cas de Rashad Evans, ex champion des lourds légers frappé par une tenace blessure au genou alors qu’il venait d’essuyer une nette défaite contre son ex protégé Jon Jones, s’avère particulièrement poignant.
On sent Evans en pleine reconstruction en proie au doute concernant son avenir, ayant peur que son âge et son absence médiatique le rangent dans les  rangs des « has been » de ce sport spectacle.
Accusé de trahison par son ex mentor, Jones tient tête et ce surdoué fils de pasteur confie l’important stress généré par son statut de superstar avec toutes les attentes autour de ses performances.
Malgré son calme et un coté père de famille rassurant, Jones révèlera un autre aspect de lui-même lors de sa rivalité avec Daniel Cornier, insultes, bagarres et menaces aboutissant à un combat spectaculaire dans l’octogone.
Les succès de Jones sur le ring ne parviendront pas à masquer une certaine instabilité qui le conduira à sa chute : accident de voiture, délit de fuite, consommation de drogues et pour finir usage de produits dopants.
Derrière des superstars comme Jones, Rhonda Rousey ou Evans, on devine la fragilité de ces champions, soumis à d’importantes pressions de la part de l’organisation UFC dirigée par l’influent businessman Dana White, qui a fait explosé la popularité d’un sport jugé barbare et immoral pour en faire un « entertainement » dépassant tous les autres sports de combat.
Hantés par des séries de défaites ou des blessures, certains comme Michael Guymon dit le Joker, deviennent complètement instables, sombrant dans la dépression et d’inquiétantes spirales autodestructrices.
C’est la force de ce documentaire, d’aller plus loin que l’aspect performance et spectacle, pour s’intéresser à l’envers du décor : les maigres salaires si l’on est pas dans le top 3 d’une catégorie, et surtout les lésions d’après combats, en particulier les commotions cérébrales occasionnées par des KO à répétitions.
Ici l’ancien champion Gary Goodridge victime de pertes de mémoires, d’absences et de troubles du comportement se prête à une série de tests médicaux, financés par l’UFC afin de veiller à améliorer la protection de ses athlètes.
La sécurité est ici le point central du débat, car le MMA des pionniers, celui de la famille Gracié, champions de jiu-jitsu brésiliens qui raflèrent les premiers tournois en 1993 au cours de spectaculaires combats marqués par des oppositions de style et une absence de règle, a du évoluer, se structurer pour proposer une image plus « acceptable » vis-à-vis des grands médias notamment américains.
Ayant contourné les obstacles juridiques et politiques après l’acceptation de New-York, dernier état résistant l’ayant autorisé en 2016, le MMA est devenu une entreprise ultra lucrative créant des superstars médiatiques et intégrant à présent des femmes combattantes…
Le parcours de Sara Mc Mann, ex lutteuse frappée par de tragiques décès (assassinat de son frère, mort de son futur mari) et restée seul avec un jeune enfant, force l’admiration, d’autant plus que les défaites s’accumulent pour la musculeuse championne.
On saluera au passage l’ouverture d’esprit de Tito Ortiz, l’un des rares dans un milieu macho à souhait à encourager les femmes à monter sur l’octogone.
En conclusion, « The hurt business » est un long documentaire parfois difficile à supporter en raison de la violence de certaines images (coups sur des athlètes à terre, visiblement incapables de se défendre, effusion de sang, membres brisés) qui a pour mérite principale d’analyser les ressorts profonds de ce que beaucoup de personnes ne considèrent pas comme un « sport » mais plutôt comme une boucherie.
Le succès du MMA provient sans nul doute du talent des organisateurs américains à générer de spectaculaires combats avec des personnalités charismatiques, mais également de la fascination morbide profonde chez l’être humain de voir une lutte à mort dans une arène, que ce soit dans le Pancrace de la Grèce antique ou dans les combats de gladiateurs de la Rome antique.
En s’intéressant au profil de ses athlètes, on découvre des gens plutôt pauvres et limités, désireux de prendre une revanche sur la vie avec leurs poings, quelles qu’en soient les conséquences.
Malheureusement, bien peu sont dans le cas de Michael Chandler des gestionnaires financiers, et la plupart se montrent incapables de faire fructifier leurs gains au final bien maigres au regard des sacrifices consentis à l’entrainement et des risques encourus vis-à-vis de leur intégrité physique et mentale.
Je conseille donc ce documentaire aux amateurs de ce show mondial en pesant bien le pour et le contre de son implication, le contre l’emportant pour moi…

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