Open (Andre Agassi)

 



Je n’ai pas encore parlé de tennis dans ces colonnes.

Pourtant j’ai longtemps aimé et pratiqué ce sport dans mes plus jeunes années et aujourd’hui je reste attaché aux champions des années 80/90 que j’admirais à l’époque derrière mon téléviseur.

Andre Agassi était assurément l’un d’entre eux et c’est donc tout naturellement que j’ai lu « Open » son autobiographie.

Pour coucher sa vie par écrit, le champion aux huit titres du grand chelem a eu ici l’intelligence de s’adjoindre les services du journaliste et écrivain JR Moehringer titulaire d’un prix Pulitzer gagné en 2000.

Au cours des 500 pages de ce livre on découvre donc toute la vie du champion avec ses doutes, ses faiblesses avec la délicieuse sensation de passer de l’autre coté du rideau pour pénétrer l’intimité d’un sportif de haut niveau.

L’enfance du petit Andre a Las Vegas ne fut pas heureuse en raison de son père Mike, ex boxeur arméno-iranien de niveau olympique qui quitta son pays pour vivre son rêve américain.

Mike travailla dans un casino, épousa une américaine et fut rapidement obsédé par la réussite de ses enfants dans le domaine du tennis qu’il avait un peu pratiqué dans son pays, leur imposant une vie infernale autour de ce sport.

Dans la famille Agassi, le tennis était un sacerdoce mais ni les deux sœurs aînées, ni le frère aîné Phil joueur pourtant de niveau national ne furent à la hauteur des ambitions du papa-tyran, qui reporta tous ses désirs de réussite sur le cadet, le jeune Andre doté apparemment de véritables dons pour ce sport.

Andre fut donc soumis dés son plus jeune age à un entraînement démentiel accumulant les heures avec un appareil à lancer les balles trafiqué par son père pour propulser des balles à une vitesse vertigineuse et développer ainsi ses réflexes de relanceur.

Malgré sa haine de ce sport, Andre va pourtant montrer d’étonnantes prédispositions avec un coup d’œil et une adresse phénoménales qui vont l’amener a rapidement gagner tournois sur tournois contre des joueurs plus âgés que lui.

Mike envoie ensuite son fils en Floride chez Nick Bollitieri, le gourou du tennis qui se targuait dans les années 80 de fabriquer les champions à la chaîne dans ses camps d’entraînements à la discipline quasi militaire.

Eloigné de son environnement familial dans une sorte de prison pour adolescents, le jeune Andre est de plus en plus mal dans sa peau.

Il déserte l’école, boit, se rebelle en portant des boucles d’oreilles et des coupes à l’iroquoise.

Malgré leurs affrontements, Bollitieri détecte pourtant le diamant brut que représente  l’adolescent pour lui et finit par lui céder, lui proposant de suivre des cours par correspondance et devenir semi pro à l’age de seize ans.

Agassi quitte donc l’école accompagné de son frère Phil et devient rapidement une terreur des tournois ATP dés l’année 1986.

Avec Bollitieri comme coach, il gravit les échelons et accumule les performances pour atteindre les demi finales à Roland Garros en 1988.

Agassi devient un phénomène médiatique avec son look extravaguant, sa coupe de cheveux punk, ses shorts en jeans et son style de jeu flamboyant.

Le jeune public le suit en masse, les sponsors se bousculent et les jalousies auprès de ses rivaux ne font que croître.

On citera parmi les pires ennemis du joueur, Boris Becker, Thomas Muster, Jim Courrier et à un degré moindre Michael Chang ou Jeff Tarango qu’il n’apprécie guère.

Mais le jeune homme s’aperçoit qu’il n’a pas le physique suffisant pour résister aux exigences d’une carrière au plus haut niveau.

Il s’adjoint donc les services de Gil Reyes, coach sportif de football américain qui va devenir son préparateur physique, son garde du corps, son confident et l’un de ses meilleurs amis.

Andre se bâtit un physique d’athlète, parvient en finales de deux Roland Garros en 1990 et 1991 mais craque à chaque fois mentalement dans les moments importants.

On s’aperçoit alors de son extrême fragilité mentale, de sa haine viscérale d’un sport ou il excelle mais qu’il n’a pas choisi, mais également de ses complexes physiques comme la hantise de sa calvitie qui l’amena à porter de perruques pendant des années.

Malgré des douleurs récurrentes à l’épaule et au dos, Andre remporte pourtant Wimbledon en 1992 et change de statut, gagnant en respectabilité.

Il accède à un monde de stars, rencontre l’actrice Brooke Shields et l’épouse peu après vivant une relation vide assez stérile entre deux personnes que tout oppose.

Puis vient l’émergence de Pete Sampras, son éternel rival et peu être le seul joueur à être plus doué que lui dans l’histoire du jeu avec Roger Féderer.

Sampras remporte un nombre important de grands titres, battant souvent Andre en finale et leur étincelante rivalité au sommet nourrit pendant de nombreuses années la légende du tennis.

S’étant débarrassé de Nick Bollitieri qui le trahit rapidement avec son ennemi Becker, Agassi cherche un nouveau coach et trouve Brad Gilbert, ex numéro 4 mondial réputé pour l’excellence de ses stratégies.

Gilbert devient l’entraîneur d’André et comme Gil un véritable ami, l’aidant à lui forger un mental d’acier digne de lui faire franchir un nouveau cap.

Avec pareille association de talents, le team Agassi ne tarde pas à accumuler les titres et ses duels avec le très introverti Sampras vont vite atteindre des sommets.

Puis après son titre olympique en 1996, le champion traverse une période de doute terrible, son mariage bat de l’aile, il se blesse au poignet, doit se faire opérer, son classement chute, il consomme de la drogue …

Heureusement son entourage est la pour le soutenir, l’empêcher de sombrer définitivement et le faire repartir sur de bons rails en  reprenant sa vie en mains.

Agassi rejoue des petits tournois anonymes, finit par divorcer d’avec Brooke Shields, et focalise toutes ses attentes amoureuses sur Steffi Graf, la championne allemande qu’il a toujours admiré en secret.

Aidé par Gilbert, Agassi rame pendant des mois avant de parvenir à ses fins et à séduire l’allemande.

Agassi et Graf ont beaucoup de points communs, comme le fait d’avoir été tyrannisés par des pères abusifs qui les ont privé d’enfance et de vouloir aider les autres en participant à des œuvres de charité.

Il découvre alors peut être pour la première fois de sa vie un semblant de bonheur ce qui dope sa carrière et lui permet d’opérer un des plus formidables come back de l’histoire du tennis se soldant par une victoire tardive à Roland Garros en 1999.

Ayant accompli l’exploit de gagner les quatre tournois du grand chelem, étant marié, heureux et père de deux beaux enfants avec Steffi, André continuera sa carrière jusqu’en 2006 et jusqu’à ce que son corps brisé ne puisse plus lui permettre de jouer.

Le livre se termine sur un happy end ou le champion parle de son heureuse vie de famille avec Steffi et de fondation pour enfants en difficulté qu’il a établi à Las Vegas et qui permet à des gamins en échec scolaire de se remettre aux études dans un cadre protégé.

En conclusion « Open » est un livre passionnant sur le destin exceptionnel d’un champion hors norme qui a quasiment tout connu dans sa vie.

Sans fard, Agassi se dévoile au risque parfois d’écorner son image lorsqu’il avoue avoir par exemple pris de la drogue.

Un doute toutefois subsiste sur l’usage de dopage, notamment la fameuse « eau magique » que lui fait boire son préparateur plusieurs heures avant les matchs.

J’ai adoré les histoires de rivalités entre champions à forte personnalité comme Becker, Connors ou Nastase qui passent ici pour de bien sales types.

J’ai surtout été frappé par les souffrances physiques qu’il a du supporter lors de sa carrière de tennisman, usant parfois d’injection de cortisone entre ses multiples opérations et ses duels titanesques déroulés dans des chaleurs accablantes.

L’aspect préparation mentale dont Agassi livre quelques clés et qui permet de faire tourner un match favorablement ou défavorablement est également des plus passionnants.

Difficile donc de rester insensible à cette personnalité si attachante, à cet être humain sensible, généreux, souffrant et doutant comme tout un chacun.

« Open » permet de sentir la fragilité mentale du champion et l’importance de l’entourage, coach, préparateur, soigneur, épouse qui sont des éléments indispensables à sa réussite.

Un livre captivant donc pour tout ceux qui aiment ou ont aimé le sport.

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